Compter sur ses doigts
Cette rubrique est pour l'instant en formation, c'est une improvisation ; je décide en cours de route de comment je l'agence. Et je crois intéressant de citer les réponses que j'ai lues.
J'aimerais donc commencer par citer Vis9vies : << Quand on se met à compter ses amis, c'est qu'on n'en a plus ^^ >>. Peut-on vraiment compter ses amis sur ses doigts ? Il est à noter que cela peut signifier deux choses, en fonction de la méthode de comptage. En effet la première basique consiste à dénombrer ses doigts, et donc finalement à associer un doigt à chaque ami : tandis que celles qui utilisent les doigts comme des instruments pour dénoter des nombres, de façon plus abstraite, ne peuvent plus associer leurs amis qu'à ces nombres en question. Laquelle est la plus juste, la plus généreuse ? d'un côté ce pas vers l'abstraction sonne comme sortant les amis de l'univers qu'ils partagent avec nous pour ne faire plus d'eux que des nombres, or, comme le dit le héros de la série The Prisonner : << I am not a number, I'm a free man >> (https://www.youtube.com/watch?v=nW-bFGzNMXw), alors qu'avec le principe d'un doigt pour un ami, on avait toute la symbolique de la main dont partent les doigts, séparés mais unis, et travaillant de concert, qui résonne avec l'incroyable roman de Murakami que je lis en ce moment, L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, ou avec la symbolique du triangle dans Mountains May Depart ; de l'autre, en plongeant dans l'abstraction, on sort très explicitement de l'analogie directe, et on invite à comprendre que ce dénombrement n'est qu'un abord de la réalité, rien d'autre. Il y aurait plein de choses d'autres à dire, mais arrêtons-nous là.
Passons aux méthodes que j'ai moi-même trouvées. Je vous donne les résultats qu'elles permettent : 10, 20, (éventuellement d'autres multiples de 10), 35, 100. Quant à la dernière, encore plus puissante, je ne vous en spoile pas directement le résultat qui pourra vous surprendre.
La méthode la plus naturelle est d'apparier directement les objets dénombrés et les dénombrants (ex historique : une pierre pour chaque chose), en quelque sorte d'utiliser une base 1, si on peut dire. On a 10 doigts, on peut compter sur ses doigts. En fait, ce serait la seule interprétation possible si j'avais écrit : "On a autant d'amis qu'on peut compter de doigts". Mais j'ai dit "sur". D'où leur utilisation subtile comme des instruments à l'instar d'une calculatrice. J'y viens.
Il convient d'abord d'aller jusqu'au bout de cette méthode. On peut avec elle dépasser la limite de plusieurs manières. La première consiste à utiliser les doigts de pied. Problème toutefois : nous ne sommes pas des singes, nous manions ces derniers très mal, or une méthode de comptage doit être pratique, c'est l'objectif (il s'agit d'avoir l'instrument à portée de mains). Il y a plein de variantes, comme c'est raconté dans Alex au pays des chiffres (le livre est chez moi, or je suis en vacances ; j'ajouterai peut-être quelque chose en rentrant ; j'ai aussi pensé à citer les Règles pour la direction de l'esprit de Descartes) : on peut ainsi multiplier les points spéciaux du corps, et certains peuples sont allés jusqu'à soixante et quelques si ma mémoire est bonne ! Ajoutons aussi que, cela va de soi, on peut déjà aller jusqu'à 12 si on est atteint de polydactylie (j'ai trouvé ce soir le mot dans le livre cité de Murakami, curieuse coïncidence ; d'autant que dans le train, j'ai vu un enfant s'exercer à compter, en utilisant ses doigts). Comme le signale en effet Gueguette : << Tout dépend combien on a de doigts! >>. Pour finir, dans ce même livre, les personnages, en pleine discussion, se demandent s'il n'y a pas eu parallèlement un passage mathématique de la base 12 à la base 10 et un passage génético-phénotypique (la distinction entre en jeu, puisque comme l'observent les personnages, la polydactylie est dominante génétiquement - c'est-à-dire que l'allèle est dominant -, mais plutôt désavantageuse phénotypiquement - trop de doigts à manier (c'est le cas de le dire) pour un seul individu). Mais je crois que vous n'avez pas les bases (https://www.youtube.com/watch?v=2bjk26RwjyU).
Avant d'y venir (retourner à la base), j'aimerais évoquer quelques autres méthodes encore. D'abord, je propose, pour dépasser 10 avec seulement les 10 doigts de la main, deux astuces. La première consiste à compter de droite à gauche, puis de gauche à droite, ou l'inverse. Vérifiez, et vous verrez qu'il n'y a pas de doublons, sauf pour 20 et 10 malheureusement : en ce sens on peut considérer que ça va plutôt jusqu'à 19. La seconde consiste à retourner ses mains. En combinant les deux, on peut aller jusqu'à 40 (ou 38). Là-dessus, on peut, au nom du bon sens, dire que celui qui compte sur ses doigts est quand même pas un imbécile (encore qu'on associe parfois l'idiot à celui qui compte encore sur ses doigts), et qu'il est capable de faire la différence entre la première série et la seconde, donc de ne pas mélanger 10 et 20. À ce compte-là, on peut aussi ne pas se prendre la tête et carrément compter jusqu'à 10 et recommencer encore et encore jusqu'à épuisement. C'est ainsi que j'ai compris le commentaire de Kindaichi pour qui on peut compter jusqu'à l'infini sur ses doigts. Cependant, comme je lui ai observé : ce n'est pas si assuré, la mémoire est faillible, or justement c'est pour aider celle-ci qu'on compte sur ses doigts, de sorte que c'est en somme aller contre son esprit que de tout retenir ainsi ; et que si l'on note quelque part les paquets de 10, c'est peut-être au fond ça, la méthode, plus que l'usage des doigts ; ou en tout cas c'est une méthode mixte : peut-on alors encore parler de "compter sur ses doigts" ?
Enfin, il y a une bonne méthode que j'ai créée moi-même à partir d'une découverte faite au cours d'un voyage en Chine. La guide nous avait appris à compter en chinois : on avait découvert d'une part qu'on comptait jusqu'à 10 avec une seule main, les nombres de 6 à 10 se faisant avec des figures spécifiques vite acquises, d'autre part le problème de la ressemblance entre 2 et 8 qu'elle avait présentée avec une anecdote (un touriste qui l'ignorait et qui commandait pour lui et sa femme avait signifié 2 avec ses doigts, et la vendeuse qui parlait mal anglais avait compris 8). Je vous enverrai des images pour vous montrer. De cette manière, on compte jusqu'à 100 avec deux mains (ou même, petite nuance qui va prendre son importance, jusqu'à 110, ou jusqu'à 120). Il suffit d'utiliser la main gauche pour les dizaines (ou onzaines, j'y viens !), la droite pour les unités, ou l'inverse. Signalons anecdotiquement (mais sans en nier l'importance, bien sûr), avec Vis9vies, un autre système chinois, qui va jusqu'à 10 000 000 000, c'est-à-dire 10 puissance 10 (j'y viens), en déterminant 10 points sur chaque doigt. Je ferai des recherches plus tard.
Dizaines, onzaines, unités : voilà qui nous amène aux bases ! Notre système usuel est en base 10 ou décimale : nous découpons les nombres en unités (1), dizaines (10), centaines (100), milliers (1000) etc., c'est-à-dire en puissances de 10 (10 puissance 0 vaut 1, puissance 1 10, 2 100, etc. : la hauteur de la base donne le nombre de zéros). La base 12 ou duodécimale a autrefois été utilisée, et nous en gardons des traces dans le décompte horaire qui se fait en 12 heures, 60 (12x5 ; mais je crois qu'on a aussi déjà utilisé la base 60 en tant que telle ; il faut dire que l'humanité balbutiante a parfois utilisé des bases mixtes, comme celle super compliquée qu'employaient les Romains, ou en un sens celle qu'on retrouve dans notre décompte monétaire - super idée d'énigme, maintenant que j'y pense ! c'est la prochaine !) minutes, 60 secondes. On a aussi des traces d'une base vingt dans notre el famoso quatre-vingts, une espèce de folklore national (national parce qu'on emploie beaucoup octante en dehors). Basique. Simple. C'est bon, vous avez les bases ?
(laissons de côté mon idée d'un nouveau jeu de mots avec la chimie --> "basique"...)
Bon, venons-en au 35. Pour mettre à profit les bases sans avoir à réaliser de figures chinoises (qui donnent l'impression de ne plus "compter sur ses doigts" stricto sensu), il faut utiliser une base plus modeste que la décimale (en effet avec 10 doigts, on peut au mieux compter jusqu'à 19 en base 10 : saurez-vous trouver comment ? il suffit d'appliquer ce qui est dit dans le présent texte, à vrai dire.). Le réflexe est de tout simplement utiliser la base 5 : on a 5 doigts d'un côté, 5 de l'autre. C'est l'idée qu'a eue Vis9vies. J'ai dit un peu vite que j'allais signaler son erreur, parce qu'elle (? je crois ?) m'a provoqué en disant : << Tu n'es pas très mathématicien ? ^^ >>, parce que j'avais dit que je n'étais pas sûr de bien comprendre. Le point, c'est qu'avec sa méthode, si on va jusqu'au bout, on peut compter en fait jusqu'à 35 ! Parce qu'avec 5 doigts, 5 éléments, c'est (jusqu')en base 6 qu'on peut compter ! Eh oui, n'oubliez pas le zéro ! Vous avez : 0 doigt, 1 doigt, 2...5 doigts. Ca fait 6 unités. C'est pour la même raison qu'avec ma méthode "chinoise", je pourrais compter en fait jusqu'à 110 (de fait), ou 120 (mais...). Vous devriez vite voir le problème : ok, mais c'est pas du tout instinctif de compter en base 6 ou 11 ! En effet. Pour la base 11, c'est clair. Pour la base 6, ça peut un peu se discuter. Car d'une part la base 5 n'est pas exactement la base 10 (même si c'est un diviseur alors on peut très facilement s'adapter), d'autre part la base 6 est une excellente base. Vous êtes-vous déjà demandés pourquoi il y avait des astuces pour déterminer si un nombre est divisible par 3, 5, 11...et pas par 7 ou 13 par exemple ? pourquoi la partie décimale des premiers était beaucoup plus simple que celle des seconds ? C'est que 9 (et donc son diviseur 3), 10 (et donc ses diviseurs 2 et 5) et 11 entourent la base (le nombre 10), et il est facile de démontrer mathématiquement les propriétés inhérentes à B (pour Base), B - 1, B + 1, et leurs diviseurs. Or donc, les nombres premiers favorisés par la base décimale sont 2, 3, 5 et 11. Ok : peut-on faire mieux ? La base duodécimale se contente d'améliorer le sort du 3 (B est plus simple que B - 1) et de remplacer 11 par 13. On a un peu tendance à exagérer les vertus de la base duodécimale : pour moi c'est du kif-kif bourrico, d'autant qu'on y observe un gâchis de 2 (12 est un multiple de 4 et non 2, ce qui est inutile). Mais il y a une base sans aucun gâchis, et logiquement c'est la seule (en excluant la binaire) : c'est précisément la base 6. Elle favorise les nombres premiers 2, 3, 5 et 7 (6 = 3x2 : les plus favorisés sont les deux premiers !), sans aucun doublon. Et vous observerez qu'elle favorise les 4 premiers nombres premiers ! franchement, on peut dire que c'est un travail de pro ! d'autant que ça veut dire que les nombres premiers sans règles sont tous supérieurs à la base (au contraire de 10 qui souffre le 7). On parle pas mal de la base binaire et de la duodécimale, mais la 6 (l'hexa...je ne sais pas), on en parle ? :) La seule qui peut honnêtement la concurrencer quant au critère évoqué, ce serait la base 21, qui élimine 2 (encore qu'en B - 1 ou B + 1, ce qui est pas super classe quand même, encore que ce soit rigolo), 3, 5 (B - 1), 7 (3x7) et 11 (22). Mais ça reste une trop grosse base, et avec un peu de gâchis.
Vous inquiétez pas si vous captez pas tout. Passons à la méthode ultime de la mort qui tue. En se servant des bases (c'est bon ? vous avez les bases ?), et en ayant droit exclusivement à l'information : tel doigt est abaissé ou relevé, jusqu'à combien peut-on aller ? quelle méthode naturelle permet de le mettre en pratique (attention, j'ai essayé, ça fait mal aux doigts quand même ; idéalement faut être un pianiste, faut être également habile de tous ses doigts) ? Je vous laisse avec cette question. Elle ne devrait pas poser de problème aux esprits mathématiciens (encore qu'étonnamment, mon père n'a toujours pas trouvé ! mais il est sans doute occupé par autre chose). Ecrivez la réponse en commentaire, comme pour la question originelle. Et ça fera moins du centuple du nombre de mots de l'énoncé, de peu ! (2298 mots)
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