Terribles nuits

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C’est le même cri strident qui me parvient aux oreilles chaque matin. Je sursaute toujours autant, incapable de m’y habituer. Mais ce brusque réveil ne me sort pas aussi bien du sommeil que l’on pourrait croire. Mes yeux ouverts restent lourds de fatigue, signe d’une nuit agitée. Il m’est tellement difficile de trouver le sommeil paisible dont j’ai besoin, quand je lutte contre mes peurs les plus profondes.

Dès que le soleil se couche, je me dirige vers mon lit en tentant de chasser les mauvaises idées qui prennent déjà place dans mon esprit. Je me jette sur le matelas, la tête en arrière, dans un semblant de lâcher prise. J’évite l’ordinateur, les livres, et autre distractions qui pollueraient mes rêves le reste de la nuit. Alors j’éteins la lumière et je recouvre mon corps du léger draps que je sers ensuite contre moi avant de m’endormir.

Le réveil lumineux m’indique que j’ai pu dormir moins de trente minutes. L’écho du hululement de la chouette qui me réveilla continue à vibrer dans la chambre. Ma main se dirige sans contrôle vers l’interrupteur mais je la stoppe dans son geste avant que l’ampoule s’éclaire: une fois la lumière allumée je resterais des heures à m’occuper sans aucune chance de me rendormir. Alors j’essaie de refermer les yeux.

Mais le tournoiement de questions qui me ronge empêche les doux rêves que l’on promets aux enfants de commencer. Tout est noir autour de moi sauf la timide lumière pourpre qu’émet le réveil. Le règne du silence me plonge dans le vide, le néant. Alors je fixe la led rouge jusqu’à en avoir mal aux yeux. Perdue au milieu de l’océan je me raccroche au morceau de terre que je vois à l’horizon. Je ne peux m’empêcher d’avoir la sensation de tomber infiniment dans un puit si profond que je ne touche jamais le sol. Ma respiration s’accélère jusqu’à s’arrêter, brusquement.

« Il y a quelqu’un ? » J’ai entendu un bruit venant de la cuisine quelques minutes plus tard. Des bruits de pas lourdement appuyé contre le plancher. Plongée dans l’obscurité je m’assois sur mon lit, prête à intervenir si une réponse me parvient. Mais seuls les martèlements de mon coeur contre ma poitrine résonnent à mes oreilles. Je dois tout imaginer, comme à chaque fois. Je dois me calmer. Inspirer. Expirer. Inspirer. Ex… Un coup contre la fenêtre: je sursaute. Il ne faut surtout pas que je me lève ! Il ne faut surtout pas que je réponde à toutes ces interpellations. Si il y a vraiment quelqu’un derrière la fenêtre… Non c’est impossible. Alors je reprend le contrôle et m’étale sur le lit.

À cinq heures du matin me voilà à me repasser dans la tête les plus monstrueuses scènes de films que j’ai vu. Par un classement trié inconsciemment je me les remémore de la moins pire à la plus horrifiante. Mon regard fixe les ombres des branches d’arbres projetées sur le plafond. À la manière des ombres chinoises, elles s’agitent en scènettes: là un pistolet, ici un tueur masqué et en dessous sa fragile victime. Moi. Quand je ferme les yeux je m’imagine égorgée, éventrée, sur ce lit. Mais ce n’est pas de ça que j’ai peur. Non, ma peur est bien plus profonde. Elle s’insinue dans chacune de mes paroles, dans chacun de mes gestes, chacun de mes regards. Elle se tient près de moi attendant que la Lune se lève.

Pourquoi suis-je obligée d’entendre des bruits, de voir des images inventées chaque fois que rien n’est plus là pour me distraire ?

Pourquoi ce vide me fait-il si peur ?

Je ne pourrais vous répondre, alors je continue, chaque nuit, à revivre ces morts jusqu’au hurlement du réveil à la lumière rouge qui, posé sur la table de chevet depuis le début de la nuit, découvre mon drap trempé de sang quand les rayons solaires éclairent enfin la chambre.

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