La sauveuse de l'univers
Il y a longtemps, bien longtemps, notre monde n’était pas celui que l’on connait aujourd’hui. Une déesse bienfaisante avait créé l’espace de l’univers et y avait jardiné la cosmologie. Elle avait planté des rangés d’étoiles, creusé un puits de trou noir et répandu des protéines élémentaires en guise d’engrais de vie. Elle avait regardé avec attention les planètes se former puis s’animer de toutes sortes d’organismes. Elle appréciait vaquer de l’une à l’autre pour mieux observer l’immensité de leurs différences. Ici, il n’y avait que des bactéries ultra-résistantes ; là des organismes gigantesques qui prenaient des bains dans leur soleil, là-bas des créatures à l’intelligence hors du commun.
Tout se passait pour le mieux lorsqu’un jour, son jardin se fissura. C’était comme un tremblement de terre où le sol s’écartait pour laisser place à un gouffre béant. Mais au-delà des crevasses de l’univers, il n’y avait que le désespoir. Il coula à l’intérieur de l’univers et dans son sillage, s’infiltrèrent toutes les calamités : la mort, le mal, les maladies, le néant.
La déesse, ne comprenant pas ce qu’étaient toutes ces choses, les observa entrer dans son parc. Puis, lorsqu’elle vit la vague atteindre la première galaxie et ne laisser que de la roche exsangue et stérile, elle prit peur. Elle se dépêcha d’aller dans sa cuisine, de mélanger différents poisons de différentes planètes, puis répandit cette mixture sur la langue maléfique. Au lieu de la stopper, cela ne fit que la renforcer ! Elle eut quelques soubresauts puis gonfla d’un coup, emportant sur son passage quelques nouvelles planètes.
La déesse tenta quelques nouvelles potions mais sans succès. Au mieux, il n’y avait aucun effet ; au pire, elle condamnait des vies supplémentaires. Alors, elle se décida à aller chercher de l’aide sur les planètes encore sauves. Personne ne fut à même de l’aider. Elle désespérait davantage. Puis un jour, sur la troisième planète d’un monde insignifiant, une créature prit la parole :
« Moi, Madame la déesse, je pense que je peux faire quelque chose.
— Toi, petite créature ? Que penses-tu faire ? Et qui es-tu donc ?
— Je suis une araignée. Et je pense que je peux améliorer la situation si vous m’emmenez là où se trouvent les fissures. »
Sans attendre davantage, la déesse la prit dans le creux de sa main et se dépêcha de trouver l’épicentre du sinistre. Des failles coulaient toujours davantage de désespoir, de mal, de mort, de maladies et de néant. C’était une coulée sans fin.
« Rapprochez-moi ! »
La déesse tendit la main et l’araignée sauta sur la toile de l’univers. Elle commença à tisser son fil puis à suturer les plaies du cosmos. Petit à petit, les fêlures se refermèrent et finalement, la vague stoppa.
« Voilà, dit-elle, j’ai stoppé l’invasion.
— C’est formidable, petite araignée. Mais toute cette masse de désolation a déjà pénétré dans l’univers. Comment l’arrêter ?
— J’ai peut-être une idée. Chez moi, il existe des insectes qui aspirent tout et n’importe quoi. Faites-en apparaître et ordonnez-leur de sucer la coulée.
– Ainsi soit-il. »
Et la déesse, suivant les conseils de l’araignée, créa des milliards et des milliards de moustiques. Ces derniers se jetèrent sur la masse de désespoir, de mort, de maladies et de néant. Tous plantèrent leur trompe dedans et la pompèrent. Petit à petit, la masse diminua, jusqu’à disparaître.
« Et maintenant ? demanda la déesse
— Il suffit de les rassembler quelque part à jamais. »
L’araignée fabriqua alors un grand filet, capable d’emprisonner tous les moustiques, et les jeta sur eux. Mais une maille du filet céda et un nuage d’insectes s’échappa dans le cosmos avant que l’araignée ne puisse réparer la nasse.
« Oh Moi ! Il faut les rattraper !
— Je m’en charge ! Occupez-vous des autres ! » dit l’araignée en courant à leur poursuite.
Mais jamais l’araignée ne put courir assez vite, jamais elle ne put sauter assez haut. Alors, patiemment, elle s’installa dans tous les recoins de l’univers et fabriqua des pièges, des milliards et des milliards de pièges. Elle attendit que les moustiques tombent dedans. Mais les moustiques avaient entretemps continué leur vie de moustique. En piquant les animaux sains, ils transmirent les maladies, le mal, la mort, le désespoir à leurs victimes et au reste de l’univers qui avait été jusque là épargné.
C’est pour cela qu’il ne faut pas craindre les araignées qui nous protègent des séquelles de la coulée. Il faut les garder en vie, dans les bois, dans les recoins, dans les parcs et dans nos maisons afin qu’elles poursuivent la quête de leur illustre ancêtre, jusqu’à ce que la paix et la sérénité reviennent dans le cosmos.
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