Moi, Ernesto - 6 – Le chômeur de l’espace

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Ça chie pas, je n’étais pas au bout de mes surprises !

Après l'échec de ma candidature comme agent de sécurité sur Erebus, mes ressources étaient au plus bas. En deux mots, je n’ai plus un kopeck. J’ai utilisé ma carte galactique pour acheter une place sur le cargo Salamine qui transporte des œufs de Leda, une grosse bestiole vivant sur Erebus. Il y a également d’autres trucs bizarres dans les soutes, mais à vrai dire, je m’en fous un peu. Ce bon vieux Ernesto n’a pas le moral ce soir.

Dans la partie de la galaxie sous influence humaine, les gens sans emploi ont vraiment intérêt à ne pas le rester longtemps croyez-moi ! Ailleurs, je ne sais pas, mais ici, on peut sombrer dans la misère et dans l’oubli en un rien de temps. J’ai toujours cru que les gens qui plongeaient étaient des paresseux, mais on change vite de point de vue quand c’est sur vous que la foudre s’abat.

Le cargo est un moyen de transport intergalactique peu connu du grand public. Et pourtant, il y a une dizaine de cabines louées à bas prix dans chaque vaisseau. Le confort est spartiate et la compagnie pas toujours reluisante, mais c’est un moyen de transport assez fiable. Les cabines sont prévues pour deux personnes. En embarquant, j’ai repéré un xénopien, et j’ai eu peur. Cette race est mal connue, mais je sais qu’ils émettent des flashes de lumière incontrôlés lorsqu’ils rêvent et donc il n'y a rien de pire qu'un xénopien comme voisin de chambrée. Quel soulagement lorsqu’on m’a annoncé que je serai avec une méduse d'Arcanis !

Une fois installé, et avant qu’on ne prenne trop de vitesse et que les transmissions ne s’en trouvent perturbées, j’ai contacté mon vieux copain de régiment Julius Jules. Je voulais discuter avec lui pour qu’il m’aide à trouver une façon de rebondir rapidement. Julius à toujours de bonnes idées, et si quelqu’un pouvait m’aider, c’est bien lui. Du moins, je l'espérais.

Demande de contact.

— Salutations Julius, c’est moi Ernesto.

— Salutation Ernesto, heureux de t’entendre ! Quoi de neuf vieux cafard d’Uranus ? T’as encore dégommé une famille de touristes asturiens avec ton arme de service ? Sacré Ernesto !

Mon ami me connaît bien.

— En réalité, je n’ai plus d’arme de service car j’ai été viré.

Et là, je lui déballe mon histoire et lui décrit ma situation actuelle. Il réfléchit un moment puis me répond :

— Je suis content que tu aies évité le xénopien, Ernesto. Il parait que ces gars sont insupportables et comme tu as bien besoin de réfléchir en ce moment, le sommeil est primordial.

Il avait raison, naturellement. Il ajouta :

— Les cargos sont lents à atteindre l’hyper-vitesse, mais il faut s’attendre quand même à ne plus pouvoir utiliser la vidéo pour discuter d'ici quelques heures. Nous allons devoir nous écrire des messages si l’on ne veut pas perdre le contact, vieux. Je ne suis pas un épistolier, mais quand il faut, il faut.

— Moi non plus, lui dis-je, je préfère de loin les armes blanches, mais on fera comme on pourra !

— Écoute-moi, Ernesto, je dois te dire que la situation du marché du travail dans notre secteur est vraiment terrible. C’est la mouscaille mon pote ! Les hommes d’action comme nous, il y en a des cargos entiers qui cherchent du boulot. L’arrivée des droïdes de génération 3421 a créé une crise de l’emploi sans précédent. On est de la même année toi et moi, et je peux te dire que des gus de 95 ans ont du mal à se caser de nos jours.

J'étais désespéré d'entendre ces détails de la bouche de mon vieil ami, même si tout le bas de son visage était remplacé par une prothèse imitant grossièrement la forme d’un visage humain. Depuis son accident avec un rasoir laser, Julius utilisait une prothèse d’occasion que lui avait cédée un vénusien ruiné au jeu. Ces aliens ne nous ressemblent pas vraiment, mais bon, on se débrouille comme on peut avec un salaire d’agent de maintien de l’ordre.

— Julius, je suis vraiment au bout du rouleau. J’ai vécu bien des aventures dans ma vie, mais rien de m’a préparé à devenir chômeur. Absolument rien. J’ai l’impression que mon cerveau se bloque et je n’arrive pas à imaginer la moindre idée pour avancer.

— C’est classique mon gars. Va donc acheter des cachetons pour modifier la biochimie de ton cerveau et tu te sentiras mieux. Ils en vendent toujours dans les vaisseaux longs courriers.

Ça aussi, je le savais, mais je n’y avais pas pensé. Quand je vous dis que mon cerveau déconne…

Julius reprit la parole. Son œil valide me fixa.

— Si tu veux rester dans le secteur humain de la galaxie, tu vas devoir opter pour des emplois isolés ou dangereux. Genre colonie agricole sur une planète périphérique ou bosser dans une colonie de mineurs quelque part dans la grande ceinture d’astéroïdes.

— Je ne veux pas, je suis trop fragile pour ça ! lui dis-je sans même réfléchir.

Mon ami avait senti, au ton de ma voix, que je n’en pouvais plus. Il reprit la parole doucement.

— La seule autre solution dans le contexte actuel, c’est le voyage dans le temps.

— Mais c’est de la science-fiction le voyage dans le temps ! La S-F c'est n'importe quoi !

J’ai cru un bref instant que Julius se payait ma tête, mais il reprit patiemment :

— Non. Le voyage dans le temps est une réalité. On devrait même dire voyage dans l’espace-temps. C’est encore assez expérimental et le consortium militaro-industriel qui développe la technologie ne communique pas officiellement sur la chose. Par contre, ils recrutent. Je suis au courant grâce à mes réseaux et je peux te dire que tu aurais toutes tes chances si tu voulais intégrer leur programme. Et ça paie autrement mieux que flic de l'espace mon vieux ! Crois-moi !

Julius pâlit légèrement et marqua une courte pause, signe qu'il avait quelque chose d'important à ajouter. Quand je vous dis qu’il était pâle, je parle du haut de son visage, car le bas, lui, restait bleu ciel, la couleur naturelle des vénusiens.

— Par contre, c’est sacrément dangereux. C’est même le job le plus dangereux de tous les temps, dit-il d'une voix grave.

Ça chie pas, je n’étais pas au bout de mes surprises !

A suivre...

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