Ma destination fut vite atteinte. Il y avait trop de poussière et de bruit. Comme toujours j'allais devoir avancer à l'aveuglette.

Il fallait que je me dépêche de trouver Emilie, ou les choses allaient encore se compliquer.
« Oh salut toi ! ...Philippe c'est ça ? »
Je me retournais, répondant au ton railleur de l'intruse par mon regard le plus froid

- Bonjour Tarra

Loin d'être impressionnée, elle en profita pour se rapprocher jusqu'à se retrouver presque contre moi

« Oh mon petit Philippe ces yeux bleus vont me geler sur place. Tu ne voudrais pas me laisser cette Emilie un peu plus longtemps ? Tu sais bien que c'est ici que je suis le mieux »

- Arrête de m'appeler comme ça, et tu t'es assez amusée, va-t'en

Elle s'éloigna de moi boudeuse :

- Comme tu voudras triste trouble-fête, de toute façon ce ne sont pas les distractions qui manquent ici, à plus tard beau brun

J'attendis qu'elle ait disparu dans la poussière avant de reprendre ma route. A ce moment une première secousse eut lieu, m'électrisant pendant un instant. Je tombais un genou au sol, reprenant ma respiration. J'avais été surpris comme le pire des amateurs, évidemment qu'ils tenteraient cela ! Je devais me dépêcher de trouver Emilie avant qu'ils aient finis.

Au bout de quelque heures j'avais enfin atteint ma destination : une petite ville tranquille comme il y en a tant dans aux Etats Unis.
Evidemment, Emilie était quelqu'un de simple. Je la trouverai surement dans un lieu qui lui est cher, mais où ? Je ne comptais pas passer la ville au peigne fin et n'en avait de toute manière pas le temps.
Je restais ainsi à réfléchir au milieu de la route pendant un certain temps avant de sentir quelqu'un me tapoter doucement le dos.

« Excusez-moi mon garçon, vous êtes perdu ? »
Marta. Une veuve d'une 60aine d'année, une personne adorable toujours à l'écoute de son prochain, la grand-mère parfaite.

-  Euh je crois bien que oui, je suis juste de passage d'ici

Elle me prit la main puis me mena jusqu'au trottoir

-  « Et bien si vous voulez faire une étape il y a un motel non loin de là, ça sera tout de même mieux qu'une route pour se reposer »

Elle sortit un petit plan de la ville et me montra la position du motel
-  « Voilà juste ici ! Vous verrez le propriétaire est quelqu'un de très gentil »

Elle n'a pas changé, pensais je en souriant a la vieille dame en face de moi

-  « Et bien merci pour tout »

Le motel des O'connell, s'il y avait bien un lieu où je pourrais commencer, c'est là

- « Mon garçon ? Vous êtes toujours là ? »

Marta agitait frénétiquement sa petite main en face de mon visage, n'arrêtant que dans une quinte de toux

« Bon, je dois y aller mon chat m'attend, au revoir jeune homme bien que je doute qu'on se revoit un jour »

Pensant qu'on ne se reverrait que trop tôt, je m'enjoignis à lui dire

- « Oui peut être à une prochaine fois, ça serait un plaisir »

Puis je repris mon chemin vers le motel. Le plan aidant, ça ne me pris pas bien longtemps

Je passais la porte de ce vieux bâtiment et me retrouva devant le comptoir branlant de l'accueil

Le motel était abandonné depuis au moins 10 ans. Dans ces lieux familiers je me dirigeai vers le toit du bâtiment, grimpant doucement les escaliers grinçant. Enfin je me retrouvai devant la petite échelle du grenier qui menait au toit.
Je réajustais ma besace, pris le temps d'inspirer un grand coup.

« Bon, quand faut y aller... »

Je grimpai à l'échelle et me retrouva sur le toit du motel. Le soleil allait bientôt se coucher, l'écriteau en néon signifiant que le motel était ouvert clignotait, et au bord du toit il y avait trois personnes :
Emilie, son frère Franck et leur grand-père, William.

Assit sur des chaises de jardin en toile, la jeune fille et son frère faisaient cuire des chamallow sur un brasero tout en écoutant une histoire de leur grand-père.

Je m'approchai doucement : « Emilie ? »

Pas de réponse.
« Evidemment, c'aurait été trop simple... » Pensait je

Je claquai deux fois des doigts : Franck puis William se dispersèrent doucement, comme fumée au vent.
Emilie tomba en arrière dans un cri de stupeur, je parvins a la rattraper de justesse mais je ne pus l'empêcher de se défaire de mes bras. Elle se releva vivement, cherchant du regard l'assaillant.

« Qui est là ? Qu'est-ce que vous nous voulez ?? »
Elle ne me voyait toujours pas mais elle pourrait peut-être m'entendre, aussi pris je la parole :

- « Emilie écoute moi »

« Oh mon dieu » s'écria-t-elle, elle essaya de courir vers la trappe.

Toujours la même chose, je restai debout immobile, la suivant du regard.

- « S'il te plait ne complique pas les choses, elle est déjà fermée de toute façon »

Elle se retourna vers moi sans pouvoir me voir

- « Vous êtes quoi un genre de fantôme ? »

- « Non je ne suis pas un fantôme et je ne te veux pas de mal ... tu ne te souviens pas de moi ? »

- « J'ai l'air de me souvenir de vous ??? » cria t'elle en continuant de me chercher des yeux

Je sortis de ma sacoche plusieurs photos et les lança dans sa direction

- « Regarde ca Emilie, je ne te rappelle rien ? C'est loin d'être la première fois que tu me vois pourtant»

Elle ramassa les photos et je fus rassuré de voir ses yeux s'agrandir en les voyant, elle commença à les parcourir des yeux une par une

- « C'est... »

- « Oui voila ! » Je me rapprochai pour commenter chacune des photos « Souvient toi, tu cherchais des champignons dans la forêt avec ton grand père quand tu as trouvé ce petit lapin : j'étais là. Quand tu allais pécher avec Franck et ton père, j'étais presque toujours là. »

Ses mains commencèrent à trembler, je me plaçai face à elle « Est-ce que tu peux me voir maintenant ? »

Elle releva la tête doucement, calmement, et me fixa dans les yeux

- « Je te vois...et tu me semble tellement familier mais ...je n'arrive pas à me rappeler de toi. Comment a tu fais pour savoir tout ça ?? Qu'est-ce que tu es exactement ?? »

- « S'il te plait calme toi...appelle-moi Philippe »

Elle se rapprocha de moi, tendit fébrilement la main vers mon bras, elle vint toucher mon bras

- « T'avais pas mentis, t'est pas un fantôme »

J'essayai de lui sourire de la manière la plus rassurante possible.

- « Non je te l'ai dit je ne s.. » Elle m'agrippa par le col et me suspendit tout près du bord du toit.

- « Alors t'est quoi ?! Qu'est-ce que t'a fait de Grand père et de Franck ?? Dépêche-toi de répondre ou je te jure que tu vas faire le grand saut ! ». Une chute de plusieurs étages m'attendait surement, mais au moins on progressait.

- « Emilie je n'ai rien fait à Franck ni à ton grand père, je t'ai seulement fait voir la réalité telle qu'elle est »

- « Je ne comprends rien à ce que tu dis ! Dis-moi juste où ils sont ! »

Elle me rapprocha un peu plus du bord

- « Attend attend tu te souviens de ce voyage à la montagne que vous êtes allés faire avec ton père et ton frère y a 8 ans ? » Elle leva un sourcil

- « Je t'écoute, dépêche-toi »

- « Bien sûr bien sûr, c'était un splendide voyage, vous avez visité des mines, avez vécu avec des bucherons et vous aviez même joués au cowboy avec les éleveurs qui ramenaient leur troupeaux tu te souviens ? » Elle écarquilla les yeux

- « Oui c'était un beau voyage... et... quand on est rentré.. » je sentis la pression sur mon col diminuer

- « Ce jour-là aussi j'étais là, je n'ai rien fait à ton grand père et à ton frère tu vois ? » Elle avait baissé la tête et respirait de plus en plus fort, ses cheveux châtains cachant son visage. « Ne t'inquiète pas je suis là, tout va bien se passer »

« Tu....tu mens ! » Elle releva la tête d'un seul coup, ses yeux vers flambaient d'une lueur nouvelle. « Je te hais ! Je vais....Je vais tetuer ! » Sur ces mots elle lâcha prise et je me sentis tomber du toitdu motel.