LOG48_DAY211
Le contact n’a jamais été rétabli avec Bruxelles, ni Tolède.
Le Olympus I ne semble plus en mesure de parler qu’avec Huo Xing, la base de contrôle du programme de colonisation chinois, situé sur le sol martien, dont les agents de liaison ont visiblement été surpris de voir le vaisseau européen appeler à la rescousse, sans le savoir, ce qui sur Mars ressemble le plus à un ennemi déclaré, bien que les choses n’aient jamais été dites aussi clairement entre la Chine et l’Europe, beaucoup moins clairement, en tout cas, qu’entre les chinois et les américains.
Ça ne fait pas vraiment nos affaires, pas du tout, même, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais nous n’avons pas vraiment le choix. Sans le soutien de l’Agence et du satellite européen « Hermes », impossible pour le Olympus I d’espérer se poser sur Mars en toute sécurité. Il n’y a donc pas vraiment d’alternative à la coopération avec la Chine qui, au plus grand déplaisir de Felipe, ouvertement sceptique quant aux intentions chinoises, s’est généreusement proposée d’aider au guidage du vaisseau européen une fois que celui-ci sera entré dans la phase d’atterrissage.
Ce sera d’ici deux mois.
Il reste encore un sacré bout de chemin à parcourir, et ça, le Olympus I peut le faire seul. EVA n’a pas été touchée par la panne. Le pilote automatique est donc pleinement opérationnel, et notre trajectoire toujours impeccablement tracée tout droit vers la planète rouge. Aucun système mécanique ne semble avoir été affecté non plus. Les moteurs fonctionnent parfaitement, et à plein régime, m’a assuré Ótavio lors d’une confidence sur l’oreiller. De sorte que nous arriverons sur Mars dans le temps imparti.
D’ici là, il ne nous reste donc plus qu’à nous faire à l’idée que notre arrivée sur Mars se fera sous escorte chinoise.
Après une réunion du conseil pour le moins agitée, et en dépit des protestations de Felipe, Noûr a obtenu le mandat de négocier un atterrissage exactement au lieu prévu, ce qui facilitera les débuts de la colonisation, en donnant aux membres de la mission « Olympus » un accès immédiat aux modules prévus à cet effet. Ce qui implique, selon Huo Xing, une présence chinoise dans le secteur européen, pour accueillir notre vaisseau. Le militaire espagnol craint, sans doute à raison, que les chinois en profitent pour s’accaparer l’un ou plusieurs des précieux modules en question, demandent un droit de prélèvement sur les soultes remplies de graphène que le Olympus I a récupérées dans le sauvetage du Cheolseon-7, ou encore, restent plus longtemps que prévu dans le secteur européen. Ils auront l’avantage du nombre, les deux-cents membres du programme « Olympus » ne faisant pas le poids face aux plusieurs milliers de colons chinois déjà installés sur Mars.
Volker, les traits tirés après plusieurs nuits sans sommeil, a tenté de rassurer Felipe, sans vraiment y croire :
« On verra en temps et en heure. L’important, pour l’instant, c’est d’atterrir sur Mars, à l’endroit prévu, et de commencer le déploiement de Crater Europeis. C’est notre mission, on ne doit pas s’en écarter, quelles que soient les difficultés et les imprévus. On s’en tient à la mission ».
Le commandant a raison. Du moins, c’est ce que j’estime moi aussi. Hors de question de me priver d’un atterrissage en toute sécurité sur Mars par péché d’orgueil, simplement pour flatter mon égo européen, par ailleurs pas particulièrement développé. En attendant, je me replonge avidement dans les traités d’assistance mutuelle entre Etats en milieu spatial, espérant y déceler un article, un paragraphe, peut-être même une simple phrase pouvant jouer en notre faveur en cas d’appétit chinois un peu trop important pour nos ressources ou nos territoires.
Un jour, je le sais, ce sera à mon tour d’entrer en scène, et je n’ai pas d’autre choix que de briller.
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