Le boucher ou l'agneau
Elle m’avait quitté comme ça par un petit matin. Non pas que nous nous aimions plus, nous nous détestions juste. Le truc, c’est qu’on ne sait trop jamais comment en arrive-t-on là. Rien n'avait changé, mais tout avait changé. Des gestes d’amour avant étaient devenus insupportables, des mots étaient devenus insultes. Au fond, nous avions réussi à nous étouffer l’un l’autre. Notre amour avait subi la même chose, s’était étouffé dans la spéculation du bonheur. Comme la vie, on nous apprend la perfection du couple à atteindre, tout comme au cinéma.
J’étais devenu un peu plus con, un peu moins fou dans la désillusion. Elle était devenue un peu plus conne, un peu moins folle dans la désillusion.
Je n’avais jamais été très habile avec les femmes faut dire. Je les aimais soit trop tôt, soit trop tard, trop, pas assez...Astrid n’avait pas échappé à la règle.
Arrivé tout au bout de la désillusion, j’avais tout mis en place pour qu’elle me quitte. Oui, because comme tous les hommes je suis un peu lâche.
Il y avait pourtant de l’amour dans cet acte. Je la poussais à euthanasier notre relation, à abréger toute souffrance inutile.
Elle avait donc fini par céder à mes attentes. Les critiques continues à son égard depuis des semaines avaient eu raison de sa patience. J’avais été un beau salaud, appuyant là où je la savais fébrile, faible. Sa famille, son manque d’enfant, sa carrière qui stagne, ses passions ratées, notre petite vie ratatinée dans un vulgaire appartement d’une vulgaire ville quand nous rêvions de grands espaces, d’aventures…
Je la poignardais dès que c’était possible. Elle me le rendait bien, parfois. A la rupture définitive, Astrid avait été la victime, j’avais été le bourreau. Tout notre entourage avait rallié justement sa cause. J’en avais plus rien à foutre, à vrai dire.
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