Chapitre 6 - Alcyne II
L'odeur âcre du cuir et des armes huilées emplissait la tente de commandement. Au moins couvrait-elle en partie les relents musqués de l'assistance ; le nez délicat de la comtesse Alcyne supportait mal la pestilence fauve qui régnait au sein du camp militaire. Elle pouvait supporter la vue des chevaliers rudes et mal dégrossis qui composaient l'état-major du comte de Sistre, mais elle ne pouvait pas les sentir - au propre comme au figuré.
Avachi en bout de table, son mari présidait la séance. Massif et taciturne, le comte de Sistre balayait ses hommes du regard, tandis que la lumière vacillante des torches projetait sur sa personne des ombres sinistres. Engoncé dans un épais manteau, que maintenait une broche représentant un corbeau d'argent - l’emblème de sa maison - Évrard tapotait nerveusement le rebord d'une coupe d'étain remplie d’un vin liquoreux. Son autre main reposait négligemment sur la carte étalée devant lui, représentant l’Ombreval.
— Mes bons seigneurs, commença-t-il d’une voix grave, cette ribaude d’Orcynia continue de nous faire languir. J'avais espéré que les portes de la cité s'ouvriraient toutes grandes comme les cuisses d'une pastourelle, mais il n'y faut plus compter. Le siège s'éternise... et sous peu, nous allons avoir une nouvelle épine au pied. Trystan d’Artellion arrive avec sa bande de molosses enragés, prêts à nous croquer dans le derche, à pleines dents.
Une vilaine grimace tordit la bouche d'Évrard, tandis que ses gros doigts glissaient sur la carte pour s'arrêter au centre de celle-ci. Du bout de l’index, le comte tapota le papier jauni.
— Si nos positions ne sont pas assurées au moment où Trystan va débouler, nous l'aurons si profond dans le cul que nos épées ne nous serviront plus qu'à nous tenir debout. Bracermont, où on en est avec nos fortifications ?
Les regards se portèrent sur Galhart de Bracermont, un chevalier mince aux traits austères. Issu d'une grande lignée de vavasseurs de Sistre, c'était l’un des rares hommes dans l’entourage du comte à qui Alcyne reconnaissait un peu de jugeote. Pour autant, elle ne l'appréciait pas particulièrement.
— Tous nos bâtisseurs sont à pied d'œuvre, sire Évrard. Ils travaillent nuit et jour à consolider nos défenses. Tout autour du camp de siège, le moindre col, la moindre route, le moindre accès sera fermé. Ce sont des murailles de bric et de broc que l'on érige, mais cela fera amplement l'affaire. C’est une chance pour nous que la pierre ne manque pas dans les parages.
— Que les murs soient en pierre, en bois ou en merde séchée, peu me chaut, gronda Évrard, pourvu qu'ils soient terminés à temps. Tu veilleras à ce que l'on accélère la cadence.
— Ce sera fait, mon sire.
Quelqu'un s'éclaircit bruyamment la gorge. Lohys de Tortelac, un homme massif à la barbe rousse indisciplinée et aux traits burinés, inclina la tête vers Évrard, ses yeux brillant d’un éclat belliqueux.
— Sire Évrard, pourquoi attendre que la garnison d'Orcynia daigne nous ouvrir les portes ? Prenons-la de front, monseigneur ! Attaquons dès l’aube, écrasons leurs défenses. Une fois la cité prise, nous serons sous le couvert d'une vraie muraille. A son arrivée, le comte d’Artellion ne pourra que constater son impuissance, tandis que nous aurons le champ libre pour déferler sur le Val.
Un murmure d’approbation parcourut l’assemblée. Plusieurs chevaliers acquiesçaient en silence, enflammés par l’ardeur de Tortelac.
Galhart de Bracermont, lui, secoua la tête.
— Une attaque frontale ? objecta-t-il d’une voix calme et posée. Absurde. En admettant que la manœuvre réussisse, nous en paierions le prix fort. Nous ne pouvons nous permettre de gaspiller autant d'hommes.
— Nous aurons des pertes, convint Tortelac, mais au moins, notre position sera assurée. Si l'armée de Trystan d'Artellion arrive avant que vous n'ayez fini d'élever vos jolis murets, là, c'est sûr, nous allons perdre des hommes.
— Si nous ne sommes pas prêts à temps, il nous faudra renoncer au siège et lever le camp avant que l'ennemi soit sur nous, répondit Galhart de Bracermont. Nous éviterons la confrontation en attendant une opportunité favorable.
— Écoutez la voix de la sagesse, ironisa Tortelac. Vous préconisez la fuite, rien de plus ; nous abandonnerions coup sur coup le bénéfice que nous octroierait la prise d'Orcynia, tout en exposant à l'ennemi notre faiblesse et notre lâcheté. Trystan n'aura qu'à nous traquer comme des lièvres, et quand il nous mettra la main dessus, nous l'aurons doublement dans le fondement, Messire de Bracermont.
— Les morts ne fuient pas, Messire de Tortelac ; ils n'en sont pas moins morts.
— Et il nous sort des proverbes, maintenant ! Sire Évrard, croyez-moi, il n'y a pas à tergiverser. Orcynia n'est pas si robuste qu'il y paraît ; nous avons bien vu que la muraille nord est affaiblie. Nous pourrions y faire une percée après une diversion au sud pour attirer leur attention. Diviser leurs défenses et concentrer notre attaque sur leur point faible.
Resté silencieux pendant la passe d’armes des deux chevaliers, Évrard considérait les deux bavards avec un rien d'impatience. Alcyne connaissait bien assez son mari pour deviner que leurs conseils le laissaient indifférent ; il aimait s'entourer de conseillers qui approuvaient ses choix et se montrait peu ouvert aux initiatives autres que les siennes.
— Nous n’avons pas d’effectifs à perdre dans une équipée hasardeuse, finit-il par dire. Orcynia est une forteresse bien retranchée. Le siège durera encore quelque temps, mais la cité finira par ouvrir ses portes. Je ne la prendrai pas d’assaut, mais je n’abandonnerai pas le siège non plus ; il me répugnerait de fuir devant Trystan la queue entre les jambes.
Il observa la carte d’un air circonspect, jaugeant les positions, puis releva la tête vers ses hommes.
— Les collines nous offrent un avantage naturel pour la défense ; Trystan n’aura pas la place pour manœuvrer une grande armée ici. Si nous gardons notre ligne, il sera contraint de diviser ses forces ou d’attendre. Nous devons mettre à profit le temps qu’il nous reste pour achever nos fortifications, et ce temps, nous en manquons ; mais mon fils Maynard va nous en donner. Je lui ai transmis l’ordre de mener ses troupes à l’encontre de Trystan.
Alcyne demeura impassible, mais ses doigts se crispèrent imperceptiblement autour du tissu de sa robe. Elle déploya toute la maîtrise dont elle était capable pour dissimuler son agacement, comme à chaque fois que l’on évoquait le nom de son beau-fils. Maynard, l'unique rejeton légitime du comte, issu d'un précédent mariage, faisait la fierté d'Évrard. Âgé de vingt ans, c'était un homme fait auréolé de prestige militaire, un successeur désigné qui ralliait sans peine tous les suffrages. Or, Alcyne ne s’entendait guère avec cet encombrant beau-fils ; elle se défiait de l’influence qu’il exerçait auprès d’Évrard, une influence qui avait une fâcheuse tendance à éclipser la sienne. Elle ne l’aimait pas, et la chose était réciproque. Aussi, lors de leur départ en campagne, Alcyne avait habilement manœuvré pour convaincre Évrard de confier à son fils le commandement d’une force annexe, pensant le tenir à l'écart du père, le reléguer à un rôle de second plan.
Ce faisant, elle ignorait qu’elle plaçait Maynard au centre de la stratégie de son mari.
— Maynard ne sera pas de taille à affronter seul l'armée de Trystan, intervint Alcyne.
— Cela, je le sais, femme, grogna Évrard. Ce n'est pas ce que je lui demande ; je veux qu'il harcèle la colonne ennemie, qu'il ralentisse sa progression, qu'il l'empêche de se ravitailler en menant des attaques ciblées.
— Maynard excelle en ce domaine, affirma Lohys de Tortelac sur un ton parfaitement obséquieux.
— Bon sang ne saurait mentir, abonda Galhart de Bracermont. Ce garçon a de qui tenir.
— Maynard peut gêner Trystan, soit, convint Alcyne, tout en contenant l'exaspération que lui inspiraient les deux lèche-bottes. Il peut le ralentir, mais il ne l'empêchera pas de nous rattraper en définitive, et nous serons alors pris entre l'arbre et l'écorce, cernés par les murs d’Orcynia et de sa garnison d'un côté, l'armée de Trystan de l’autre.
— Notre position n'aura rien de critique, très chère. Mais tu es une femme, et tu n’entends rien aux subtilités de l'art de la guerre ; il est normal que ces choses t’échappent.
Les chevaliers présents autour de la table se mirent à esquisser des sourires narquois. Sentant peser sur sa personne leurs regards irrévérencieux, Alcyne se sentait envahie d'une déplaisante sensation de vulnérabilité, comme à chaque fois que les compagnons d’armes du comte la dévisageaient. Dans ces moments, elle se sentait nue. Peut-être était-ce justement ainsi que les hommes d'Évrard se la figuraient, à en juger par la lueur grivoise qui luisait dans les prunelles de Tortelac. Les femmes étaient rares dans le camp - si l'on excluait le nombre de prostituées qui s'accrochaient aux basques des soldats, mais ces garces ouvraient leurs cuisses au premier venu qui n’avait pas encore épuisé sa solde ; nul doute que l’épouse du comte faisait un trophée autrement plus convoité. Il n'était pas difficile de deviner quelles pensées traversaient leurs esprits primaires lorsque les chevaliers regardaient l'épouse de leur suzerain. Lorsqu'elle les croisait dans les allées du camp, Alcyne voyait bien les œillades indiscrètes jetées à la dérobée par les hommes de son mari. Leurs regards lubriques s'attardaient sur la rondeur de ses seins et la courbure de sa chute de reins. Des hypocrites qui ne supportent pas qu’une femme se mêle de leur guerre, mais qui rêvent tous de la mettre dans leur lit.
En cela, ils étaient à l'image d'Évrard ; lui-même était particulièrement porté sur la chose, et Alcyne avait constaté, non sans une certaine gêne, que le climat guerrier et l'atmosphère virile des camps accentuait la concupiscence de son mari. Elle en venait à regretter d'être venue, elle qui avait pourtant insisté pour ne pas être reléguée loin des combats. Évrard voulait qu'elle reste à Sistre pendant toute la guerre, arguant que les camps militaires n'étaient pas un lieu pour une femme, encore moins une comtesse et princesse de sang royal. Il s'était laissé convaincre et n’avait pas l'air de le regretter, puisqu'il sollicitait chaque nuit les agréments de sa compagnie. Etait-ce le goût du sang qui amplifiait à ce point ses ardeurs ? Dans l'intimité de leur tente, il faisait preuve d'un appétit de plus en plus vorace. Elle se soumettait comme toujours à son désir physique, mais elle n'aimait pas la façon dont il disposait d'elle. Elle supportait de plus en plus mal la sensation des grosses mains d'Évrard sur sa peau nue, grimaçait de dégoût lorsqu'il lui mordillait le bout des seins ou frottait le bout de sa queue humide le long de la raie de ses fesses. Le pire restait de l’entendre grogner comme une bête dans le creux de son oreille au moment où il jouissait en elle. Elle se sentait sale en permanence, et les bains qu’elle prenait quotidiennement ne parvenaient pas à lui ôter la désagréable sensation d'être constamment imprégnée de la semence de son mari.
— Plaise aux dieux que Maynard réussisse à ralentir Trystan assez longtemps, répondit Alcyne une fois qu'elle eut retrouvé un peu de contenance. Dans le cas contraire…
— Maynard réussira, coupa Évrard sur un ton qui ne souffrait aucune contestation. Assez de spéculations inutiles. Nous renforçons nos défenses ici, Maynard retarde Trystan, et Orcynia tombera comme un fruit mûr lorsque la garnison comprendra que les troupes d’Artellion ne peuvent rien pour elle. Passons, nous avons d'autres sujets.
Un murmure d’assentiment parcourut la tente. Tortelac et Bracermont échangèrent un regard bref, et Alcyne s’inclina légèrement, masquant habilement son agacement sous une apparente docilité. Après quoi elle se redressa, lissant sa robe d’un geste lent.
— Si vous voulez bien m’excuser, je vais me retirer. Je ne voudrais pas m’immiscer davantage dans des affaires qui ne concernent pas les femmes.
Évrard haussa un sourcil étonné, mais se contenta d’acquiescer d’un signe de tête. Alcyne n'en attendit pas davantage pour s’éclipser. En franchissant l’entrée de la tente, elle entendit derrière elle les ricanements à peine contenus de quelques-uns.
Riez, bande de flagorneurs, riez donc, songeait Alcyne en serrant les dents. Pendant que vous léchez les bottes de mon mari, c’est moi qui vais nous faire gagner cette guerre.
*
La fumée tiède d’un bain emplissait l’intérieur de la tente tandis que s’affairaient les servantes de la comtesse. Elles étaient trois, seulement trois ; trois servantes qui s’employaient tant bien que mal à contenter leur maîtresse et lui faire oublier, autant que faire se peut, la rudesse de la vie des camps militaires ; trois seulement pour l’habiller, la maquiller et peigner ses cheveux, entretenir son linge et ses draps. Trois, c’était là tout le domestique dont devait se contenter Alcyne pendant la campagne, loin de la véritable armée de dames de compagnie qui œuvrait à son confort quotidien lorsqu’elle résidait à Sistre.
Contemplant l’eau chaude avec envie, la comtesse s’abandonna avec flegme aux bons soins de ses camérières ; celles-ci s’apprêtaient à la dévêtir lorsque l’on annonça que l’intendant Hubert d’Altoran demandait audience. Non sans un soupir, Alcyne congédia ses dames. Certaines choses ne pouvaient attendre.
— Pardonnez ma visite impromptue, ma Dame, déclara l’intendant, un jeune homme d’apparence austère au regard fuyant. Je me devais de vous avertir… et puisque mon seigneur le comte Évrard n’est pas avec vous, il me semblait opportun de le faire maintenant, plutôt que…
— Venez-en au fait, Hubert, répliqua Alcyne avec impatience. Qu’avez-vous à me dire de si urgent ?
L’intendant baissa légèrement la voix.
— Le comte semble avoir remarqué… certaines dépenses. Il pose des questions.
Alcyne croisa les doigts et fixa l’intendant d’un regard acéré. Hubert d’Altoran avait la désagréable manie de ne jamais la regarder en face et baissait la tête, à la manière d’un enfant pris en faute, en triturant du bout des doigts les replis de sa tunique. Ce garçon aurait grand besoin d’être secoué une bonne fois, songea-t-elle.
— Mon époux dilapide des fortunes dans des banquets et des beuveries pour satisfaire la bande de rustres qui forme l’essentiel de son armée. Je serai fort étonnée qu’il trouve quelque chose à redire concernant les dépenses auxquelles vous faites allusion.
— Mais le comte n’est pas au courant de ces dépenses-là. S’il découvre que j’ai…
— Il ne découvrira rien, coupa Alcyne. Retournez-vous, Hubert.
— Je… que je me tourne, ma Dame ?
— Retournez-vous.
L’intendant s’exécuta sans chercher à comprendre, tandis qu’Alcyne s’employait à défaire elle-même les attaches de sa robe. Guère habituée à se débrouiller seule, la comtesse mit un certain temps à se libérer de ses étoffes. Lorsqu’elle en émergea enfin, elle s’avança vers la baignoire et plongea une main dans l’eau pour vérifier que celle-ci était encore chaude. D’un bref regard en arrière, elle s’assura qu’Hubert d’Altoran n’avait pas manqué de respecter sa pudeur ; ce dernier n’avait pas bougé.
— Ainsi, Évrard est soudainement curieux ? reprit Alcyne d’une voix amusée tandis qu’elle enjambait le rebord de la baignoire pour se glisser dans l’eau - la chaleur revigorante lui arracha un soupir d’aise. Vous m’aviez pourtant assuré que vous n’auriez pas de mal à maquiller les registres des comptes.
— C’est que… je n’imaginais pas que les dépenses seraient si élevées...
— Les mercenaires coûtent assez cher, en général.
— Certains plus que d’autres, ma Dame. Nous aurions pu choisir…
— Une mission périlleuse exige des hommes capables. Les Jordhiens sont réputés pour cela, et l’on dit de Juba l’Insaisissable qu’il est d’une férocité sans égale.
Alcyne s’empara du savon qui traînait sur le rebord de la baignoire et entreprit de se frotter le corps. Hubert lui tournait toujours le dos. Anxieux de nature, le malheureux intendant devait être en proie à un torrent d’émotions ; non content de se trouver en porte-à-faux à l’égard de son seigneur, voilà qu’il se trouvait au beau milieu de la tente de l’épouse dudit seigneur, seul avec elle, alors qu’elle était nue dans son bain. Il suffirait qu’un homme du comte - ou pire, le comte lui-même - les surprenne en cet instant, et c’en serait fait de lui. Evidemment, Alcyne n’aurait rien à gagner d’un tel scandale, dont elle serait la première victime, mais elle se plaisait à torturer les méninges du malheureux intendant. Elle ne se serait certainement pas risquée à cela s’ils se trouvaient à Sistre, au beau milieu de tout son domestique, mais ici, elle ne craignait nullement d’être découverte ; elle s’était suffisamment assurée du silence de ses trois servantes pour savoir qu’elles ne piperaient pas un mot à qui que ce soit.
Elle n’ignorait pas non plus la nature du pouvoir qu’elle exerçait sur le pauvre Hubert. Ce n’était pas un hasard si cet idiot d’intendant avait si facilement accepté de l’aider à engager d’importantes dépenses au nom d’Évrard. Il la désirait, peut-être plus encore que ne la désiraient les brutes de l’état-major du comte ; contrairement à eux qui la dévisageaient sans vergogne, Hubert faisait montre d’un excès de réserve et de distance tout à fait éloquent. Il était de ces amoureux qui se trouvaient si subjugués par l’objet de leur flamme qu’ils n’osaient y porter le regard. Alcyne en venait presque à regretter de ne pouvoir lire dans les pensées de cet atypique soupirant.
— Vous vous faites trop de mouron, reprit Alcyne après un moment de silence seulement rythmé par les clapotis de l’eau. Si mon époux s’aperçoit que j’ai pioché dans sa caisse, il se mettra en colère, soit ; puis il passera bien vite à autre chose. Il a bien d’autres lièvres à courir en ce moment.
— Peut-être qu’à vous, il ne vous en tiendra pas grief, ma Dame ; mais moi, il me reprochera de l’avoir trahi. J’ai détourné son Trésor, j’ai engagé des dépenses qu’il n’a jamais approuvées… s’il le découvre…
— Lorsqu’il le découvrira, nous lui aurons déjà offert sur un plateau le moyen de gagner cette guerre sans effort. Croyez-moi, Hubert ; il se moquera comme d’une guigne de cette petite malversation.
— Et s’il découvre le pot aux roses avant que votre plan n’ait porté ses fruits ?
— Cela serait fâcheux, Hubert, j’en conviens. Je compte sur vous pour qu’il ne découvre pas trop rapidement la supercherie. S’il continue de s’interroger, menez-le en bateau, brodez, inventez. Soyez créatif.
— J’ai accepté de vous aider, ma Dame, et vous me mettez en fâcheuse posture. Je trouve que ce n’est pas juste.
— Il n’y a rien de juste en ce monde, Hubert. Rien de rien. A présent, laissez-moi, voulez-vous ? Et en sortant, dites à mes dames que j’ai fini de prendre mon bain.
Annotations