chapitre 4-2
Johanna indiqua le nom des binômes qui mèneraient les enquêtes. Je fus surpris d’apprendre qu’elle m’avait choisi comme partenaire. D’autant plus que je n’étais pas en très grande forme.
Les jours suivants, il y eut pas mal d’allé et venue. On m’accommoda sur un matelas dans un recoin de galerie un peu à part, le temps que je me requinque. Au bout de quelques jours, j’accompagne Johana pour son enquête. Sa froideur, ces remarques acerbes incessantes à mon égard, ces critiques qui ne laissaient rien passer ne me surprirent pas, mais je ne m’expliquais pas son choix de me prendre comme partenaire. J’en vins à me dire que son attitude n’était peut-être qu’un jeu de paraitre. Cela me suffit pour m’en accommoder. Le contexte était suffisamment professionnel et urgent pour se consacrer à son travail sans porter trop d’attention au reste.
Nous enquêtions sur la disparition de Mario, le grand maitre de l’ordre intermédiant, l’ordre auquel appartenait Johanna. Nous visitâmes sa maison, son bureau et sa maison secondaire pour trouver des indices. Nous nous interrogeâmes ses collègues de bureau de son entreprise de couverture, des membres de sa famille et certains de ses amis. Personne ne put nous donner la moindre information intéressante. La seule chose que nous apprîmes avec certitude fut la date de disparition, deux jours avant que l’ange sombre nous donne l’ordre de notre dernière mission. Deux jours avant que je déclenche le Sonateur pour répandre les ondes de protection.
L’enquête tomba ainsi rapidement au point mort. Et les nouvelles que nous avions des autres équipes n’étaient pas meilleures. Les dignitaires de nos ordres avaient disparu pour la plupart autour des mêmes dates, et n’avaient laissé aucune trace.
Ce fut le hasard qui déclencha un nouveau rebondissement. J’avais convaincu Johanna qu’il fallait contacter un ami à moi qui travaillait dans la police. Johanna était toujours réticente à une quelconque relation avec les autorités, toujours la même crainte d’être découvert. Elle fut juste rassurée par le fait que mon ami travaillait à la préfecture, n’avait pas de relations avec les enquêtes de terrain, et était en relation avec l’une de nos religions, la plus eschatologique de toute, l’église fondamentaliste de l’apocalypse. Il s’agissait de la branche secrète d’une secte répertoriée comme intégriste et dangereuse par les autorités.
J’espérais obtenir de sa part la localisation actuelle ou récente du téléphone portable du dignitaire sur lequel nous enquêtions. Mais son poste à la préfecture ne lui permettait pas d’avoir accès à ce genre d’informations. Alors que notre conversation allait tourner court, il parut se surprendre d’un détail que je venais de lui révéler fortuitement.
— Il s’agit donc d’une série de disparitions qui ont toutes eu lieu au début du mois dernier ? C’est étrange, car je suis justement mêlé à une autre enquête sur la disparition de l’un de nos membres la même semaine.
— Un policier de la préfecture ? s’assura Johanna.
— Non, un membre de l’église fondamentaliste de l’apocalypse, rectifia-t-il à voie basse.
— Cela peut nous intéresser, vous avez trouvé quelque chose ? s’enquit Johanna.
— Pas vraiment, mais nous sommes sur une piste, répondit-il en baissant encore le ton. Il se trouve que le jour de sa disparition un autre de nos membres l’a vu monter dans une voiture, comme poussé par deux inconnus à l’accoutrement suspect. Il a pris une photo de la plaque d’immatriculation. Il s’agissait d’une voiture de location, qui avait été loué sur Internet à l’aide d’un téléphone portable. Un de nos membres expert en informatique a pu tracer ce téléphone, car l’adresse donnée par le client de la location n’existait pas. En ce moment même, une équipe de membres de la secte se prépare à se rendre où se trouve ce téléphone portable.
Johanna et moi sautâmes sur l’occasion et en moins de deux nous rejoignîmes le groupe. Comme la plupart des membres de cette petite secte extrémiste, aucun d’entre eux ne savait que leur religion appartenait à une organisation mondiale bien plus importante. Ils ne pouvaient donc pas comprendre qui nous étions, et il fallut inventer rapidement un stratagème et quelques mensonges pour expliquer notre présence. Les six membres qui composaient l’équipe me parurent bien trop jeunes pour les circonstances. Durant le trajet dans le fourgon où nous les accompagnons, ils ajustèrent des gilets pare-balles et vérifièrent leurs armes de poings automatiques de gros calibre. Je les sentais trop fébriles pour s’adapter aux conséquences qui risquaient de se produire. Ils paraissaient se préparer à une opération de police ou militaire, mais nullement à affronter les forces du haut-mal. Après en avoir demandé l’autorisation à Johanna, je contactai ceux qui pourraient être des renforts en cas de besoin. Pour la puissance de combat, Gilgamesh, un guerrier d’Ishtar, et pour l’ambiance de protection, l’une de mes plus vieilles amies, Anna, une sorcière de la forêt de la Double. Depuis Coutras, cette dernière pourrait nous rejoindre en moins d’une heure en voiture. Gilgamesh se trouvait quant à lui au nord des Landes, vers Belin Beliets, mais je préférais de loin la protection d’Anna à la puissance destructrice de l’un des plus grands guerriers d’Ishtar. Non seulement elle avait plus de discernement que lui, mais les forces que nous risquions d’avoir à affronter utiliseraient certainement davantage la magie plutôt que l’épée.
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