La fleur qui ne s'ouvrait que la nuit
Ainsi, ce serait ça, être mort ? C’est amusant comme sensation. C’est juste un peu moins de sang dans mes veines, un peu moins d’air dans mes poumons, un peu moins de douleur dans mon corps… Je n’ai pas l’impression de perdre grand-chose. Au final, je n’ai rien perdu. Je ne crois pas non plus avoir gagné grand-chose… Peut-être quelques instants de répits, de tranquillité… Que c’est agréable, de mourir. On sent toutes ses responsabilités qui s’envolent, tous ses soucis qui se dissipent, tous ses chagrins qui s’évaporent tandis que le corps agonisant termine son dernier soubresaut dans la brume du crépuscule. On ne se rend même pas compte qu’il y a un pneu dans notre dos, ou une balle dans notre cœur… Non, non, non ! La souffrance, c’est bon pour les vivants. J’aspire au repos. Eternel ? Pourquoi pas… Ce n’est pas non plus une raison pour ne rien faire. Même mort, il faudra que je m’active.
Comment ? Des regrets ? Des larmes ? Et puis quoi encore ? Un discours, peut-être ? Pourquoi voudriez-vous que je pleure pour des gens que j’ai haï toute ma vie ? Ce n’est pas parce que je leur serrais la main chaque matin avec un maigre sourire que je tenais à eux. Il ne faut pas rêver, tout de même. Nous sommes dans le monde réel ; réveillez-vous ! Et puis bon… Je ne vois pas ce que je pourrais regretter chez eux… Leurs colères ? Leurs caprices ? Leurs pauvres petits malheurs de braves humains lambda ? Jamais ! Je n’ai pas renié mon humanité pour revenir sur de telles simagrées. Il y a des limites.
Vais-je dédier une dernière pensée à quelqu’un ? Hm… Je ne pense pas. Je ne suis pas le père Noël. La bonne morale bien pensant, ce n’est pas pour aujourd’hui. Ils ne méritent pas plus de compassion que remerciement. J’aurais presque pitié d’eux… sauf qu’ils ne parviennent même pas à être pitoyables… C’est risible, bien que cela ne me fasse pas rire. Heureusement que je suis mort. Je n’aurais plus à subir leurs rondes grotesques autour de l’espoir d’une bonne vie. Comme si la vie était importante ! Ils n’ont rien compris. Quand s’apercevront-ils qu’ils ne servent à rien, qu’ils devraient s’efforcer de voir le monde autour d’eux, qu’ils ne sont l’origine que de souffrances ? Jamais. Ils sont aveugles. J’aurais bien aimé qu’ils n’aient jamais existé. J’aurais plus encore aimé ne jamais voir cette catastrophe. Hélas… c’est bien égoïste de ma part, de dire cela. C’est toujours plus facile quand on est mort, n’est ce pas ?
Et vous, que pourriez vous faire, sinon acquiescer tel un sot ? Quel dommage d’avoir été en vie…
…
…
Hélas…
Je crains fort de n’avoir jamais…
…
Cessé de vivre…
Hélas, oui. C’est bien le ciel au dessus de moi. C’est bien la Lune qui me regarde sans me voir. Ce sont bien les étoiles qui se chuchotent à l’oreille des histoires vieilles comme l’Univers. Pourquoi suis-je revenu ? Ou plutôt, pourquoi ne suis-je pas parti ? Je ne suis plus trop sûr de ce que je souhaite, çà présent…
Bref.
J’aurais tout le temps de mourir demain matin.
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