Chapitre 7 Duel
Le maître d'armes prit la parole :
- Tes titres sont certes impressionnants, elfe, mais ils ne prouvent pas ta valeur.
- Je suis prête à vous démontrer que je suis digne de combattre à vos côtés.
La jeune femme pensa à l'aplomb de sa mère, qui s'était imposée auprès des nobles archers afin de garder le sien.
- Je défie celui d'entre vous qui voudra mettre mes capacités à l'épreuve.
Un grand gars blond et baraqué s'avança avec confiance. Il eut un sourire de suffisance au jaugé de la carrure de son adversaire.
- Je suis Karlinaë. J'accepte de te combattre.
- Soit. Quelles conditions ?
- Le premier désarmé.
- Quel espace ?
Il haussa les épaules.
- La salle.
- Parfait.
Il s'étonna une seconde de la confiance de la mince princesse. Déjà, les autres s'installaient confortablement pour observer.
- Une dernière question, maître Ouros.
Samantha s'empara de son épée.
- Parlez.
- Usage de la magie interdit, n'est-ce pas ?
Un murmure suivit ses paroles.
- Guerrière et magicienne ?...
- Impossible, elle est trop jeune !
- Tu crois qu'elle ment ?
- Je ne la crois pas ...
Ouros trancha.
- Non.
- Bien.
Karlinaë était déjà prêt, au centre de la piste au sol de terre battue.
Samantha approcha à son tour, tirant son épée qui resplendit, en accrochant un rayon de lumière. C'était une arme d'une pure beauté, à la lame fine et solide. La longue poignée ouvragée était ornée d'une opale.
- Prête ?
- Oui.
Concentrée, elle força son corps à se détendre. Cette tension la ralentirait dans ses mouvements, et sans magie, Il ne lui restait qu'à utiliser sa rapidité comme seul avantage contre un adversaire plus grand et plus musclé. En outre, elle l'avait vu se battre et disposait de ce fait d'un atout.
Voyant qu'elle ne faisait pas le premier pas, le chevalier s'élança sur elle. Son coup était simple à parer, mais elle préféra l'éviter. Il la testait. Elle réitéra encore. Ses pieds martelaient le sol, imprévisibles. Elle semblait danser tant ses gestes étaient gracieux. Elle tourna sur elle méme, esquiva, se détourna, recula pour éviter la lame qui pointait sur elle.
Elle ne pouvait pas se replier sur la défense interminablement.
Elle changea brusquement d'attitude, attaqua avec célérité. Un éclair de métal bleuté força le guerrier à reculer pas à pas. Il cédait du terrain pouce par pouce et peinait à conserver sa garde. Un coup plus adroit que les autres le déstabilisa.
Il comprit que la force ne suffirait pas, se concentra sur sa technique pour repousser sa frêle opposante. Elle répondit par des figures compliquées, enchaînant les roulades et les sauts pour éviter son épée. Elle se propulsa sur la barrière et échangea quelques passes. Puis elle bondit au-dessus de lui, fit très rapidement demi-tour. Il se retourna, trop tard : son arme vola dans la poussière.
Des applaudissements saluèrent cette démonstration magistrale. Samantha sourit en pensant que ses maîtres de l'Académie y auraient certainement trouvé à redire.
Elle avait prouvé son indéniable maîtrise. Elle fit un pas vers son rival et lui tendit la main.
- Sans rancune, chevalier ?
Il eut un léger sourire.
- J'ai été battu par une femme, mais c'est de bonne guerre. Je saurai qu'il ne faut pas se fier aux apparences.
- Merci. Et sache que tu ne manques pas de talent.
Le tutoiement lui était venu naturellement. Chacun des compagnons voulut serrer sa main en signe de bienvenue. Elle accepta ces marques de bienveillance avec simplicité.
Soudain ses sens l'avertirent d'un danger. Une flèche arrivait sur elle, vers son épaule. Elle leva la main et une lueur dorée apparut, arrêtant la pointe en plein vol. Elle la retourna à son propriétaire.
Comme chez Brorel, l'elfe ne sentit en l'homme aucune haine, seulement une volonté de la tester. La flèche ne visait aucun point vital.
L'archer inconnu ne chercha pas à s'excuser, mais se contenta d'un "Bien joué " lancé depuis sa place. La semi-elfe ne s'en formalisa pas et lui adressa un signe de tête avant de proposer un autre duel.
Depuis la fenêtre de son bureau, Freewood avait observé la scène, prêt à intervenir si le besoin s'en présentait.
Il hocha la tête, satisfait.
- C'est la personne qu'il nous faut.
- N'est-ce pas ?
Arthur Whitall venait d'apparaître dans la pièce. Brorel fronça le sourcil.
- Ne prenez donc pas cet air fâché, Duc. Je ne débarquerai plus sans prévenir.
- Jusqu'à la prochaine fois, c'est bien cela, magicien ?
- Ha, ha, oui ! Mais trêve de plaisanteries. Cette princesse est exactement la compagne qu'il vous manquait, Brorel.
- Oui, et elle arrive à temps, car le temps presse.
- Je le sais. Il faudra partir aussitôt les festivités terminées. Je vous quitte... Ah oui, une dernière chose, cependant.
Il tira une invitation de sa manche.
- Voici pour elle, pour la réception de ce soir. Je compte sur votre présence à tous deux, je souhaite la rencontrer officiellement. Adieu.
Il disparut dans un nuage d'étincelles bleutées. Le général restait pensif, le front appuyé la vitre que sa respiration embuait.
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