4ème jours
Le médecin est repassé le lendemain de ma douleur nocturne, examinant ma jambe il ne trouve rien de particulier. Je suis persuadé d’avoir senti quelque chose me serrer la jambe, le médecin m’apprend que c’est possible que j’aie fait une sorte de légère phlébite. Il me prescrit alors des piqûres à faire dans le ventre tous les jours, le temps que je suis ici l’infirmière me le fera. Je suis soulagé qu’il y ait une explication, avec tous les traitements tout rentrera dans l’ordre rapidement.
Alors que je ne m’y attends pas, j’entends quelqu’un frapper à la porte de ma chambre, c’est mon psychologue qui a appris mon hospitalisation, sûrement par ma mère. C’est lui qui traitait mes terreurs nocturnes et ma paralysie du sommeil. Il me fait un magnifique sourire avant de s’asseoir à côté de moi, me demandant comment je me sens. Je lui explique donc tout ce qui m’a été diagnostiqué, jusqu’à lui dire que j’ai cru qu’il y avait quelqu’un dans ma chambre à cause de la fièvre.
— Eh bien il t’est arrivé pas mal de choses en peu de temps, comme tu te sens par rapport à l’arrêt des calmants ?
— Ça va, pas trop de nausées ni de tremblements, je n’ai pas à me plaindre à vrai dire, dis-je en haussant des épaules.
— Et tu n’as pas eu de paralysie à nouveau ? Ou de cauchemars ?
— Bah à part hier soir, mais c’est sûrement à cause de l’infection donc je ne pense pas qu’on puisse prendre en compte l’arrêt du traitement.
— Oui tu as raison, si jamais tu sens une rechute il faut que tu m’en parles, me dit-il avec un sourire très chaleureux.
— J’aimerais vraiment ne pas avoir à reprendre de médicaments.
— De l’homéopathie, ça te conviendrait ?
— Euh oui si c’est naturel ça me va, je soupire, pas vraiment convaincu.
J’étais content d’avoir terminé mon traitement, car à la longue j’avais peur pour ma santé. Que ce soit des plantes ne me dérange pas, mais je doute de son efficacité après avoir pris pendant plus de dix ans un traitement de cheval. Je n’étais pas inquiet des effets de sevrage, je n’en avais pas eu un seul, si ça avait été le cas cela se serait produit bien plus tôt. Actuellement j’ai une infection, cela n’a aucun rapport avec mon arrêt des calmants.
— Bien je vais te laisser te reposer, n’hésite pas à m’appeler si tu as besoin de discuter, me propose-t-il.
— Oui, j’en profite pour réviser à fond et dormir.
Il me fait un grand sourire avant de me laisser seul. J’ai l’impression que le temps passe au ralenti, parfois une infirmière surgit pour vérifier mes constantes, puis me rajouter des antibiotiques avant de me laisser à nouveau seul. Si bien que je me laisse petit à petit sombrer dans le sommeil, n’ayant rien d’autre à faire de toute façon.
— Alex…
Je lâche un grognement, encore endormi je n’ai clairement pas envie qu’on m’emmerde. Un frisson me parcoure, avant que je ne sente le souffle froid dans ma nuque. J’entrouvre les yeux faiblement, engourdi par le sommeil, quelque chose se tient au-dessus de moi. Une forme noire, très sombre, sans vraiment de contours. Un bruit de gargouillis s’échappe de cette forme et le souffle froid glisse sur mon visage.
— Alex…
J’ouvre grand les yeux, pris d’un sursaut, constatant une fois bien réveillé qu’il n’y a rien au-dessus de moi. Je suis seul dans ma chambre, mes cahiers de cours éparpillés sur la couette. Je regarde autour de moi, le cœur battant à la chamade, j’ai l’impression qu’il va exploser tellement il tambourine dans ma poitrine. Je regarde vers la fenêtre, celle-ci est entrouverte et laisse entrer un léger courant d’air. Je me lève d’un bond pour la fermer, essayant de reprendre mon calme, au bord de l’évanouissement. Une infirmière décide de rentrer à ce moment-là, elle me voit à la fenêtre, haletant, et la gaine de la perfusion tendue au maximum.
— Monsieur, retournez dans votre lit. Que s’est-il passé vous êtes tout blanc, faites attention vous auriez pu arracher votre perfusion, me gronde-t-elle en m’obligeant à regagner mon lit.
— J’avais froid, quelqu’un a laissé ma fenêtre ouverte.
— On dirait que vous avez vu un fantôme, vous êtes essoufflé.
— J’ai… fait un cauchemar à cause du courant d’air, dis-je en un souffle.
Elle me fait un sourire tendre, avant de me recouvrir de la couverture. Elle vérifie mes constantes ainsi que ma température avant de froncer des sourcils. S’excusant elle me dit qu’elle va chercher un médecin, car je fais à nouveau des petites montées de fièvre. Le temps qu’elle s’en aille, j’ai besoin d’aller aux toilettes, en resoulevant le drap je vois alors ma jambe, elle a comme sur mon épaule, une tache noire. Je couine de stupeur, regardant la marque, on dirait qu’elle a la forme d’une main.
Le médecin arrive et la première chose qu’il voit c’est justement cette marque sur ma jambe. J’ai dans la foulée le droit à une autre batterie de tests, mais aussi à une visite plus fréquente des infirmières qui au lieu de toutes les quatre heures, se retrouve à toutes les heures. Les résultats tombent, j’ai le sang un peu trop liquide et il suppose qu’un simple contact un peu trop fort provoque des bleus. J’ai donc un nouveau traitement pour réguler la fluidité de mon sang.
J’ai peur de dormir à nouveau, j’ai peur de revoir cette chose que j’ai vue au-dessus de moi. J’ai l’impression que ce qui m’arrive n’est pas simplement dû à des soucis de santé. Finalement le médecin me prescrit un tranquillisant, pour m’aider à dormir, car je lui fais part de mes cauchemars. Pour lui c’est bien à cause de la fièvre que je délire en dormant, il a peur que je m’agite et que je me fasse du mal. Même si je conteste il semble que je n’ai pas le choix, mais ce qu’il m’administre n’a aucun effet d’addiction. Donc une fois que je pourrai sortir de l’hôpital je ne serai plus obligé de les prendre.
Je crois bien qu’après cela je n’ai jamais aussi bien dormi. Pas de souffle froid dans ma nuque, pas de vision d’ombre, pas de pressions sur une partie de mon corps. Si bien que le lendemain, il semblerait que mes constantes aient augmenté et se stabilisent au fil de la journée. Les médecins sont même étonnés que ça ait soudainement changé alors que j’étais si mal la veille. Ils décident de me garder encore une nuit avant de finalement me laisser repartir avec un traitement antibiotique de fond.
Je l’annonce enfin à mes parents, et évidement à l’autre bout du fil ma mère est encore en pleurs, mais cette fois de joie. Quand j’arrive dans mon appartement, Léo y est déjà en tablier à faire la cuisine. Il se retourne vers moi avec un magnifique sourire, agitant une spatule vers moi.
— N’en profite pas trop, je ne suis pas ta bonne garde-malade, me lance-t-il.
— Je vais en profiter juste le temps que tu m’accorderas ça. La vache, ça n’a jamais autant senti le propre chez-moi.
— Ouais, j’ai même relavé toutes tes fringues au cas où la bestiole ait pissé dessus, j’ai vérifié les murs aussi, bref ton appart est clean.
— Tu restes dormir avec moi ?
— Bien sûr, je vais trop m’inquiéter pour toi si je te laisse seul.
Je me mets à glousser, de toute façon je suis bien content qu’il reste. On déguste alors un bon plat de lasagnes maison spécial Léo, avant de se mater une série à la télé. Pour une fois on ne révise pas, il sait que j’ai besoin de me détendre un peu au retour de l’hôpital. Après une bonne douche on finit tous les deux sous la couette dos à dos comme on a toujours l’habitude de faire.
— Dis Léo… tu te souviens quand je faisais mes crises quand j’étais petit ? C’est arrivé quand tu étais chez moi ?
— Ouais, tu voyais une ombre très sombre juste au-dessus de toi, tu disais aussi qu’elle te donnait froid, murmure-t-il. Pourquoi ? Tu l’as revue ?
— Je ne sais pas, je pense que la fièvre m’a fait délirer à l’hôpital.
J’ai le droit à un marmonnement, cela veut dire qu’il s’endort. Ça ne l’inquiète pas plus, cela fait plus de dix ans que je n’ai pas fait de cauchemar avec cette fameuse ombre. Je finis moi aussi par fermer les yeux, me laissant glisser dans le sommeil, alors que Léo ronfle déjà. Il vient se glisser dans mon dos comme il a pris l’habitude de le faire dernièrement, dans mon inconscience je fais un petit sourire.
— Alex…
Sa main se pose sur ma hanche, un frisson me remonte le long de la colonne vertébrale.
— Arrête me tripote pas je risque de kiffer, je lâche.
— Alex…
Sauf que je me rends compte que ce n’est pas vraiment sa voix. Cette voix est bien plus caverneuse et surtout elle est féminine.
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