Chapitre 37 Tu ne feras point d'image taillée

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La musique avait cessé. Ella, escortée par le videur, s’avança vers Lestat. Celui-ci affichait un air de satisfaction sur son visage. Il devait probablement apprécier le fait de devenir utile à ses yeux, pour elle qui d’ordinaire semblait ne jamais avoir besoin de personne.

« Max, nous avons tous besoin de toi. Dit-elle.

-Bonsoir Agent Weber ! Ou comment dois-je t’appeler ? Lieutenant Weber ? Inspecteur ?

-Rien de tout cela. Pour ce soir, juste Ella.

Il fit quelques pas, se tourna vers nous puis repartit dans sa direction. Il était en colère après elle.

-Tes nouveaux amis se sont-ils montrés plus fréquentables que moi à tes yeux ?

-Écoute, je sais de quoi ça a l’air, mais je t’assure qu’ils n’ont rien fait de mal. Ils ont juste agi par instinct de survie.

-Attends, tu vas me dire que tu crois réellement ce qu’ils prétendent être ?

-Pourquoi pas ? Toi-même, tu crois aux immortels, n’est-ce pas ? Je t’offre l’occasion d’en rencontrer des vrais.

-Arrête, tu te moques de moi ! Eux ! Des immortels ! S’indigna-t-il. »

Il refit à nouveau quelques pas, puis son regard s’arrêta sur Victor qui tremblait comme une feuille.

« Enfin, regarde-les ! Dit-il. Ils sont à peine plus convaincants que toutes ces merdes de séries pour adolescents !

-Tu les rejettes uniquement parce qu’ils ne correspondent pas à l’image que tu te faisais d’eux. Mais au fond, qui est en droit de décider ce que doit être un vrai vampire ? »

Ella avait touché un point sensible qui poussait à la réflexion. Si Dieu lui-même revenait sur terre dans la peau d’un charpentier, né dans une étable, aurait-il été reconnu par le pape et sa suite au Vatican ? C’était une vraie question. Les hommes s’étaient construit leur propre image de Dieu et avaient décidé pour lui de ce qu’il aimait, détestait, autorisait ou interdisait,… De la même manière, Lestat avait décidé pour nous l’apparence que nous devions avoir à ses yeux. Peut-être était-ce la raison pour laquelle Dieu n’eut point voulu qu’on le représente. Il ne voulait peut-être simplement pas être l’objet de nos dérives imaginaires, ce qui aurait à coup sûr terni son message.

Nous, vampires, avions commis cette erreur auprès de nos adeptes. Jusque là, Charlotte et les siens n’avaient jamais montré autre chose que de l’indifférence envers ces groupes de fanatiques. Leur goût pour la mort avait terni l’image de notre race dans toute l’Europe, nous, qui au contraire chérissions la vie au point d’en devenir immortel. En réalité, nous n’étions pas vraiment leurs dieux. Dracula, Carmilla, Nosferatu, Marius, Akasha,… C’était eux, les dieux qu’ils vénéraient. Il n’y avait pas de place pour ceux qui souhaitaient simplement vivre normalement. Ils vénéraient tous une image et non leurs dieux eux-mêmes. Une image glauque et morbide qu’ils ne devaient qu’à leurs propres démons. Nous ne leur servions qu’à personnifier et justifier leurs désirs les plus malsains.

« Max, je veux juste…

-Je préfère que tu m’appelles Lestat devant mes amis. Répliqua-t-il.

-Bon, si tu veux,… Lestat alors… Je veux juste que tu leur laisses une chance de faire leurs preuves.

Toujours aussi stoïque, Lestat fit un signe de son avant-bras pour nous permettre de lui faire une dernière démonstration. Il s’adressa alors à l’une de ses amies, toujours assise non loin de nous. Celle-ci se leva et se mit debout à côté de lui.

-Cathy, ma chérie, ça te dit de faire l’expérience ? »

La jeune gothique releva ses longs cheveux noirs et les plaça sur le côté tout en dénudant son cou. Lestat me fit alors signe d’approcher.

« Bon, mes enfants, si vous assumez ce que vous dites, je suis prêt à aller jusque là avec vous. Je dois vous avertir qu’en principe, nous n’allons jamais aussi loin. Ceux d’entre nous, qui échangent leur sang, suivent des règles d’hygiène établies par la maison, avec du matériel spécial. Mais vous, cela ne devrait pas vous déranger. Alors, allez-y ! Montrez-nous !

Je compris alors qu’il s’attendait à ce que je morde la veine de cette jeune femme. Malheureusement, son choix n’était pas le plus judicieux, car en tant que vampire débutant, je n’avais toujours pas compris comment faire sortir mes dents sur commande. Je me dis que l’odeur du sang me mettrait en appétit. Je respirais lentement le cou de cette femme, ce qui eut pour effet de faire luire, pendant un très court laps de temps, mes yeux dorés.

J’entendis alors, des murmures à travers l’assemblée. Certains, placés à l’avant avaient eu le temps d’entrevoir mes yeux réfléchissants et commençaient à avoir des doutes. Mon regard fut alors attiré par celui d’Isabelle qui me fixait avec une expression que j’avais déjà vue. C’était la même que celle d’Isa dans le métro qui nous conduisait à la BNF. Elle était envahie par la fureur et je craignais qu’elle n’eusse pu se retenir d’utiliser son pouvoir plus longtemps. Isabelle était jalouse de me voir toucher cette femme et cela me bloquait pour me nourrir d’elle.

-Je regrette je ne peux pas ! M’écriai-je.

Un grand sourire de satisfaction apparu sur le visage de Lestat pendant qu’il frappait dans ses mains de manière ironique. Le reste de l’assemblée sembla également satisfaite par ma lamentable prestation.

-Eh bien, Monsieur, comme vous le voyez, n’est pas immortel qui veut… Me lança-t-il.

-Je ne suis vampire que depuis quelques jours, je n’ai pas encore appris à mordre.

-Ben voyons ! Et moi je suis la petite sirène, je n’ai juste pas encore appris à nager. Bon, je pense que c’était suffisamment éloquent. Tu m’as quitté pour rejoindre je ne sais quelle secte de vampires amateurs…

Soudain, avant qu’il n’eût le temps de terminer sa phrase, Charlotte se jeta sauvagement par derrière, sur la nuque de la jeune femme. Ses yeux étaient ceux d’une bête sauvage et ses crocs, aussi rapide que ceux d’un cobra. Une fois le venin entré en action, la dénommée Cathy, cessa de se débattre et s’endormit dans les bras de Charlotte qui la soutenait afin de l’empêcher de tomber à terre.

-Elle est à toi ! Dit-elle, devant toute l’assemblée choquée par cette intervention inattendue, tout en se frottant la bouche. Je me précipitai derrière sa victime afin de prendre le relai.

Certaines personnes, n’ayant pas supporté de voir autant de sang, s’étaient évanouies. Lestat, lui-même, était troublé par ce qu’il venait de voir.

-Cathy ! Dit-il en se frottant le front.

-Tout le monde se calme ! Criai-je. Elle est vivante. Vous vouliez une démonstration de mes pouvoirs, je vais vous en donner une.

Je posai alors, mes lèvres sur la plaie et aspirai le liquide chaud qui s’en écoulait pendant une dizaine de secondes. Lorsque j’eus terminé, je vis comme prévu la plaie se refermer grâce à ma salive.

-Alors là, tout devient clair ! Dit fébrilement Lestat. Au début je pensais juste que vous étiez un taré, maintenant je suis sûr que vous l’êtes. J’appelle la Police ! »

Je tendis ma main et fit venir son téléphone jusqu’à moi. Cette fois, il n’y avait plus de doute, mes yeux arboraient leur véritable couleur or. L’énergie fournie par le sang de cette femme m’avait redonné toute la puissance et la vigueur qu’un seigneur de mon rang était en droit d’avoir. Je me sentais libre et plus vivant que jamais. Lestat me regarda stupéfait, bouche bée, les yeux grands ouverts. Pendant quelques secondes, il fut incapable de dire un mot.

« Alors… Alors, c’était vrai… Murmura-t-il.

-Oui, répondit Ella. C’était vrai. Ils sont mes amis et mes protégés. Je suis leur gardienne et j’ai échoué à ma mission. Aide-moi à me rattraper, je t’en prie.

-Je… Je ne sais pas, il me faut le temps d’encaisser, c’est que… Ça fait beaucoup en une soirée.

-Je sais, mais le temps presse, la Police risque d’être au courant de leur existence !

Ella fut interrompue. La jeune femme dont je m’étais nourri avait repris conscience.

-Ça va Cathy ? Demanda Lestat.

Elle se mit debout, tâta son cou puis s’exclama :

-C’était trop cool ! On peut le refaire ?

-Non ! De toute façon, tu as trop bu. Retourne te coucher ! »

Le videur escorta la jeune femme loin de nous.

« Donc, si j’ai bien compris, vous êtes des vampires et vous craignez que votre secret soit dévoilé. La survie de votre race tout entière dépendra donc de la décision que je vais prendre maintenant. Soit je vous chasse, soit, je vous cache parmi nous. Vous passeriez inaperçu au milieu de mes amis qui imitent le mode de vie des vampires à longueur de journée.

-C’est bien ça. Répondis-je.

Lestat fit quelques pas en tournant en rond, puis il nous tourna le dos.

-Alors, c’est d’accord ! Vous pouvez rester. »

Toute l’assemblée applaudit sa décision. Les adeptes vinrent alors nous approcher afin de faire notre connaissance. Ils avaient toujours rêvé de rencontrer des membres de notre espèce et en avaient enfin l’occasion.

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