Le ton est donné
— Tu es avec moi ?
Je tourne ma tête vers Paul, mon meilleur ami depuis la petite enfance. Il me tends son joint souriant et je le prend sans enthousiasme.
— Je n’ai pas envie de me briser le crâne. Enfin, tu le sais bien que je ne suis pas comme toi.
— Tu n’es pas drôle Marine.
Il le reprend pour s’enfumer pendant quelques minutes sur le banc. On sort de la première journée de rentrée en Bac. Une journée banale. Tout les deux en L, pour par ma passion dévorante de livres, lui, car il n’aime ni les maths, ni l’économie…
— Je vais rentrer Paul.
— Tu es libre, non ?
— Comment ça ?
— Bé, tu es presque majeur et puis, tu peux rentrer tard, pourquoi tu tiens là, à filer ?
— C’est la merde à la maison. Les règles ont changer…
— Pourquoi ?
— Mes parents divorcent. Enfin, disons que mon père a surpris ma mère avec un autre et il demande le divorce.
— Chaud ! C’était quand ?
— Cet été. Je dois rentrer, mon père m’attend.
— En tout cas tu ne perds pas l’amour de tes parents.
— Ce n’est pas le problème !
— Tu es triste pour eux ?
— Comment ma mère a pu tromper mon père ?!
— On s’en fiche ! Tu lui parles encore ?
— Oui mais je vis avec mon père depuis deux semaines. Ma mère a été donc virée et elle dort à l’hôtel.
— Pas chez son amant ?
— Je n’en sais rien !
— Bon, respire, tout va bien. C’est leur problème, pas le tiens.
— Hum, bon, à demain. Bise à ta grand-mère.
— Merci, je vais moi aussi la retrouver.
Je quitte la vue sur la dame de Fer et me dépêche de prendre le RER. Mon casque sur les oreilles, je m’oublie pendant tout le trajet jusqu’à l’appartement. Sentant l’ambiance plus lourde, je range mes chaussures tranquillement dans le placard, pose ma veste sur le porte manteau puis en chausson, je m’avance doucement vers le salon en cherchant mon père.
— Je suis là papa.
Il fume sa cigarette encore en colère, jetant les cendres sur le canapé usé. Je vois qu’il n’a pas repris son poste d’avocat aujourd’hui. En caleçon, la main dedans, il a vraiment changé. Depuis la demande de divorce, depuis le départ de ma mère, il est comme ça. Silencieux, tendu et même ronchon. Je n’ai aucune conversation avec lui...
— Ramène ma bière !
Son ton ferme me surprend et je tente de l’aider…
— Papa, il ne faut pas te laisser aller.
Il se lève d’un coup pour me gifler violement sur la joue gauche. Puis il me plaque contre la porte en m’étranglant un peu. Il me fait vraiment peur….
— Pa….
— Ta mère est une salope ! Depuis trois ans, elle me cachait la relation qu’elle a eu avec un de mes collègues ! Trois ans qu’elle m’a pris pour un con ! Ta mère jouait au moins son rôle de bonne femme au foyer ! J’en ai marre de bouffer des raviolis ou de la congélation ! Lundi, je reprend le taf, toi, après tes cours, tu remplaces ta mère ! Tu sais repasser ?!
Il relâche la pression, je tousse en larme et me massant mon cou. Il ne regrette pas son geste, rit presque un peu et j’ai de la peine. Il tire sur sa cigarette et attend :
— Alors ?!
— Je vais apprendre mais tu sais, j’ai mes cours de danse Rock le mardi et jeudi.
— Pauvre chou ! Dans tout les cas, je veux que la maison soit nickel, mes vêtements aussi.
— Oui papa…c’est étonnant que tu ne participes pas aux…
Deuxième coup…
— Les hommes qui s’abaissent à ça, sont des femmes. Au fait, dernière chose, comme ta putain de mère n’est plus là, tu continueras à te débrouiller seule pour tes révisions. Dans un an, tu t’en vas et j’ai quand même un projet pour toi.
— Ha oui ?
— Tu vas bosser, enfin, peut-être pour un ami à moi. Un très bon éditeur, il aura besoin de petites mains dans son domaine des bouquins.
— Mais, enfin, c’est gentil mais je ne sais pas où aller. Je pensais continuer mes études ou bien….
— Tu payeras ton loyer et tes études avec ce coup de pouce. Des questions ?
— Tu as changé papa…
— J’ai longtemps caché le mâle dominant pour faire plaisir à ta mère et on t’a laissé trop de liberté. Alors oui, tant que tout est fait ici, dans n’importe quelle ordre, tu pourras toujours sortir. Je m’en ficherais de l’heure où tu rentres, je m’en ficherais de tout, tant que tu restes la meilleure de ta classe. Je reste ton père, je définis les règles ici ! Si tu n’es pas contente, rejoins ta mère.
— Non, enfin, ça ira papa.
— Parfait ! Comme tu es ma boniche, je veux ma bière fraiche dans deux minutes, sinon tu vas le regretter.
— Oui papa.
— Merci ma puce.
Il remet ma mèche heureux, me baise le front et revient à sa place. Faut que je fuis ce triste spectacle. Maman à tout gâchée, elle le sait que je lui en veux et pour le moment, je n’ai pas répondu à ses demandes. Elle veut me raconter sa version des faits. Peut-être ce week-end, j’irais lui parler.
En ouvrant le frigo, je me rend compte, qu’il est presque vide. Je prend la dernière bouteille et vais lui donner.
— Merci. Maintenant, casse-toi, je vais me soulager.
Il me remercie sèchement sans me regarder et je commence à fermer la porte.
— Laisse ouvert, je veux entendre la sonnette, dès que Natacha est là, ouvre-lui, merci.
— Natacha ?!
— Ma pute du jour.
— Je dois faire des courses.
— Alors attend dans la cuisine ! Et tu ne regardes pas, cela risque de te briser dit-il en riant
— Je ne comptais pas rester ! Je ne vais pas rester voir mon père faire l’amour à une prostituée et se laisser dépérir !
— Comme moi voir ta mère dans notre lit avec ce traite ! Dire qu’on partageait nos dossiers, nos conseils. Et ne t’inquiète pas, je sais où je vais ! C’est rien qu’un mini passage à vide ma puce.
Il ouvre sa boisson d’une main puis descend son bas pour la sortir. Je sais que ce genre de scène existe mais le sexe ne m’a jamais intéressée. Sauf Paul, lui a déjà couché, il a commencé vers ses seize ans avec une de la même école et trouve cela libérateur. Pour lui, il l’a, l’âme d’un hippie, le sexe est l’art de s’aimer sans jugement…. De retour à la cuisine, j’entend en fond du porno et je scroll Instagram pour m’aveugler.
— Tu es sourde ?! Ho ! Ma vieille !? Ouvre !
— Pardon papa.
— Je ne vais pas l’accueillir nu !
Je me lève pour ouvrir et je me sens pas bien. La femme le ressent et pose sa main sur mon épaule droite :
— On est tous victimes. Je paye mes factures et nourrit mes deux jeunes enfants. Je pensais choisir, l’engrenage m’a pris.
— Il vous attend, je vous accompagne ?
— Je veux bien.
Son accent de l’Est, sa veste en fausse fourrure, me met les clichés en tête. Moi qui préférait ne pas connaitre tout ça. Personne en fait, le veut. Je lui montre le salon et baisse le regard quand mon père ferme les yeux de plaisir sauvage en jouissant.
— Bonjour Monsieur.
Il revient avec joie ici, se lève et exige :
— Finalement reste ici ma fille. Tu as dix-huit ans dans deux jours mais tu es assez grande pour apprendre.
— Papa…c’est ton intimité…
— Restes ! Assis ici ! Et toi, Natacha, je te payes uniquement quand je t’aurais bien démonté, suis-je clair ?
— Vous ne voulez pas voir les prestations ?
— Chut, tu as voulu être une soumise pour nous faire plaisir. Tu vas de toute manière gagner plus cher qu’une journée classique. Deux cents, vous convient ?
— Oui, comme vous voulez Monsieur. Je voudrais protéger.
— Marine assis toi ! Et toi, ma femme du moment, nue ! En position levrette ! Et bien sûr, j’ai toujours une capote.
On obéit et pendant l’acte, elle se fait frapper les fesses jusqu’au rougeur, sur le tapis.
— Je te vois regarder tes pieds !
— Papa ! Pourquoi tu m’infliges ça ?!
— Ta mère doit être punis, elle nous inflige ça. Et promis, c’est qu’une seule fois. Donc, c’est ta chienne de mère, si tu ne veux pas qu’un jour, tu subisses ça, en tant que femme qui trompe son mari, tu n’auras pas cette position de dominant sur dominée. Ok ?
— Oui papa…
— Alors, ne pleures pas. Bien, maintenant, si je te vois encore ne pas regarder, tu seras punis.
— Punis de quoi ?
— Tu verras et ça restes entre nous, ok ?
— Oui papa….
Il me sourit, je sèches mes larmes et il la pénètre violemment. J’attrape le visage de la femme, en me disant qu’il y a sans doute une porte de sortie. Pour elle, pour lui, pour moi. Puis, je vois ma mère et je craque en fuyant au moment où il se retire.
Ma chambre est mon refuge et je pleure jusqu’à l’arrivé brutal de mon père. Il s’est rhabiller et m’observe en chien de fusil, les bras croisés. Puis, il referme la porte, retire sa ceinture, la prépare pendant que je m’isole de l’autre côté de lit. Il me bloque et me plaque contre le matelas en me frappant quelques coups sur le dos.
— Papa !! Pourquoi ?! Je n’ai rien fais !!
— Tu as peur de voir la réalité !
— Non ! Je t’assure que non ! Arrête !
Il me retourne, me gifle deux fois avant de remettre sa ceinture :
— Les femmes sont nos plaisir.
— Et c’est un avocat qui ose dire ça ?!
— Avec ton futur mari, tu en penseras ce que tu veux. Mais ici, je te le rappel que je suis ton père, tu vis ici et quand je te demande d’observer ta mère être punis, tu dois obéir !
— Mais, c’est juste horrible !
Il me gifle encore et me force à le regarder :
— Peut-être mais ta mère a payé sa mort ! Tu en payes aussi les conséquences ! Je lui ai demandé mainte de fois de m’être fidèle ! De me respecter ! Tu te me respect même pas ! Tu fuis ! Tu es en fait, faible. Lisant des livres pour aller dans un autre monde ! Je défend des criminels, des petites crack comme ton fumeur de pote ! Et même l’infidélité ! Je connais la réalité et il serait temps pour toi, de t’y confronter ! Tu es bientôt une adulte ! Je suis là pour te guider, moi, je t’aime et j’espère que tu es là pour m’aider ! J’ai besoin de toi pour remplacer ta mère, avoir ce repère, ces bonnes tartes et son amour ! Tu comprends ?
— Oui papa…
— Merci de ton soutient. Maintenant, file faire des courses, prend ton temps. Je te laisse de la monnaie sur la table.
Il m’embrasse la joue après l’avoir tapotée et ferme la porte. Je reprend mes larmes et puis me ressaisie. Je sors avec cinquante euro à la superette et me demande ce que je vais faire à manger. Une fois le frigo et les placards pleins, je prends ma douche, soulage mes bleues puis écris enfin à ma mère. Je pense que l’aveu de mon père concernant sa violence enfouis, masque une réalité…et si, c’était un coup monté pour enfin demander le divorce ?
Pourtant, ma mère n’avait jamais été battue, il n’y a jamais eu de mots plus haut que les autres. Alors, qui dit vrai ? Je dois mener ma propre enquête et pour une fois, ne plus trop me confier à Paul. C’est maintenant mon histoire, et seuls, nos sorties, nos rêves, seront partagés.
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