La légende des Quatre Eléments et du Monde
Il y a bien longtemps, dans un pays au nom inconnu, vivait une reine du nom de Eritha. Elle était fort belle et intelligente, et menait son royaume d'une main de fer ; son peuple était en paix avec tous les autres royaumes. Cependant, Eritha avait fort à faire de ses jours, et n'avait jamais songé à prendre un époux. Elle avait toujours repoussé les hommes, préférant confier sa vie à son pays. Mais en effet, ce ne fut pas d'un homme, dont elle tomba amoureuse, mais d'une femme, une puissante magicienne nommée Ierla. Etant deux personnes d'un même sexe, et ne pouvant donc pas avoir de descendance, Ierla usa de sa magie pour créer quatre enfants à leur image ; quatre filles, chacunes sublimes et qui se cultivèrent bien vite.
Seulement, utiliser la magie pour parvenir à de tels fins furent d'un tel épuisement qu'Ierla tomba fort malade. En outre, les conditions particulières de la naissance des quatre soeurs leurs retirèrent chacune un sens qui leur était propre.
Celle qu'on nommait l'« Aînée », car elle était la plus mature des quatre, s'appelait Dunis, et était aveugle. Cependant, elle avait apprit à voir malgré sa cécité, en ressentant les vibrations du sol et de l'air tout autour d'elle. Dunis possédait donc une ouïe et un odorat surdéveloppé, et avançait au même rythme que ses soeurs dans leur éducation. Eritha l'avait même nommée sa conseillère, car elle était juste et égale.
Venait ensuite la « Cadette », Pyraïs, aux cheveux d'un roux des plus flamboyants. Depuis son étrange naissance, elle n'avait jamais rien ressenti au toucher : sa peau était insensible à toutes les douleurs. Pyraïs était d'une nature possessive et narquoise, mais sa culture dépassait grandement celle de ses soeurs, et même de ses mères elles-mêmes. Elle s'occupait de maintenir l'ordre dans le royaume, et beaucoup préféraient lui obéir, de peur qu'elle rapporte tout ce qu'elle voyait à la reine Eritha.
La « Benjamine » était Cyclérée, et était malheureusement sourde de naissance. Elle était douce et belle, ses cheveux étaient d'un blond si clair et lumineux qu'il paraîssait rempli de lumière. Maniérée et obéissante, personne ne pouvait se plaindre d'elle. Les courtisans du palais lui parlaient en brefs signes des mains et expressions du visage, et elle vivait une vie parfaitement normale. C'était elle qui était chargée des comptes du royaume, et s'occupait des taxes et autre.
Enfin, la petite dernière, qui n'avait aucun surnom, portait le prénom de Aquaïra. Elle était la moins jolie, mais de loin la plus somptueuse de caractère. Enjôleuse, souriante, elle pouvait faire craquer les coeurs de n'importe quel sujet du palais d'un regard, malgré ses épaules un peu voûtées et son nez légèrement décalé. Aquaïra était muette, mais les gens n'avaient cesse de penser que, si elle avait pu parler, sa voix aurait été la plus belle du monde. Eritha lui avait confié de s'occuper de l'éducation dans son royaume, qu'elle jugeait primordiale.
Mais toutes, la mère comme les filles, étaient accablées de tristesse devant l'état d'Ierla, qui était prise de délires incompréhensibles, et qui restait toutes ses journées au lit, sous la gouverne de guérisseurs qui ne faisaient que ralentir sa mort imminente.
Un jour, un jeune homme fort beau et courtois débarqua au palais de la reine. Il disait avoir eu vent de l'état d'Ierla, et connaissait un remède qui poussait en haut d'une dangereuse montagne quelque part près de la frontière. N'ayant aucune autre solution ou idée, Eritha accepta, et chargea ses quatre filles de partir avec l'aventurier ramener la plante. Elle mit des conseillers expérimentés pour les remplacer le temps de leur quête, et leur souhaita bon voyage, avec tout de même l'inquiétude qu'elles ne reviennent jamais et qu'elle perde son épouse et ses descendantes en même temps.
Le voyage fut long et ardu. Mais en plus des longues heures de marche que leur quête les obligeait à endurer, les quatre princesses étaient chacune tombées en amour devant le jeune homme, un dénommé Yarel, venant d'un royaume voisin. Elles aimaient toutes quatre le même homme sans même le savoir ! Mais Pyraïs, la plus observatrice et cachotière, commença à se douter de quelque chose, soupçonnant ses soeurs de vouloir lui voler l'homme de son coeur. Elle n'était pas la plus jolies de toutes, mais se rapprocha plus d'Yarel durant le voyage, ce qui mit en rage ses soeurs. Dunis maîtrisait ses émotions avec son sang-froid habituel, mais Aquaïra lançait des regards noirs à Pyraïde, tentant parfois de la séparer dYarel. Quant à Cyclérée, elle tentait de se faire discrète, mais une jalousie et une colère sans nom brûlaient en elle.
Le soir, elles ne se parlaient plus, se fusillant du regard. Yarel, lui, n'y comprenait absolument rien, songeant que ces querelles silencieuses devaient être le propre des soeurs.
Le voyage se poursuivit, et les cinq aventuriers arrivèrent enfin au sommet de la montagne, où les attendaient une poignée de fleurs pas plus hautes que des pâquerettes, mais aux immenses pétales bleu violacé. Ils les cueillirent en prirent la route du retour. Les soeurs n'avaient toujours pas fait la paix, et chacune devenait de plus en plus possessive avec Yarel.
Rentrée au palais, la reine fabriqua le remède et le fit boire à sa bien-aimée. Ierla se rétablit petit à petit, mais, ayant retrouvé sa magie, comprit ce qui divisait ses filles. Elle en fit mot à Eritha, qui les fit venir toutes quatre devant elle. Elle fit aussi appeler Yarel, à qui la situation fut exposée. Le jeune homme en fut tout troublé d'être la cause de tant de tourments chez les princesses.
La reine leur fit la leçon et les punit, mais, malgré cela, elles brûlaient encore toutes d'amour pour l'aventurier, ce que, une fois de plus, Ierla sentit. Alors, elle et Eritha leur jetèrent un sort pour ne plus avoir à supporter leurs querelles. Dunis, qui était la plus sage, devint la Terre. Etant aveugle, toutes les créatures vivant en son sein même seraient atteints de la même malédiction. Pyraïs, la plus instable, devint le Feu. Ierla créa les flammes, avec pour modèle la chevelure rousse de sa fille. Pyraïs était insensible, mais le Feu était si brûlant qu'ils blesseraient tous ceux qui s'en approcheraient trop. Cyclérée devint l'Air, et, sourde qu'elle était, le vent devint sifflant et rapide. Quant à Aquaïra, le fait qu'elle soit muette rendit tout son inaudible sous l'Eau, où elle fut envoyée. Pour finir, sachant que le conflit entre les soeurs continuerait tant qu'aucune n'aurait ce qu'elle voudrait, Ierla et Eritha offrirent Yarel au Monde, qu'il devint. Ainsi, chacun des Quatre Eléments pourraient se partager leur bien-aimé. Le calme revint au château, et on entendit plus jamais parler des quatre soeurs ou de l'aventurier.
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