Trahison intime.
Lentement, comme on dessine un croquis au fusain, la nuit hivernale avait étendu son empire et installé sur nous un silence que je n’osais pas briser. Dans l’habitacle, la radio murmurait une mélodie jazzy et les lueurs bleutées du tableau de bord diffusaient sur les mains de ma conductrice, une lumière opaline. Mon esprit refusait de rester en paix.
- Ton cœur est en mauvais état.
La voix fantomatique de mon médecin en chef ne cessait de me hanter.
Elle ricochait sur la ligne discontinue de l’asphalte comme un battement moribond.
Ton... cœur... est... en mauvais... état...
Vraiment ? Se pouvait-il que ce soit la raison de tous ces malaises ? Le médecin m'avait asséné cette nouvelle avec si peu de fioriture que je n'arrivais pas à réaliser ce qui m'arrivait. La vérité n’a besoin de rien, se moqua une voix dans ma tête, on n’invente que les mensonges. Je me détournai de la route pour contempler mon reflet à peine esquissé dans la vitre et je soupirais sans bruit. Il fallait du courage pour être heureux, je n’en avais jamais eu assez. J’avais préféré négocier avec la vie, établir des compromis, des transactions. Mon mariage, avec la femme qui conduisait à mes côtés, ma femme, avait été la plus importante d’entre-elles.
Nous étions dans la septième année de notre mariage et elle me trompait. Depuis plusieurs mois. Je l’avais découvert comme on découvre le hasard, l’air hébété et incrédule. Puis, passé le premier mouvement de colère et de fierté mal placée, il n’était resté qu’un sentiment immense de gâchis dont j’étais responsable.
Je n’avais jamais été un bon mari. Bien sûr, ma famille et ma carrière dans la Navy lui avait offert une position sociale, un rôle dans la bonne société, mais je ne l’avais jamais aimé avec passion. Je n’avais jamais désiré son corps. Ni aucun autre, pour peu qu’il ait été féminin. Je l'avais caché, autant qu'il m'avait été possible, à elle comme aux autres. Pourtant parfois, la sensation d’étouffement était à peine tolérable.
En payais-je le prix à présent ?
Était-ce le signe qu'il me fallait arrêter les mensonges et les trahisons ?
Les choses étaient claires, ma santé vacillait, mais je pouvais aussi le voir comme une chance, une opportunité. Je tournais mon visage vers la fenêtre, au loin, vers l'horizon, les premières lueurs de l’aube commençaient à éclairer la pénombre.
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