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Je ne sais pas par où commencer. Bonjour, peut-être. Je m’appelle Yann.

Le reste, je vous le livrerai petit à petit. Par morceaux. Comme une mosaïque. Qui prend forme à mesure que l’on colle de petits carreaux de faïence sur un mur. Dessine les contours d’un visage. D’un paysage. Je ne vais quand même pas vous dire tout, tout de suite.

Je suis un bon ami. Je crois. J’espère. Un conjoint attentionné, digne de confiance et fier de l’être. Un fils distant. A regret. Les kilomètres qui me séparent de ma famille n’y arrangent rien. Un collègue sympathique. Un peu réservé, certains diront coincé, au début en tout cas, pas tant que ça, quand on prend la peine d’apprendre à me connaître.

J’aime lire. Je n’aime pas faire de sport. Sauf nager, peut-être, du moins, je ne déteste pas. Si je pouvais m’en passer, je le ferais sans doute, mais je tente de me maintenir en forme. Pour ne pas réduire mes chances à néant.

Mes chances de quoi ?

De séduire, d’abord. Ce n’est pas désagréable de plaire. De constater que l’on est encore capable, passé trente ans, d’accrocher un regard, de décrocher un sourire timide à un inconnu croisé au hasard dans la rue ou au café.

Et puis, mes chances de partir, un jour. De quitter notre planète, la Terre, qui se meurt un peu plus avec chaque année qui passe. Les missions de colonisation martienne n’acceptent que des individus en bonne condition physique.

C’est mon objectif ultime.

Celui pour lequel je prépare mon corps, mon esprit et mes proches depuis des années. La raison pour laquelle j’ai étudié le droit de l’espace. Et en suis devenu professeur, dans l’une des université américaines les plus réputées dans le domaine. Sans doute également la raison pour laquelle je suis tombé amoureux d’un pilote. Un pilote d’engin spatial, j’entends. Avec qui je partage ma vie depuis presque dix ans. Et l’ambition de partir avec lui, loin, le plus loin possible, de participer ensemble à la création de quelque chose de nouveau, de jamais vu, de jamais fait, quelque chose d’historique, quelque chose de plus solide, de plus durable, de plus simple. Un monde où tout est à construire. A inventer. Où l’être humain ne croule pas sous le poids d’un milliard et demi de problèmes insolubles. Liés les uns aux autres par un vaste réseau de nœuds, de chaînes de réaction, de cycles auto-entretenus, autant de cercles vicieux dont il semble désormais impossible de se défaire. De s’extraire. Héritage empoisonné des générations antérieures qui condamne aujourd’hui l’humanité à s’enfoncer toujours un peu plus profond dans la misère de sa condition.

Repartir à zéro.

Moi.

Lui.

Et avec nous, l’espèce toute entière.

Quand le gouvernement américain a annoncé le lancement du programme « Salvare », je n’ai donc pas hésité une seule seconde. Adam non plus. Nous avons immédiatement ajouté nos noms à la longue liste des volontaires. C’était il y a trois ans. Depuis, l’attente se fait longue. Mais j’ai de bonnes raisons de croire que nous touchons au but.

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