Un mystérieux jardin...

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Dans la hauteur de la cheminée colossale hurlait et gémissait la tempête de mars comme une armée de démons. J'étais entrée dans la bâtisse poussée par je ne sais quelle angoisse. Un épais tapis de feuilles recouvrait le sol d'entrée et les premières marches en marbre de l'escalier central de cette immense demeure, abandonnée aux quatre vents. La porte où le heurtoir en tête de griffon achevait de se patiner, était grande ouverte.

- "Eh oh ! Y a quelqu'un ?" prononçais-je d'une voix qui s'étrangla devant l'époustouflante magnificence du lieu. Je regardais alentour la pièce où je venais de pénétrer... Les tentures effilochées avaient conservé les fils d'or qui ornaient la frange des pompons de la passementerie, les pendentifs de l'immense lustre de cristal Daum se balançaient, voilés par la poussière et le temps, le marbre patiné de l'escalier central luisait par endroit, illuminé par les rayons de la pleine lune.

Absorbée dans la contemplation émerveillée de cet endroit délabré, un hululement me fît sursauter lorsqu'il se fît entendre... Je me retournais brusquement pour vérifier que rien ne m'avait suivie... Je n'entendis que les battements de mon coeur cadencés par le rythme endiablé de son galop.

En haut de l'escalier, une porte était entrouverte. La lueur d'une chandelle semblait scintiller dans l'obscurité de la pièce et illuminait d'un éclat feutré l'embrasure de la porte. Je me glissais en haut des marches et suivît le petit couloir qui menait à la pièce. Le long du mur crasseux et craquelé, une commode surmontée d'un miroir aux dorures écaillées offrait encore la beauté de sa facture. Deux bougeoirs dont les bougies consumées avaient fondu le long du pied, ornaient toujours le petit meuble centenaire.

Parvenue dans l'embrasure de la porte, les feuilles immenses d'une luxuriante jungle me repoussèrent... Ce n'était ni une chambre, ni un boudoir, ni quoique ce soit d'autre digne d'une demeure de ce rang. Restée sur le pas de la pièce, l'odeur de l'humus envahît mes narines, le chant d'oiseaux inconnus s'insinua dans mes oreilles... L'éclat feutré de la chandelle ayant disparu, mes yeux durent s'habituer à la pénombre avant de pouvoir distinguer quoique ce soit.

Il était impossible de pénétrer debout dans la pièce, la végétation qui s'y était incroyablement développée, obstruait le passage. Accroupie, je parvins à franchir le seuil. La découverte fût un choc. La pièce était immense et circulaire. Non seulement la végétation y avait élu demeure, mais des espèces animales y demeuraient également. Essentiellement des oiseaux, de petites mais aussi de grandes tailles. Les volatiles se nourrissaient de fruits exotiques gorgés de vie suspendus aux branches de petits arbres... Rien d'autre ne semblait appartenir à ce monde tropical, du moins à première vue.

Cette étrange visite m'avait épuisée. Je me mis en quête d'un espace pour me reposer jusqu'à l'aube. Dans la pièce attenante à ce jardin d'Eden, un lit à baldaquin offrait le confort de la tranquillité. Je rabattis ce qui restait de la porte de la chambre, poussai un fauteuil Louis XVI contre et me dirigeai vers le lit défoncé. Avant de m'allonger, j'enroulais mon manteau autour de moi puis baissais mon bonnet sur les yeux. Comment ce monde avait-il pu naître sous cette latitude ? Dans cette demeure apparemment abandonnée des hommes mais aussi de la clémence des saisons ? Je m'endormis sur ces questions.

A l'aube, les rayons timides d'un soleil d'hiver emplirent la pièce où j'avais trouvé refuge. Mon bonnet avait glissé et la lumière matinale acheva de me réveiller. Mes doigts s'enfoncèrent dans ce qui me sembla être un amas de vieux tissus empoussiérés et gorgés d'humidité. Il me revint à l'esprit ma découverte de la veille ainsi que le lieu où j'avais passé la nuit. Je dégageai le fauteuil appuyé contre la porte et repris le couloir. Un calme étrange régnait sur l'endroit. Plus de vent, plus de chant d'oiseaux, plus un souffle de vie !

Devant la pièce circulaire et immensément vide, mon coeur cessa de battre. Le jardin d'Eden et tout ce qui le composait, les arbres fruitiers, les oiseaux, la végétation immense... tout avait disparu... rien ne subsistait !

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