Chapitre 14 Quelque chose d'inquiétant
La salle de bal ne se démarquait point avec le château. Toutes les étoiles du firmament semblaient s'être invitées à la fête et étincelaient au plafond couleur de nuit. Des lustres travaillés, chefs d'oeuvre de verre, de métal et de magie diffusaient une douce lueur qui accentuait l'atmosphère intime du décor. De lourds rideaux de soie marine tombaient des fenêtres qui s'ouvraient sur des balcons autour de la pièce. Les piliers qui les formaient se rejoignaient en arc et soutenaient des panneaux sculptés sur lesquels reposaient des lucarnes que l'on pouvaient apercevoir de l'extérieur. Les décorations ciselées se rejoignaient autour des luminaires en rosaces compliquées.
Les tables assorties à l'inspiration artistique du lieu, placées sur les côtés, laissaient libre la piste de danse. L'argenterie cristalline et les chandeliers précieux qui y étaient placés brillaient d'une lueur délicate. Le sol reflétait ces lumières innombrables. Lisse, de bois précieux, embelli de motifs floraux enchantés qui rappelaient ceux des escaliers de l'entrée, il menait à une estrade occupée par trois fauteuils, repectivement celui du monarque, de son épouse et du prince héritier. Si on élevait le regard, on remarquait une galerie dicrète qui donnait une large vue sur l'assemblée.
Tous ces détails n'échappaient point à Samantha. Elle admirait sincèrement le charme du lieux. Pour autant, elle restait parfaitement consciente des dangers qui s'embusquaient dans chaque coin de la pièce, surtout dans la pénombre des esprits des courtisans. Elle frissonna. De peur ? D'excitation ? D'appréhension ? Elle ne savait pas vraiment.
Le grand intendant, muni d'une canne au pommeau doré, recevait les invitations et annonçait d'une voix forte de façon à ce que tous l'entendent, l'identité des hôtes. Son rôle était d'une importance capitale. Il devait faire respecter l'étiquette et pour cela déclarer les noms et titres des convives dans l'ordre de rang social. Voilà pourquoi la princesse se trouvait devant, élevée au même rang que le célèbre Duc de Freewood.
Elle s'en inquiéta. Que penserait ceux devant qui elle se trouvait, sûrement plus digne qu'elle d'être cités les premiers ?
Le vieil homme, dignement vêtu d'un habit noir chamaré d'or, s'inclina avec une élégance raide devant les deux frères. Nostel l'arrêta d'un simple geste.
- Vos Seigneuries.
- Relevez vous donc, Rocheril.
Ministre de la Cour Royale, le vieil homme était respectable tant par son âge que par ses qualités. D'abord premier ministre, son âge ne lui permettant plus de tenir cette fonction, le monarque l'avait institué ministre de sa cour. Aidé de divers secrétaires, il s'occupait d'organiser les événements internes au Palais, comme les receptions royales. On comprenait alors la déférence dont le Duc de Freewood faisait preuve à son égard.
- Merci Votre Altesse. Cette jeune femme est votre compagne ?
- Non, je suis venu seul. Elle est la partenaire du Général Brorel.
- Parfait. Quel nom dois-je noter ?
- Samantha Aralei, Monsieur.
- Très bien. Je vous souhaite la bienvenue au Palais de Cristal, Milady.
- Il porte bien son nom.
- En effet. Je vous souhaite une bonne soirée.
La jeune femme s'éloigna au bras de son compagnon.
- Samantha, regardez devant vous.
La semi-elfe s'exécuta sur l'injonction de Brorel. Un homme au physique étrange l'observait, se voulant discret. Il était petit et trapu mais paraissait grand et mince. Son visage chafouin avait un air d'honnêteté. Quand on le regardait, on ne savait pas s'il était digne de confiance.
- Il ne me plaît pas du tout. Qui est-ce ?
- Voici le baron de Ronchelles.
- Un suspect, je suppose.
- On est presque sûrs de son implication dans l'Affaire, mais il nous faut des preuves pour l'arrêter et le faire parler.
- Soit. C'est pour cela que vous m'avez mandée ?
- En partie oui. Alors que sentez-vous ?
Son impatience était palpable.
- Pour le moment, je ne peux rien vous dire, Duc. Je ne suis pas une magicienne, enfin si, mais mes pouvoirs sont limités. Si vous souhaitez que je lise quelque chose, je vais avoir besoin de condition plus propices. Pourquoi ne pas m'en avoir parlé plus tôt ?
- Je ...
L'arrivée de la famille royale les coupa. Majestueux dans leurs costumes rouges et dorés, couleurs du Royaume, ils imposaient au premier regard. Le roi et son épouse s'assirent sur leurs trônes respectifs, donnant le signal du début du bal. Le Prince héritier Roald s'inclina devant sa soeur Svana et l'entraîna pour une valse.
- Ma chère, je vous propose de continuer cette conversation dans des lieux plus convenables. Me feriez vous l'honneur de m'accorder cette danse ?
- Je suppose que nous en avons l'obligation puisque nous sommes ici. Voilà bien longtemps que je n'ai pas dansé, je ne vous promets pas de ne pas vous marcher sur les pieds.
- Cela m'importe peu. Vous venez ?
Le général posa une main légère sur la taille de Samantha. Cette dernière se laissa guider. À sa grande surprise, il dansait vraiment bien.
- Je vous propose de nous séparer aussitôt que le morceau sera terminé.
- Oui ?
- Nous nous rejoindrons dans les jardins.
- Je passe peut-être inaperçue, Votre Grâce, mais vous non.
- N'en soyez pas si sûre.
- Je ...
- À tout de suite.
Parlait-il de moi ou de lui ? De ses facultés de camouflage ou du fait que je passe pas inaperçue ? Zut. Je sens déjà que cette soirée va mal se terminer.
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