Le parapluie
Je ne reconnais plus rien.
Sinon la pluie qui m'accueille dès la descente
Du train.
Dans un bazar, qui était avant une pharmacie,
J'achète un parapluie.
La rue principale, où grouillaient des voitures,
Est aujourd’hui piétonne.
Les arbres, dans mon souvenir des marronniers,
Se sont perdus.
À la place des pavés ronds, on a déroulé de grandes plaques
Qui jaunissent.
La pluie trempe les mégots, décolle les chewing-gums,
Reflète les façades aux volets fermés.
Devant les entrées où l’on s’embrassait ont poussé
Des interphones.
Les magasins ont changé de nom, de devanture,
De marchandises.
Là, il y avait un crémier et juste à côté un coiffeur.
Maintenant, c'est un supermarché.
Plus loin, c'est le parc qui a disparu, remplacé par un parking
Sans cris d’enfants.
Je ne reconnais plus rien.
La pluie dilue et brouille les vestiges
Lointains.
J'entre dans un bar et commande un espresso
Qui n’arrive pas.
Reviennent les souvenirs trempés d’une enfance dure,
Trop tôt.
D’un vieux moutard dont le regard à présent
Reste sec.
Je ne suis pas triste de dire aux murs :
Adieu.
C’est l’éclaircie ; mon Soleil loin d'ici
Me réchauffe le cœur.
Alors je sors, remonte la rue, l'averse me lave des pieds
À la tête.
Il y a des choses que la mue ne changera
Jamais.
J'ai oublié au pied du zinc
Le parapluie.
Premier jet (et il le restera) rédigé en écoutant Morning Breaks de Craig Armstrong
https://youtu.be/w2Nv-tcbuEU
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