Valérian s’évertua à ralentir les battements furieux de son cœur. Il tenait sa vengeance. Il devait juste rester calme encore quelques minutes. Son plan ne pouvait pas échouer. Au pire, son fils mettrait en péril une partie de son dessein, mais il avait déjà fait son deuil de ce pan de sa mission tandis qu’il s’entrainait avec cet incapable. Il chassa violemment Dorian de son esprit. Seul le moment présent importait.

Sous couvert de la nuit, il était parvenu à atteindre une entrée de la Tour Blanche. Personne ne l’avait vu, pas même le guet. Il ne put s’empêcher d’en rire. Pour avoir déjà effectué cette corvée à maintes reprises, il savait qu’aucun mage n’y mettait du zèle. Tout le monde dormirait paisiblement, jusqu’à ce que sa diversion apparaisse. Un frisson lui parcourut l’échine lorsqu’il pensa aux cris qui ne tarderaient pas à emplir les lieux.

Valérian ferma les yeux et puisa dans sa réserve d’éther. Il extirpa du fond de son cœur l’énergie nécessaire au monstre qu’il s’apprêtait à invoquer. La puissance coula de ses paumes comme une brume ténébreuse s’enfonçant profondément dans le sol. Il métamorphosa chaque caillou, chaque graine de sable, chaque poussière en tendons, en muscles et en écailles. La terre trembla par trois fois avant que son dragon ne jaillisse. Son souffle incandescent réduisit le haut de la Tour en cendres. Le réveil parfait pour ces traitres de mages, mieux que ne l’aurait fait l’alarme du guet.

Un sourire sadique aux lèvres, il pénétra dans ces murs autrefois connus. À part la cohue et la panique qui y régnait alors, rien n’avait changé. Il monta les marches jusqu’au centre de l’édifice sans être arrêté ou interrogé. Les gens autour de lui étaient bien trop occupés à affronter l’horrible créature qui venait d’apparaître et tous étaient convaincus que l’homme qui se tenait derrière le bouclier de protection entourant les lieux était l’auteur de cet enchantement. Pourvu que ce crétin ne fasse pas tout capoter. Au pire, si Dorian ne parvenait pas à contenir le sort et qu’on l’arrêtait ou même qu’on le tuait, le dragon ne disparaîtrait pas.

Valérian atteignit enfin le Puit de Mana de l’école. Les mages utilisaient, pour le moment, leurs propres ressources contre le monstre de dehors. Ils n’avaient pas encore eu recours à cette réserve inépuisable d’éther. Il sortit de sa poche une petite fiole contenant un liquide opaque. Il versa la décoction visqueuse dans le trou devant lui. La surface argentée prit soudain une teinte moirée puis noire avant de retrouver sa forme originelle.

Le plan se déroulait à merveille ! Valérian utilisa son éther pour se transporter à l’extérieur de la Tour. Un spectacle chaotique s’offrit alors à lui. Le sort de Dorian tenait bon : un immense dôme emprisonnait les habitants. Pour une fois que cet empoté servait à quelque chose ! Son dragon, insensible à la magie, batifolait dans son carnage. Les gens hurlaient comme si leurs cris pouvaient les épargner du destin funeste qui leur était dû. Le sang et les cendres gorgeaient la terre. Ce moment était grandiose.

Il était temps de passer à l’acte final ! Valérian aspira la moindre parcelle d’éther qui l’entourait, tarissant la source des mages, les poussant à prendre leurs forces dans le puit. Il utilisa le lien mental qu’il avait établi avec son fils pour lui transmettre une partie de ce qu’il venait de voler. Il était à présent impossible que le bouclier magique tombe. Il ne se dissiperait que lorsque toute vie serait éteinte.