La chaumière de la vielle femme se situait à quelques pas du sentier, au milieu d'un bosquet parmi les champs de vigne. L'endroit avait davantage l'allure d'un chapeau pointu fait de pierre et de toiture que d'une chaumière à proprement parler. Lorsque Aurore y entra, elle se rendit compte à quel point cette maisonnée était différente de celle où elle vivait: elle était plus étriquée et menaçait de s'effondrer au moindre coup de vent. Pourtant, l'endroit était également plus chaleureux et mieux décoré.

Aurore, qui n'avait pas osé ouvrir la bouche durant ces quelques minutes de marche en compagnie de la vielle femme se permit de lui faire un compliment.

- J'aime beaucoup votre maison.

La vielle femme lui sourit.

- Merci, ma fille. Il est vrai que je pourrai souhaiter mieux mais à mon âge, on apprends à se contenter de peu. Et puis, j'ai tout le temps du monde pour l'aménager à ma guise désormais... Je vous en prie, asseyez-vous.

Aurore obéit et s'installa dans un des deux fauteuils autour d'une table basse. La vielle femme alluma un feu dans le poêle, puis y installa une bouilloire remplie d'eau. Tandis que l'eau se mettait à bouillir, elle s'installa auprès d'Aurore afin d'entamer la conversation.

La jeune fille ne savait pas vraiment quoi dire, elle se contentait de réponses brèves et polies, impressionnée par l'éloquence de la vielle femme. Au cours de cet échange de banalités, Aurore apprit que son nom était Edmyre, et qu'elle fut autrefois la grande amie de la femme du seigneur de Beaugard, lorsqu'elle était encore en vie.

La bouilloire se mit à siffler. Edmyre dut interrompre son histoire pour préparer le thé. Après l'avoir servi, Edmyre s'installa à nouveau auprès d'Aurore qui attendait avec grande impatience d'en savoir davantage sur ce mystérieux château. Elle sirota doucement sa boisson, délicatement parfumée aux fleurs de jasmin.

Pendant plus d'une heure, Edmyre raconta tout ce qu'elle savait sur le seigneur qui avait régné sur Beaugard et le château au milieu des bois. Le village était autrefois dirigé par Laelius Landebrune et son épouse, Nabée. Laelius avait obtenu des terres auprès du dirigeant du pays en échange de son service à l'armée. Le seigneur de Beaugard était un valeureux guerrier, bien plus efficace sur un champ de bataille qu'à la tête d'un village de vignerons. Cette condition l'humiliait plus qu'autre chose, et il lui arrivait souvent de se montrer injuste, voire cruel avec ses sujets.

Son épouse, Nabée, n'était pas issue d'une famille noble, mais sa pratique de la magie avait réussi à faire d'elle une des dames les plus convoitées du royaume. Malheureusement pour Laelius "Et surtout pour elle", ajouta Edmyre, Nabée n'arrivait pas à avoir d'enfants. Son mari se montra particulièrement dur avec elle, et cela ne fit que l'affaiblir davantage. Le seul enfant auquel elle donna naissance mourut en couche.

Edmyre but une gorgée de thé, visiblement mal à l'aise. Aurore détourna le regard. Elle n'avait pas cessé de regarder la vielle femme pendant toute la durée de son récit.

- Que s'est-il passé ensuite? se risqua-t-elle après quelques minutes de silence.

Edmyre observait la fenêtre. Aurore fit de même et eut le souffle coupé lorsqu'elle vit la couleur rougeâtre du ciel. Le soleil commençait à se coucher.

La jeune fille se leva précipitamment.

- Vous faut-il déjà me quitter, ma fille? demanda Edmyre d'une voix douce.

- Je regrette madame, fit Aurore en ouvrant la porte. J'aurais aimé discuter davantage mais... je... je dois partir.

Puis elle quitta la chaumière en courant aussi vite qu'elle le put. Le soleil avait déjà disparu de l'horizon.