I

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Sur l'avenue, le seul bar du coin flamboyé ; on riait, on passait, on buvait, on jouait. C'était là que les anciens allaient prendre un verre et peut-être parler du bon vieux temps si l'envie leur en prenait. Les plus jeunes restaient agglomérer autour des tables aux conversations bruyantes, sortant une ou deux fois pour fumer librement dans la rue. Ce n'était pas encore le soir, les gens étaient encore dehors. Dans ce coin, où le vent faisait une douce mélodie en balayant les arbres du parc voisin et où la lumière se reflétait sur le trottoir, se trouvait l'endroit le plus isolé pour regarder la ville défiler en paix.

Céleste était la seule employée du bar, ce qui ne retardait en rien l'efficacité de la fameuse brasserie. Même au milieu de nulle part, les clients continuent d'affluer. Ce n'était pas temps pour les cocktails, mais plutôt parce qu'il s'agissait du seul pub où les créatures pouvaient boire sans se soucier des jugements des humains, ni de ceux des autres espèces d'ailleurs. C'est comme ça que les affaires marchaient. Elle ne se plaignait pas.

Ainsi, les habitués retrouvaient toujours le petit coin et s'asseyaient sur les chaises qu'ils réservaient habituellement pour les rares occasions, soit le dos contre le mur, soit sur la petite table ronde à l'avant. Certains préféraient rester debout. D'autres préféraient s'allonger sur les tabourets et laisser passer le monde. Mais il y a deux groupes qui choisissent toujours de s'asseoir et de s'intéresser à ce que font les autres. Ce groupe comprenait un grand nombre de jeunes, qui étaient tout aussi jeunes que leurs homologues plus âgés. Il y avait un homme, habillé comme un gentleman dans un costume sombre, que l'on ne pouvait que qualifier d'aristocratique, qui gardait la tête haute et s'adressait à tout le monde.. À côté de lui se trouvait une femme élégamment vêtue, aux cheveux roux et aux yeux bleus, que le barman qualifierait de belle. Dès qu'ils furent assis, tous deux sourirent et saluèrent tout le monde, y compris Céleste. Celle-ci leur rendit la pareille et s'occupa de préparer les boissons.

Elle venait de servir à l'un de ses clients une coupe de sang B+ au zeste de citron, lorsque deux anges apparurent. Impossible de les manquer avec leurs cheveux brillants et leurs grandes ailes blanches qui contrastaient avec les murs sombres de l'établissement. La grande femme maigre aux longs cheveux dorés s'appuya sur le comptoir, saluant la jeune serveuse d'un simple geste de la main. Son compagnon, plus petit en taille, était appuyé sur le panneau de bois à l'arrière, examinant les bouteilles et les verres.

— Je vois que vous êtes occupé ce soir. La femme ange répondit poliment, un sourire amical aux lèvres.

Céleste déposa son plateau dans l'évier derrière elle, avant de finalement accorder son attention à son interlocutrice.

— Cela dépend de ta définition de "occupé", répondit Céleste avec un haussement d'épaules. La serveuse fit un signe de tête en direction de sa compagne. Tu en as apporté un nouveau pour ce soir ?

— N'importe quoi, je ne suis pas ce genre-là. Je suis venue voir Dieu.

Céleste laisse échapper un soupir.

— Je crains qu'il ne faille attendre; il est en pleine partie d'échecs avec Satan.

Elle n'aimait pas particulièrement ces deux personnages originaux et la simple idée qu'à sa mort, elle devrait passer le reste de sa vie avec l'un d'eux ne l'enchantait pas. Au mieux, ça lui donnait des cauchemars.

— Encore ? C'est urgent ! Tu ne peux pas aller lui parler ?

Le bruit habituel de la brasserie s'était calmé. Il était devenu plus facile de s'entendre.

— J'accepte les dollars, les euros, les livres sterling ou les secrets. dit la serveuse en souriant. Mais pas d'or. Ça porte malheur.

L'ange fronce les sourcils, et sortit une pochette d'argent de son pantalon. Elle en versa le contenu dans un verre.

— Merci bien Mademoiselle.

Céleste lui adresse un clin d'œil avant de s'engouffrer dans le couloir à sa droite.

Elle arrive enfin devant une grande porte bordée d'or. VIP' est inscrit en argent sur la plaque de cuivre qui se balance lentement de droite à gauche, comme si elle dansait au son d'un vent inexistant.

La serveuse frappe trois fois. La porte s'ouvre soudain en grand, révélant l'intérieur de la pièce. Un enfant est assis sur un coussin bordeaux devant un homme à la peau cendrée dont les deux cornes sortent de la tête. Céleste récupère les deux verres vides qui traînaient sur la table basse, empêchant les deux joueurs de disposer correctement leurs pièces d'échecs.

L'enfant blond se retourne vers elle, plantant son regard doré dans le sien.

— Céleste, apporte-moi ma bouteille habituelle.

Le bruit sourd de la pièce de bois s'écrasant sur la table comme une menace la fit tressaillir. Elle ne pouvait pas dire vers qui la divinité l'avait dirigé. Le gamin venait d'avancer son fou noir de quatre cases.

— Gabrielle demande à vous voir. Lâche enfin la jeune femme.

Il s'apprêtait à avancer une nouvelle pièce mais s'arrêta, posant délicatement sa reine sur le plateau de jeux. Il reste silencieux une seconde, puis sa bouche se retroussa en un sourire malicieux.

— Il semblerait que le devoir nous appelle.

Il se leva, enlevant la couche de poussière inexistante sur ses vêtements qui avait pu s'accumuler pendant le temps passé dans cette pièce.

— Je suppose que nous pouvons conclure que tu as gagné cette partie Satan.

Même si son sourire enfantin et sa voix aiguë n'étaient qu'une apparence parmi tant d'autres, il n'en restait pas moins que son âme était bien plus âgée.

— Je devrais y retourner aussi, sinon mon assistant va me taper sur les doigts. dit le démon cendré en soupirant.

Adeline Black, la célèbre enfant aux yeux noirs travaillant comme assistante pour les Enfers. Disons que lorsque votre patron s'enfuit de son travail, il y a de quoi être en colère, surtout si vous devez le faire à sa place.

— Tu veux aller lui chercher quelque chose à boire ? Je te mets ça sur le dos bien sûr. Céleste demande au démon en souriant.

— Non merci, elle ne boit pas. Il dit après une courte pause.

— Dans ce cas, tu en veux une ? Nous avons de nouvelles bouteilles qui sont arrivées fraîchement en début de semaine. Céleste dit, tout en ouvrant la porte. Nous pourrons fêter ta victoire ensemble.

— Ne la laisse pas t'entraîner dans son petit jeu, Satan, s'exclame Dieu depuis l'embrasure de la porte.

Avant même qu'elle ait pu se retourner pour répliquer, il avait déjà disparu.

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