Partie 1 : Terre Brûlée Chapitre 3 :Pourquoi ont-ils fait ça?
Dans cette grande chambre, je me sens seule, au milieu de ces inconnus qui s’affairent autour de moi. Les murs qui m’entourent sont d’un jaune qui me pique les yeux. À moins que ce soient mes larmes que je ne peux contrôler depuis qu’ils m’ont arrachée aux bras de mon père. Je me souviens de sa dernière parole à mon oreille, faisant écho à mon cœur qui s’accélère. Je ne sais pas ce qui m’attend, pourtant je ne ressens aucune peur.
Une vieille femme s’approche de moi, elle s’incline, une grimace sur son visage trahit la douleur que lui procure cette révérence. Je m’avance pour l’aider, et sens que l’on me retient par le bras. D’un mouvement j’essaie de m’extraire, sans succès. Devant moi, cette pauvre femme s’écroule, provoquant la colère de mon geôlier. Des gardes la saisissent et la traînent sans ménagement. J’entends ses gémissements, moi qui une fois de plus ne peux pas crier mon indignation.
Je sens la pression sur mon bras qui se relâche, laissant une marque sur ma peau. Je me retourne et me retrouve nez à nez avec un des maîtres. Son regard bleu est glacial, il ne me quitte pas des yeux, il veut me sonder. Un frisson parcourt mon corps, et pour ne pas trahir mes pensées, je ferme mes yeux. Il me prend le menton sans aucune délicatesse, son souffle pestilentiel envahit mes narines et me donne la nausée.
Je ne veux pas, je ne peux pas le laisser faire. Quel que soit son plan, je dois garder ma liberté. Il me lance sur le lit qui se trouve derrière moi. Je prends tout à coup conscience que nous ne sommes plus que tous les deux dans la pièce. Qu’attend-il de moi ? Hors de question qu’il puisse poser encore ses mains sur moi. Je bondis du lit pour rejoindre la fenêtre encore ouverte. Et je le menace de sauter s’il fait un pas de plus dans ma direction.
Il ne me prend pas au sérieux, et continue son chemin. Je sais que ce geste désespéré va me coûter bien plus que ma virginité, il va m’emporter dans l’oubli. Je suis debout, sur le rebord, le vent soulève ma tunique blanche, lui donnant un air de montgolfière, beau vaisseau des temps passés. Je suis une funambule qui marche sur un fil invisible.
Je me sens légère telle une plume, tout me semble irréel. Ma vie vient de se terminer dans cette chute, sans un bruit.
Je me réveille en sursaut, cherchant un peu d’oxygène. Est-ce que je viens de faire un cauchemar ? Je regarde autour de moi, et réalise que je suis allongée sur un lit. Il règne un silence de mort, est-ce que je flotte au-dessus de mon corps ? Non, je suis bien vivante, en un seul morceau. Mon corps est drapé dans une robe de soie pourpre, et dans mes cheveux une couronne confectionnée avec une fleur que nous nommons bouton de lune. Elle est la seule à pousser sur notre terre brûlée.
Je ne sais plus trop quoi penser. Je m’assois au bord du lit, j'ai la tête qui tourne. Dehors, il fait nuit noire, seuls points de lumière au loin, les braseros allumés pour le couronnement. Cette étincelle me rappelle celle qui depuis toujours est posée dans mes yeux. Ni Papa ni Maman n’ont voulu m’expliquer pourquoi ? Ni la raison de la présence de mon tatouage ? À chaque fois que j’abordais le sujet, eux s’empressaient d’en changer.
Puis me reviennent en mémoire, les derniers mots du maître, avant que je fasse le grand saut : « Non ma fille, ne fais pas ça ».
Pourquoi m’ont-ils menti impunément ?
Menti à la fille qui les chérissait tant !
Chérissait ce père et cette mère indéfectiblement.
Comment pourrais-je l’accepter ?
Maintenant que mon monde s’est écroulé,
Monde qui vient de tout me voler.
Qui sont-ils pour moi, des inconnus ?
Inconnus, qui ont élevé une fille perdue.
Perdue dans l’immensité de cet univers déchu.
Où sont à présent mes vrais parents ?
Parents qui m’ont abandonnée impunément.
Impunément, moi leur enfant.
Que dois-je faire aujourd’hui ?
Aujourd’hui, que la nuit m'engloutit.
Accepter qui je suis en répondant à la prophétie.
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