Un moine étrange
Là, au milieu des planches mal ordonnées, des débris jetés au hasard dans cette immense montagne, au milieu de la puanteur suffocante des ordures en état de décomposition, au milieu de tout cela, se tenait un homme. Grand, il était habillé d'une robe de bure, et portait à son cou un chapelet. Non pas un chapelet de moine, non... L'homme portait effectivement un chapelet de saucisses en guise de collier. Faisant les cent pas, l'individu déambulait dans la décharge d'un pas lourd, d'une démarche terrifiante... Il semblait attendre quelqu'un.
S'impatientant, l'homme shootait dans une cannette, l'envoyant ricocher entre deux poubelles lointaines. Puis, il commença à sourire. Non pas dans un geste de joie, non... Cela se voyait à son visage, il était fou ! Et pas qu'un peu !
Dans sa solitude, le moine improvisé parlait aux déchets alentours dans un charabia incompréhensible... On aurait presque dit qu'il récitait une prière !
Et toujours, allant et venant, il s'adonnait alors à un étrange rituel. Arrivé au milieu des déchets, il se saisissait d'un meuble miteux et décrépi, sortait ensuite de sa robe un martelet de magistrat, et tapait trois coups, éloignés chacun d'une seconde. Après avoir rangé le marteau, il remettait ensuite en place l'objet, et repartait dans l'autre sens, avant de faire demi-tour à mi-chemin de la sortie de la décharge pour réitérer sa sinistre valse.
Perturbant, c'était le mot.
Mais qu'attendait-il au juste ?
Autre aller-retour, trois nouveaux coups, puis soudain, interruption en pleine marche !
L'homme le sentait, ce qu'il attendait venait d'arriver. Agitant alors les bras dans tous les sens, il semblait embrasser l'air autour de lui de toutes ses forces, comme s'il s'agissait de la personne la plus chère à ses yeux...
Confus, il paraissait comme sous l'emprise d'une hallucination. Seul à voir ce qu'il voyait, il tapait rageusement du pied tout en se mordillant légèrement la lèvre inférieure. Quelque chose n'allait pas. Mais quoi ? Le "moine" était le seul à le savoir...
Alors, s'asseyant lentement à même le sol, et enfouissant son visage dans ses mains, le fou se mit à pleurer. Mais pourquoi ? Pour le savoir, il faudrait avoir vu la même chose que lui. Malheureusement, il était seul dans sa souffrance, à s'apitoyer sur son propre sort...
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