8ème jours
Que ça soit de nuit ou de jour, le problème reste le même, il ne faut pas que je dorme. C’est une question de survie. Personne ne veut me croire, pas même mon meilleur ami. Je suis sûr que si je lui montre mes griffures, il serait capable de dire que je me les suis faites moi-même. En allant à la fac, je le vois au loin. Je veux venir le voir, mais au moment où il m’aperçoit il fronce les sourcil et part à l’opposé. Je peux comprendre qu’il n’ait pas apprécié que je l’appelle à trois heures du matin, mais j’ai besoin d’aide.
Je suis donc seul face à cette chose qui semblerait me vouloir du mal. Je n’ai qu’une seule arme contre elle, le café et les boissons énergisantes. J’ai bien l’intention de dormir le moins possible pour qu’elle n’apparaisse pas. Je ne veux pas ressentir la douleur de sa main me broyant la jambe. J’ai actuellement un bleu énorme qui part de la cheville jusqu’au genou. Je voulais le montrer à Léo, pour qu’il me croie, mais il m’a évité absolument toute la journée. Je rentre donc. À nouveau seul chez moi.
Dans mon appartement je me vautre sur le canapé, couinant de frustration en lâchant un bâillement monstrueux. Je me ressaisis, me faisant alors une énorme tasse de café. Les médicaments sont posés sur la table à manger, en les voyant je sens une colère monter en moi. Ils ne résoudront en rien mes problèmes, ça serait même pire j’en suis certain. D’un coup de nerfs je tape dedans, les faisant ainsi voler dans la pièce, éparpillant les boîtes un peu partout. Mes larmes montent à mes yeux, je ne vais pas tenir seul, elle va réussir à avoir ma peau j’en suis sûr. Je prends mon téléphone, commençant à rédiger un SMS pour Léo.
— Je t’en prie crois-moi, j’ai besoin de toi. J’ai besoin que tu me croies.
Je n’ai qu’en réponse, le petit logo comme quoi il a bien lu mon message, mais aucune réponse de sa part. Je suis abandonné par mon meilleur ami, pourquoi ne veut-il pas me croire ? Je prends alors une feuille de papier, pour écrire peut-être mes dernières lignes. Si cette chose arrive à m’avoir, si finalement j’ouvre les yeux et qu’elle me déchiquette, je veux que les gens sachent.
— Si vous trouvez cette lettre, c’est que je suis mort. Sûrement déchiqueté par quelque chose. Vous n’avez pas voulu me croire malgré mes appels à l’aide. Vous pensiez que de simples médicaments pouvaient tout résoudre. Mais cette chose est réelle, elle vient à moi dès que je ferme les yeux, dès que je m’endors, elle me paralyse avant de me faire du mal. Cette chose est bien réelle, mais si vous lisez cette lettre c’est qu’il est trop tard.
Je la pose sur ma table, bien en évidence, je ne sais pas si cela servira à quelque chose. Si cette nuit je vais survivre ou non, car je le sais je vais forcément m’endormir à un moment ou un autre. Je sens la fatigue me peser lourdement, dans chacun de mes membres. Le café n’y changera rien, et cette chose reviendra pour moi, m’ordonnant d’ouvrir les yeux. Je le sais, à présent qu’elle l’a fait une fois, elle reviendra.
Me dirigeant vers la salle de bain, je veux me détendre, profiter d’une douche brûlante. Je ne peux que soupirer d’aise quand l’eau chaude parcourt ma peau, je ferme les yeux, profitant de la chaleur qui détend mes muscles petit à petit. L’eau est tellement chaude qu’elle me fait rougir légèrement, la blessure sur ma hanche me picote légèrement. Je me sens tellement bien sous le jet.
— Alex…
J’ouvre les yeux, me retournant, je suis seul dans la douche. J’ai juste fermé les yeux, la lumière est allumée en grand, comment a-t-elle pu venir ? Je tire le rideau de douche. Il n’y a rien dans la pièce, je soupire, l’angoisse est là. Je retourne sous les jets, me savonnant rapidement.
— Alex…
Je me retourne, rien. Elle est peut-être dans la chambre, recouvert encore de savon j’éteins le jet, tendant l’oreille.
— Alex… je… souffre.
Je ne comprends pas ce qu’elle me dit, elle m’appelle à l’aide ? Je fronce les sourcils, me doutant que cela peut être un piège. Je sors de la douche, toujours savonné, mes pieds nus sur le carrelage de la salle de bain, je fais un pas en avant. La porte de la pièce commence à s’entrouvrir légèrement, mon cœur s’emballe. Elle s’ouvre alors en grand et je vois de l’autre côté une forme noire et difforme immobile. Je ne dors pas, comment est-elle arrivée ici, je ne me suis pas endormi, je ne rêve pas j’en suis sûr.
La chose bouge, se redressant pour se tenir bien droite. Je suis crispé, je ne bouge plus, pétrifié par ce que je vois devant moi. Mon cœur semble vouloir s’échapper de ma poitrine, tambourinant à m’en rendre sourd. Je commence à avoir la tête qui tourne, un mal de crâne commence à me prendre. La chose semble bouger, puis fait un geste brusque qui m’effraie. Je fais un pas en arrière, mais mon pied humide et savonneux glisse sur le sol carrelé. Je tombe en arrière, me cognant l’arrière du crâne contre le rebord de la baignoire à côté de la douche.
Je lâche un gémissement plaintif, je vois des étoiles et j’ai mal au crâne de plus en plus. J’entends un bruit de gargouillis et l’odeur immonde revient envahir mes narines. Je n’arrive plus à bouger tellement je suis sonné. Devant mes yeux écarquillés, je vois la forme noire se dessiner au-dessus de moi, la douleur est de plus en plus atroce.
— Alex…
La chose murmure au-dessus de moi, je vois sa main décharnée se tendre et se poser sur ma joue. Je peux distinguer de plus en plus une forme. La chose n’a pas de visage, à part celui d’un mort, des cheveux humides emmêlés. Sa bouche s’ouvre en grand, bavant un liquide noir et visqueux. Je veux m’enfuir, mais je n’arrive pas à bouger, je ne sens plus mes jambes ni le reste de mon corps.
Ses doigts commencent à s’enfoncer dans ma joue, la griffant profondément. Je lâche un gémissement de douleur, les larmes me montent aux yeux. Je n’arrive pas à hurler, ma tête me tourne de plus en plus. Les ongles de la chose recommencent, me lacérant le visage, le torse. Je la sens me déchiqueter la peau à chaque passage, elle m’arrache des lambeaux de chair, ma vue se brouille à cause de la douleur. Elle continue à me lacérer, elle m’arrache le visage, la douleur en devient des plus atroces, mon cœur tambourine de plus en plus avant que ça ne soit lui qui me fasse mal.
Puis plus rien, la douleur disparaît d’un coup. Je ne sens plus rien, plus aucune sensation, ma vision est devenue noire et je lâche mon dernier soupir avant que mon cœur ne lâche. Cette chose a réussi, elle a réussi à me tuer et personne ne m’a sauvé. Personne n’a su ce qui m’arrivait, même mon meilleur ami n’a pas voulu me croire. Je suis mort, seul, dans ma salle de bain, déchiqueté par un monstre. Cette chose était bien réelle et elle a réussi à me tuer.
C’est quatre jours plus tard que Léo ouvre la porte de mon appartement, manquant de vomir à cause de l’odeur de putréfaction. Il a tenté de m’appeler, confronté seulement au silence. Il s’avance, trouve la lettre avant de paniquer, pour lui ce n’est rien d’autre qu’une lettre de suicide. Alors quand il trouve mon corps déchiqueté dans la salle de bain, son hurlement résonne dans tout l’immeuble. La concierge a même débarqué, constatant elle aussi de ce qui est arrivé.
La police envahit les lieux, prenant en charge mon meilleur ami qui est choqué. Les yeux en larmes, tremblant à répéter que c’est de sa faute si je suis mort. Il n’a pas su m’aider quand j’en ai eu besoin. Il aurait dû s’inquiéter beaucoup plus tôt pour moi. La police ne peut cependant donner aucune explication à la scène qui s’est passée. Elle ne sait pas si j’ai été assassiné, si un animal s’en est pris à moi, ou si je me suis fait moi-même cela.
Léo dut consulter un psychologue suite à la découverte de mon corps. Il s’en voulait, à tel point que des idées noires lui ont traversé l’esprit. Pour lui tout était de sa faute, il aurait dû être présent pour moi et m’écouter. Mais c’était bien trop tard… j’étais mort.
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