2.5 - Le ciel

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Le vent me fouette les joues, me file entre les doigts et gonfle les jambes de mon short trop large. Hormis les courants d’air, rien ne s’oppose à ma chute. J’ouvre les yeux, mais le souffle infernal de ce ciel sans fond me torpille les rétines, la lumière du jour m’éblouit. Je dois prendre sur moi pour rouvrir les paupières, affronter les éléments qui se déchaînent ici-haut et le vide qui me happe.

Je tombe. Inexorablement et à vitesse grand V. Transperçant les nuages qui, à mon grand damn, n'ont rien de moelleux matelas prompts à amortir ma chute vertigineuse.

Me voilà, spectre déchu. Serais-je morte ce jour-là ? Ne suis-je plus qu'un fantôme qui traverse les murs ? Qui, sa mystérieuse quête accomplie, dégringole du firmament ? Me voilà, en route pour l'autre côté ; le revers du monde.

Pourtant je me souviens de la lutte infernale contre la faim qui m'a contrainte, de mon instinct de survie brutalement réveillé, du pénible désir qui depuis me tiraille. Le désir d'exister. Non, je ne suis pas morte, ni ce jour-là, ni aujourd'hui. Il n'y a qu'une seule raison pour laquelle je n'ai jamais cessé de tomber, toujours plus bas, jusqu'à me précipiter dans le vide de mon plein gré : pour mieux remonter la pente. Je hurle de toutes mes tripes, soudain regain de vigueur qui se mue aussitôt en effroi, lorsque de sous les nuages se dévoile une clairière et que le sol, dès lors, menace mon petit corps aspiré par le vide.

Sous le dictât d'un réflexe ridicule, je clos les paupières pour annihiler l'existence de la terre, ferme et dure, qui promet de me broyer les os. J'attends le choc, celui que j’espérais il y a encore quelques mois. Mais le choc ne vient pas. À l’inverse, une masse douce et velue se glisse tout contre moi, surgie de sous mes reins, puis contre ma poitrine. D'instinct, j'agrippe la fourrure qui file entre mes doigts et fléchis les genoux autour du tronc soyeux qui a stoppé ma chute. Alors, seulement, j'ose un regard méfiant sur l'épais duvet brun.

Impossible !

Cramponnée à la toison qui recouvre le long thorax, j'admire ébahie les larges ailes orangées qui brassent le vent de part et d'autre. À l'avant, les bourrasques balayent les longues antennes du papillon. L'exact même insecte qu'il y a une heure à peine je prenais pour modèle d'une peinture impulsive. Comment expliquer qu'il ait désormais l'envergure d'un albatros ? Tandis que je me creuse pour résoudre ce mystère, un phénomène inouï étouffe ma réflexion. Dans un battement fougueux, les écailles colorées du papillon s'embrasent.

Qu'importe le coin auquel j'ai dû me cogner la tête ! Le spectacle est trop beau pour que je perde mon temps à m'expliquer les causes du délire qui m'atteint. Aujourd'hui, Valda Olsen chevauche une monture volante ; un gigantesque lépidoptère aux ailes incandescentes. Cela vaut bien tous les traumas crâniens !

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