Le salaud et la Lune
La nuit, tous les salauds sont gris, celui-là pas moins que les autres. Ce salopard a chuté, tête la première dans les ordures ; une abjection parmi les siens. Gosier nappé de plasma et d’alcool ; cœur à l’agonie, pompe du kérosène vers ses membres en capitulation. Il insulte la Lune, gicle sur le bitume, mains et genoux écorchés, une balle logée dans le poumon. L’écume rosâtre au coin des lèvres, il psalmodie sa ritournelle, sa collection d'avanies, à l’astre qui lui adresse son albédo. Elle resplendit et lui s’éteint ; il crache son dernier souffle, le cul garni des restes d’une pizza. Il pue, il tremble et il expire, se vide au milieu des cartons.
— Bordel, j’ai mal !
— Meurs, fumier ! lui répond Sélène, enveloppée d’un ruban de brume.
— Salope.
Plus la force pour une exclamation.
Il regarde ses chaussures, mais elles sont lourdes, lourdes, tout comme ses fautes et ses paupières. Misère.
La nuit, tous les salauds sont gris, celui-là pas moins que les autres.
La Lune lui sourit, et la mort aussi.
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