CŒUR ÉTEINT

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Je ne pourrai plus aimer. Tu as tué ce qui été en moi.

Cette fragilité, cette femme, cette autre que je ne suis plus, que je ne peux plus être par ce que tu as tué celle que j'étais. Celle qui t'a tant aimé, considéré, adulé.

Tu n'as pas fait tant de bruit. Tu n'as pas fait tant de traces mais tu as laissé une immense cicatrice dans mon cœur et elle est trop douloureuse pour pouvoir risquer d'autres futures plaies identiques.

Ce cœur ne peut plus s'éclairer. Tu as fait tout ce qu'il fallait pour cela ! Tu as fermé sa porte et emporté la clef. Tu as bien pris soin d'éteindre toutes les lumières avant de sortir !

Tu as laissé ton empreinte menaçante au-dessus du jardin qui entoure ce symbole de sentiments.

Le moindre pas d'un autre parmi son herbe, ses fleurs, ses parfums ont un goût de méfiance, de rejet, de crainte. Quelqu'un pourrait oser piétiner ce jardin, trouver une fenêtre, la casser, entrer, allumer, faire battre à coup de regards ou d'offrandes ce cœur laissé pour mort mais au-delà de cette pensée pourtant attirante, la peur, la déception, la fatigue sentimentale, psychologique font barrage.
La solitude, la force, le courage; ces longues nuits passées à essayer de comprendre, à survivre, ont fait de moi une autre femme.

Si fort, si déterminé à dû être le corps qui abrite ce cœur pour ne pas tomber dans la folie, dans les délires fiévreux des bars, dans d'autres bras pour se sentir vivante, être encore femme ou simplement pour pouvoir se lever un autre matin, encore un.

Certains ont traversé le jardin, j'avoue, ils ont respiré l'odeur pourtant accueillantes des fleurs mais comme un chien battu qui se cache au fond de sa niche à l'approche d'une main tendue, les fenêtres ont laissées entrevoir le cœur sans lumières et personne n'a pu franchir la porte pour allumer celui-ci.
Quelques courageux ou prétentieux ont affirmé qu'ils avaient déjà livré batailles contre des cœurs semblables au mien.

Qu'avec du temps, la lumière jaillirait à nouveau, encore plus étincelante.
Mais ils ignorent qu'au-delà des fenêtres, des serrures à franchir et avant de pouvoir espérer allumer la lumière à nouveau ils devraient faire face à bien pire épreuve.

Tu as tué celle que j'étais ! Tu as tué cette femme, cette amante ! Tu as laissé son cœur enchaîné, emprisonné, éteint, battre au fond d'une forteresse inaccessible.

Avec les années les fenêtres se sont épaissies et transformées en verre incassable, et la serrure est devenue un coffre-fort.

La lumière a disparue très loin, très très loin dans le puits de l'oubli.
Je suis devenue cette autre femme qui se lève, vit, rit parfois, celle qui affiche une vitrine joyeuse, forte, souriante mais si l'on regarde bien au-delà de mes yeux, derrière les vitres, tout comme l'on pause ses deux mains autour de notre visage pour inspecter un vieux magasin fermé depuis longtemps, on peut s'apercevoir que la lumière de mon cœur est éteinte.

Que tout est rangé comme à l'époque, qu'un tas de vieux souvenirs poussiéreux s'entassent comme des livres dans un coin.

Cette autre femme que je suis à présent, se lèvera encore demain pour continuer son chemin. Comme elle l'a fait jusque-là. Car elle a appris à se battre, à se relever à avancer. A être une autre devant les autres.


Forte devant, morte dedans.

Telle est celle que je suis depuis que tu as tué celle que j'étais !

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