Il était là, devant moi,
Chevalier à l’armure d’un roi.
Je compris tout à coup,
Que son geste fou,
Était pour me sauver de ces griffes,
Lui ce bel escogriffe.
Je ne compris pas pourquoi,
Il était prêt à se sacrifier pour moi.
Pour me permettre de me sauver,
Lui que jamais, je ne reverrais.

Tout est allé très vite, je ne suis pas sûre de me souvenir de ce qu’il s’est vraiment passé.
Il est arrivé de nulle part sur sa monture. Il avait fière allure, sous son heaume d’un autre temps. Il m'a attrapé et sur son cheval ailé, aux armoiries de notre terre sacrée, il m’emporte loin de cet autel qui me tendait les bras.

Je voudrais voir les yeux qui sont cachés derrière ce casque, entrapercevoir l’homme qu’il est. Autour de nous, les cris fusent, des appels au loin se font plus discrets. Nous voyageons au-dessus de cette foule, qui peu de temps avant, voulait me proclamer reine. Je me sens si légère, acceptant de le suivre, alors que je ne le connais pas.

Il me serre dans ses bras, son torse plaqué contre mon dos, je sens son souffle dans mon cou. Les battements de mon cœur s’apaisent, il a su, en un bref instant, m’offrir tant de douceur. Aucun mot ne sort de sa bouche, et pourtant il me semble l’entendre me dire qu’il m’offre ma liberté. Les écuyers se mettent en chasse, ils ne veulent pas me laisser filer. Et lui, il ne pense qu’à me sauver, pourtant il est l’un des leurs.

Les flèches fusent de part et d’autre, sans ne jamais atteindre leur cible. Ils veulent juste m’effrayer, ils ne peuvent pas tuer leur reine. Si seulement j’étais en train de rêver, que j’allais me réveiller. Et pourtant, tout est bien réel. Le vent vient se coller (coller la sueur) sur mes joues, leur apportant un peu de fraîcheur. Tout à coup, il stoppe sa route, et me fait descendre du cheval. Sommes-nous arrivés à la fin de notre histoire ? L’avions-nous vraiment commencée ?

Alors, délicatement il lève la visière qui cache son visage. Il a les traits fins, la peau légèrement tannée par les embruns de notre terre, et ses deux grands yeux bleu azur envahissent mon âme. Il me prend les mains, plongeant son regard dans le mien. Et, délicatement approche ses lèvres des miennes, déposant un baiser qui dans mon cœur restera gravé à jamais. Il ne m’a rien dit. Dans ma main, il glisse un petit coffre avec un parchemin et, autour de mon cou, un magnifique pendentif, avec une clé sertie de deux lunes sur le côté.

Il donne un petit coup sur les fesses du cheval ailé, qui m’emporte au loin. Je n’ose me retourner, de peur de le voir se sacrifier pour moi. Le ciel devant moi s’éclaire, et me laisse apercevoir une route différente de celle que l’on m’avait tracée. Le cheval semble savoir quel chemin, il doit suivre. Les bruits ont disparu, les flèches aussi. Mes mains, sur la crinière solidement rivée, ont cessé de trembler. Ma vie vient de basculer, mon destin est loin de ces contrées qui m’ont vu naître et que j’abandonne sans regrets.