Izarra, la Sorcière de Montségur (janv 2015)
Les connaisseurs savent tous que le seigneur de l’illustre citadelle de Montségur était Raymond de Pereille . Mais ce que peu savent en revanche, c’est qu’il entretenait une relation secrète avec une femme du peuple, vivant dans les forêts et les grottes Ariégeoises. Pour sa connaissance des usages des herbes, Izarra, car tel est son nom, fut réquisitionnée au castel pour soigner les blessures quotidiennes à qui en aurait besoin .
Elle avait pressenti la fin malheureuse de Montségur, mais le seigneur de Pereille ne voulut point la croire, où plutôt, ne voulait pas se l’avouer, voulait encore croire à un espoir, aussi petit soit-il . Et tant qu’il serait capitaine du navire, il se battrait pour qu’on ne le lui rappelle pas .
C’est ainsi qu’à contrecœur, il la chassa du castel car elle avait aussi le don de faire naitre son Désir aux moments les plus décisifs pour l’avenir des BonsHommes . Lorsque toute son attention était concentrée sur de hautes discutions d’ordre militaire avec ses hommes d’armes, une seule minute de sa présence suffisait à semer en lui un trouble si puissant qu’il avait du mal à rester concentré . Aussi décida-t-il de la maintenir à l’écart, et le temps de régler toutes ces affaires…il la chassa, mais devait s’en mordre les doigts plus tard .
Après le drame que l’on sait, et ayant perdu beaucoup des siens, Sire de Pereille se rabattit sur celle qui l’avait aimé naguère . Il la chercha partout à la quête de son pardon, mais il ne la trouva pas, et craignait qu'elle soit tombée aux mains des croisés . Et toute sa vie, le souvenir de cette femme le hanta . Elle, la sorcière qui l'avait ensorcelé sans philtre ni potion.
Quelques siècles plus tard, il y’eut les allemands, avec le nazillou Otto Rhan … Peut-être avait-ils entendu l’histoire de la sorcière… Peut-être s'étaient-ils imaginé quelques secrets, qui au creux des pierres se cachaient, au creux des symboles qu’à son intention elle avait laissé ici et là sur rocs et grottes .
Les anciens disent avoir aperçu sur les restes du château de Pereille cette créature fantomatique certaines nuits . Sortant des murs froids, une femme vêtue de longs, dont ils ne pouvaient voir le visage .
Elle garde les lieux, cherchant en vain son amoureux d'autrefois, et le souvenir de ces plaisirs insoumis, palpant les pierres comme pour s'imprégner de la présence de ce grand seigneur . Imaginer, sentir encore sous ses doigts son corps vigoureux.
Elle regagna ses grottes et se souvint de ces instants lointains, bien avant le Drame, quand il venait nuitamment passer quelques heures avec elle, dans la pénombre du sous-bois, où il donnait libre cours à son appétit charnel, loin des curés, loin des BonsHommes si stricts, loin du pouvoir et de ses responsabilités, il redevenait juste un homme, avec son festival de désirs .
Parcourant le corps de la sorcière, il oubliait ce monde fou qui gronde, et avant le feu du bucher, ce fut le feu d’une brûlante Passion, leurs corps enfiévrés roulant dans l'herbe, leurs bouches affamées, cherchant l'autre, mains dévoreuses, et sexes déchaînés .
Dans les bras de la sorcière,
En ces déjà lointains hiers,
Tout était permis,
Et nul ne sut jamais leurs folles orgies,
Sauf un œil qui vit,
Et nous transmit cette histoire,
Car cet homme, il faut le croire,
Était un arbre de plaisirs,
Que cette histoire fait encore retentir .
Quel dommage que ces guerres l'aient détourné de son vrai destin . Peut être eut-il été en d'autres circonstances Maitre du Castel des Plaisirs, au moins pour quelques temps . Et elle se demanda pourquoi ne fut il pas comme elle rejeté en cet enfer, mais peut-être eut-il regagné son paradis perdu ? Peut-être, dans les yeux d'un autre homme, retrouverait-elle son amour de jadis, en une nouvelle incarnation qu'il aurait revêtu ?
Alors, elle ne perdra pas espoir, et chaque nuit continuera son manège . Là haut sur les vestiges de Pereille, elle scrute l'horizon, attendant que se dessine une silhouette .
Et tous les signes qu'en la grotte, elle avait fait, et que certains avait pris pour sorcellerie, n'étaient en fait que messages à son intention . Aujourd'hui, elle sent qu’approche le moment où quelqu'un va venir, comme jadis lorsqu’un messager venait lui annoncer la survie de son amant seigneurial, et qu'il venait se faire administrer le consolament, le console-amant …. par sa belle amante . Elle soignait ses blessures, avec une douceur équivoque.
- C’était toi la sorcière, je le sens, je le devine . Je me rapproche chaque jour un peu plus de tes véritables origines, que je n'avais eu jusque là que par lambeaux . C’était toi l’amante de ce grand seigneur ! Déjà à l'époque, tu as vécu une première fois dan la région, et maintenant que tout cela t'a regiclé à la face tel un jet de semence masculine, tu sera hantée par ces lointains souvenirs, et le désir de revoir ressurgir cet amant d'outre-tombe …. Fol espoir .
- Mais l'espoir fait vivre, dit-on . Alors, peut-être apparaitra-t-il …ou pas, mais il faut vivre aussi le présent et il y a bien d'autres égreneurs de plaisirs sauvages . La sorcière ne veut pas rester à se lamenter .
- Et je la vois déjà, s'acoquinant avec Saphira sur un lit de paille, dans une écurie, une chaumière, ou son castel des plaisirs . Avec, sur la table de chevet, un médaillon à l’effigie de son amant de jadis, dans l'odeur de la paille et des chevaux . Toutes deux s'affrontant en un aimable combat .
MAZARIA et DJEDGE LEFAYDIT - Dimanche 25 Janvier 2015
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