20/10
L'automne est là et ses vents de déprime qui font rougir les feuilles jusqu’à la mort, l’envol. Les nuages sauterelles dans le ciel, les pluies grenouilles qui chantent les morts et les citrouilles rampantes dans les boues dévisagées. La terre en jachère comme un coeur de veuve, à l’ombre d’une vie pleine de branches où s’enroulent des cordes dans un sifflement d’harmonica. Sornettes de couleuvres avalées sans babil, ronflant dans les ventres lourds et serrés comme des sacs de cambrioleurs. Des serpents sans venin mais donc les anneaux flegmatiques, glissent sur les doigts blancs des prières, cireux comme des planchers jonchés de tabourets chus. Serpents amers que l’on noie au goulot d’une bouteille, dans le poison du verre et du verbe, fané de trop d'orgueil mal placé, déplacé, sans laisser d’adresse, au gré des bars et des daurades émaillés de filets trop lâches. Des morsures de cidre qui restent dans la gorge, qui ne troublent ni la tête ni les sens, qui laissent le coeur mendiant, la lippe tendue vers l’ivresse qui passe et ne s’arrête, l’oubliant sur le pavé moite et froid. Lui aussi voudrait ainsi s’oublier, s’enfuir et transhumer loin des vaux et des creux et de tout ce qu’il y a d’enfoui. Des paroles parfois glissent sur lui comme des guirlandes, des échelles de fil lancées par les passereaux sur le départ. Il ne sait les saisir, il ne sait se hisser vers les rameaux et les téléphones, pourri dans sa bave comme un crapaud sans cuisse, moribond à la glaise comme à la marre, rêvant d’affiches et de vitrine, de loin. L’asphalte parfois, s’abaisse à embrasser le front luisant, caresse de sol à solitaire, aux ongles de graviers qui s’accrochent dans les cheveux comme un amant. Et le pain dur que l’on ne rompt pas, que l’on ronge, que l’on esquinte de ses gencives trouées, sans faim, par ennui, comme le chien aux sourcils gris et à la patte raide bave sur son os et sa guenille. L’automne est là, comme un été indien dans la ville, cherchant son chemin à chaque feu tricolore, desquamant de ses frimas soleillants lèvres et platanes et les pigeons rembourrés mais idiots dont le vol lourd et imprudent agace. Que vienne encore les bises dans les écharpes, mordant la chair aux cous dévêtus, sans laisser les suçons d’adolescence qui en faisait hier encore l’apparat et l’on nouera sur les gorges le tricot des écharpes.
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