Fugitif
Les ronces lacèrent sans pitié les chevilles du fuyard, alors que celui-ci puise encore et encore dans ses derniers restes de force afin de mettre un pied devant l’autre.
Si seulement il pouvait se permettre de se reposer…
Sa professeure lui avait un jour appris comment se soigner de la meilleure des manières, quand on était livré à soi-même en pleine nature.
Mais il n’en a ni le temps ni la possibilité.
Si, pour le moment, il ne distingue pas la lueur blafarde des lampes de ses poursuivants, il sait qu’ils n’ont toujours pas abandonné la traque.
Pour la énième fois, le fuyard fait un nouveau pas vers l’avant.
Il ne doit surtout pas s’arrêter.
La frontière se trouve quelque part droit devant lui.
Puis enfin, il l’aperçoit : la forme lumineuse du dehors béni, ce qui ne manque pas de lui mettre les larmes aux yeux !
Depuis que la malédiction a été jetée, le jour n’existe plus sur les terres de Lanterneg. Aussi, l’extérieur a tendance à aveugler ceux qui l’observent…
Mais ce sont également des larmes de soulagement qui coulent sur les joues sales de l’homme.
Dans une soudaine poussée d’adrénaline désespérée, il commence à courir, trébuchant alors qu’il sort des bois, mais il s’en moque.
Le salut lui tend les bras !
Ils ne le poursuivront pas plus loin !
Un gantelet métallique gravé de fils d’argent se referme brutalement sur son bras.
Un paladin du culte de la Lumière le tient, bien vite rejoint par deux de ses compères.
Entre ceux-ci, un moine en soutane blanche, marche, les mains dans le dos.
Son sourire supérieur paraît au fugitif aussi répugnant que le Kobold velu qui ricane sur son épaule.
Croisement entre un petit singe et un rat, que l’on aurait peint en vert caca-d’oie, la créature se balance sur son perchoir, alors qu’elle pointe un long doigt accusateur et crochu vers l’homme toujours retenu par le paladin.
« Comme tu peux le constater, nous t’attendions, hérétique… Tu pensais réellement pouvoir nous échapper ? »
Le religieux accentue son répugnant sourire, alors qu’il se rapproche paisiblement.
« Tu as été jugé coupable de sorcellerie. La purification par le feu a été décidé pour toi. »
Le Kobold bondit soudain, pour venir planter ses dents cariées dans la main du fuyard, lui arrachant un cri plaintif !
Le moine hausse les sourcils en une moue navrée, ce qui fait se plisser la peau pâle de son crâne rasé et se déformer le tatouage d’œil argenté qui l’orne.
« Ah… Le goût de ces petits monstres pour le sang de magicien est utile pour vous repérer, vous autres... mais qu’est-ce que cela peut être répugnant à voir. »
Il se penche pour saisir la créature par la peau du cou et de tirer d’un coup sec, sans se préoccuper d’arracher un morceau de chair à sa victime.
« Bien… À présent, allons-y. »
Comme s’ils n’avaient attendu que cet ordre, ce qui était d’ailleurs probablement le cas, les paladins empoignent le fuyard par les bras et le traînent derrière eux, à la suite du moine.
« Réjouis-toi, hérétique. Ta mort va permettre de purifier un peu plus ce monde. Pour que la Lumière revienne. »
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