L'homme
Il marchait. Seul sur son trottoir. Avec son long manteau noir par cette nuit sans étoiles.
Sur celui d'en face, illuminées par de sombres lampadaires, déambulaient avec lenteur de grandes filles à talons hauts, la mine tentatrice. Leurs jambes interminables et leur dentelle noire auraient tourné la tête à n'importe quel maraud du quartier. Il pouvait voir leurs bouches rouges figées en moues aguicheuses et leurs seins relevés qui bondissaient hors de leur corsage. Ces courbes-là étaient les plus dangereuses.
Mais elles ne l'intéressaient pas.
Réajustant son col, il rodait sans bruit et gardait son regard dissimulé. Ses quelques rides accentuaient la noirceur de son visage et la densité de ses sourcils était telle qu'elle interdisait à toute lumière l'accès aux pupilles scrutatrices. Des pupilles éteintes, à la couleur grise métallique. Mais cela, personne ne pouvait le voir.
Appuyant sur son chapeau de feutre, il se voûta et se dirigea vers le parc. Les grilles étaient ouvertes, l'accès fut aisé cette fois.
Désormais, seul le roulement des graviers sous ses bottes trahissaient sa présence. Le silence de la ville le rendait impassible. Il marchait sans s'arrêter. Tout le parc était plongé dans les ténèbres.
Un craquement retentit à sa droite. Ce n'était qu'un chat.
L'homme n'avait même pas tressailli. Sa tête avait tourné légèrement mais son allure était maintenue, sa respiration lente et toujours régulière. Passant une langue sur ses lèvres fines, il sourit brièvement puis relâcha ses muscles faciaux avec lassitude. Le masque était bien en place.
Maintenant, il se trouvait devant le lac.
Une bourrasque fit claquer son manteau aux larges pans et son chapeau maintenu tenta de s'échapper de nouveau.
Quelle soirée.
Semblant guidé tel un automate, l'homme s'approcha d'une femme, seule également, assise sur un banc face à l'eau. Elle était jeune.
Elle était innocente.
Il la voulait.
Se précipitant presque sur elle, il approcha son visage du sien et se tourna face à la lune faiblarde. Sa victime hurla en découvrant son visage, ce qui le fit sourire.
Puis il plongea son visage dans son cou et la tortura le reste de la nuit.
Pour son plus grand plaisir.
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