Chapitre 1 : Moi, Ophélie fille de …

Il ne m’était pas facile de me fondre dans ce paysage, de passer pour une inconnue. Tout autour de moi me rappelait sans cesse que j’avais un rôle à tenir et encore plus ce jour où j’allais fêter mes vingt ans.

Comment rester indifférente à tous ces regards se posant sur moi ? Il n’y avait autour de moi que des inconnus qui finalement ignoraient tout de moi, jacassant sans cesse, bourdonnement qui heurtait mes oreilles. Enfin eux au moins savaient pourquoi j’étais présente aujourd’hui.

À ce moment-là, en avais-je moi-même conscience ? Mon cœur s’emballait devant tout ce ramdam qui ne me correspondait pas. La lune en feu annonçait le couronnement de sa nouvelle reine, et pourquoi moi devrais-je répondre à cet appel ? Rien en moi, ne me faisait apprécier cette journée, même l’amour inconsidéré de mes parents qui m’accompagnaient. Ils m’avaient rassurée en me promettant, que tout irait bien, que c’est ainsi que les dieux l’avaient annoncé.

J’étais l’élue et rien ne pourrait changer ma destinée. Pourquoi moi ? Mes parents n’étaient ni roi, ni reine, mes frères et sœurs de simples jeunes gens, heureux de voir leur grande sœur être la fille de la prophétie. Rien dans ma famille ne m’avait préparée à ce que j’allais devoir affronter.

Moi, à cet instant je n’étais qu’une jeune femme, je m’appelais Ophélie, fille de Martha et de Jarone le bien nommé. J’étais grande, avec une longue tignasse brune, des yeux vert émeraude agrémentés d’étincelles dorées. Mon corps était aussi musclé que ceux des athlètes de la garde des maîtres de nos terres brulées, ma peau brune tannée par cette lune en feu, un tatouage de Phoenix sur mon épaule. Une marque que je n'avais jamais faite, et que personne n’avait dessinée. Est-ce que c’est ce dessin qui est incrusté sur ma peau qui me désignait comme l’élue ? Je n’en savais rien. Pourquoi avais-je le pressentiment que rien, ni personne ne m’imposerait quoi que ce soit ?

Tous les regards se portaient sur moi et sur cette chappe teinte de la terre rouge de notre monde, dont on allait me revêtir et qui me semblait si lourde à porter. On voulait me toucher, pour s’assurer que j’étais réelle et pour se garantir la protection des maîtres, comme si j’avais des pouvoirs magiques. Remonter cette allée me sembla interminable, tant de monde et pourtant un sentiment de solitude m’envahit. J’aurais voulu fuir, sans me retourner, crier que je ne voulais pas de cette mission.

Ah, j’ai oublié de vous dire, c’est une reine muette qui allait prendre ses fonctions, bien étrange dans ce monde où seule la parole et la transmission de celle-ci faisait foi.