CHAPITRE 11
Coucou ! Voici le retour de Molkov :) Vous l'avez sans doute remarquer, le rythme de publication est devenu un peu plus chaotique qu'avant. J'ai décidé de publier à mon rythme les textes originaux désormais. Il se trouve que l'expérience du rythme s'est conclu par un fiasco avec Macédoine, et le stress derrière n'est pas bon du tout pour ma santé assez fragile du fait de mon hyperactivité et tout ça. Donc je ralentis les publications du dimanche à un rythme plus tranquille :)
CHAPITRE 11
Retrouver la ville fit du bien à Molkov. Pour les fêtes de Balgröm, tous les paladins avaient été autorisés à regagner la surface pour festoyer avec les autres. Les rues de l'étage militaire étaient pleines à craquer. Puisque ces derniers n'avaient pas le droit de quitter les lieux, les familles les rejoignaient par centaines. En tout cas, c'était vrai pour les hommes. Les femmes restaient elles confinées même par temps de fête. Tout du moins pour celles toujours présentes, pensa amèrement le vieillard.
De grands buffets avaient été dressés dans chaque rue et les nains se servaient à la pelle. Des rires gras résonnaient partout, jeunes et vieillards se prêtaient volontiers au jeu des danses traditionnelles et des brasiers en l'honneur de leur dieu s'élevait un peu partout et illuminaient la citadelle. Molkov n'avait jamais eu de famille parmi les soldats et se sentaient fort seul. Il aurait dû se trouver au dernier étage où l'on se racontait des histoires terrifiantes au coin du feu tout en respectant le sommeil des minaors qui reprenaient le travail à l'aube.
Dagorn resta quelques temps avec lui avant de s'éclipser dès qu'il reconnut des guerriers de son unité. Molkov resta un instant à les regarder s'embrasser et se serrer dans les bras avant de s'éloigner pour lui laisser un peu d'intimité. Il arpenta les rues, nostalgique, l'air ailleurs. Le sentiment de ne plus appartenir à cette société s'ancrait de plus en plus en lui. Non pas que ce ne fut pas déjà le cas avant, mais aujourd'hui, plus rien ne le retenait ici. Pas même la mana, pas même Magda.
Ces fêtes étaient superficielles, le monde se forçait à tourner rond par peur de regarder au-dessus de son épaule et y voir tous les désastres laissés dans son sillage. Les sourires forcés, l'alcool jusqu'à ne plus rien sentir ne trompaient pas : le peuple nain se trouvait dans l'euphorie de la chute. L'atterrissage serait violent et mortel, personne ne s'en relèverait. Quand il n'y aurait plus de naines, qu'adviendrait-il des nains ? Les bouts de ferrailles accumulés et les prodiges technologiques ne pourraient pas leur sauver la vie. Dans quelques générations, il ne resterait rien que des souvenirs et des cadavres.
Un nain se laissa tomber sur le banc où il s'était posé, qui poussa une plainte de douleur. Son nouveau compagnon empestait la bière et il mastiquait bruyamment un de ces vers de terre géant de la taille d'un petit chien. Gêné, Molkov osa un regard vers lui et reconnut son instructeur. Les parties métalliques étaient tâchées d'alcool, tandis que la partie humaine continuait de manger comme si de rien n'était.
— Jolie fête de fin d'monde, pas vrai l'vieillard ? Prêt à faire l'grand saut dans l'au-d'là ? Vu t'tronche et t'projet, c'est pour bientôt. Qu'est-c'qui pousse un vieux schnök comme toi à aller se trucider dans l'vaste monde et pas boire d'bière pour tenter d'l'oublier ?
Il mâcha et un morceau de cerveau de ver tomba sur le pantalon du vieux nain. Il repoussa le déchet du bout de l'ongle avant de regarder l'horizon.
— J'ai vécu toute ma vie dans cette montagne, et j'ai perdu les dernières choses qui m'attachaient ici. Je veux sauver Mara, bien sûr, mais aussi changer d'air, voir d'autres choses. Comme vous le dites, je n'ai plus de temps à perdre.
— J'avais un pote comme toi. Un vrai gaillard bien musclé, pas trop moche ni pourrave au combat. Il a foutu ses deux panards dehors, il a crevé parce qu'un rocher lui est tombé sur l'caillasse. Les quat'fers en l'air, une vraie purée. Il a rien vu v'nir. On a dû décoller s'carcasse du sol avec des balayettes. Il aurait mieux fait d'rester dans l'montagne. Personne survit dans l'grand monde. R'garde ce qu'il m'a fait l'grand monde, ajouta-t-il en pointant son visage. Ton projet, c'est d'la merde. T'vas crever comme une merde et on pourra même pas récupérer ta carcasse si tu t'fais buter trop loin. Donc n'prends pas ta décision à la légère. Si c'est pas l'bêtes sauvages, ce sera l'plantes, les hommes, les orques. Tout veut t'mort. Tout.
Il lui tendit la tête du ver, Molkov refusa d'un geste poli. Il haussa les épaules et mordit dedans. Le vieux nain contempla le nouveau venu. De grandes cicatrices joignaient parts robotiques et parts humaine, certaines encore sanglantes signes que ses opérations n'étaient pas encore terminées. La couleur de sa peau n'était pas uniforme, certains morceaux paraissaient avoir été ajoutés comme un pull de laine rafistolé. Ce nain devait souffrir le martyr et il n'en montrait pas un signe.
— Je peux vous demander ce qu'il vous est arrivé ? hasarda Molkov.
— Les croisades, répondit-il en haussant les épaules. C'était une autre époque. Les orques étaient à nos portes et ils pouvaient pas s'permettre de perdre des hommes. J'me suis mangé une poutre dans l'thorax et des trolls ont tenté d'me bouffer. Y restait plus rien, mais ils ont quand même voulu m'rafistoler. Des m'ceaux de machabée à droite, de m'ceaux de métal à gauche, fallait que je sois debout l'plus rapidement possible. J'ai été décoré pour ça. Service rendu à la citadelle soit disant. Et puis ils se sont barrés et ils m'ont laissé m'démerder. J'tais pas stable, j'savais pas comment m'faire accepter ailleurs et j'avais pas d'barbe, du coup tous les péquenauds m'prenaient pour un déserteur. L'jour qu'j'en ai eu marre, j'ai été voir l'paladins de Balgröm. Ils se sont foutus de ma gueule, j'ai niqué l'tronche de leur chef et il y a pu un qui a bronché. D'puis, j'suis leur instructeur. Va faire bientôt cent cycles.
— Cent cycles ? s'étonna le nain.
— J'les fais pas, hein ? rit-il. C'est l'métal et l'carcasses ça. Comme j'pourris au fur et à mesure, sont obligés de m'refiler des m'ceaux de morts pour éviter les trous. Quand ça d'vient trop vert et qu'ça pue, ça dégage et on en r'colle un. J'ai fini par m'y habituer. Mais j't'avoue que ça a pas masse succès avec les filles. J'ai même pas l'droit d'm'approcher d'la zone blanche, à cause des microbes des parties en train de crever.
Le vieux nain le regarda avec un mélange de dégoût et de fascination. Que restait-il vraiment du premier nain dans cet amas de chair et de métal vivant ? Si tous les soldats des croisades avaient subi le même sort, il était finalement logique qu'il en reste si peu. La plupart étaient devenu fous après l'arrêt des combats, d'autres s'étaient ôtés la vie par incapacité de se réadapter à la société. Les croisades avaient créé des monstres et il en avait un sous les yeux. Il était fort heureux de ne pas trop avoir connu cette époque. Il n'aurait pu supporter de vivre de cette façon.
Le nain but sa bière à grande gorgées et émit un rot sonore. Il se tourna vers Molkov.
— Et toi, l'ancêtre ? T'as une gonzesse ?
— J'en avais une, oui. Elle est partie il y a quelques semaines.
— Ah. L'virus ?
— Comme tant d'autres.
— Elle était aussi déprimée qu'toi ? Parce que, mon vieux, t'respires pas l'joie de vivre. Bois une bière et pète un coup, ça te détendras.
Le nain ne répondit pas et centra son attention sur le paysage. Son camarade avait repris la mastication de son immonde dîner.
— T'inquiète pas l'vieillard. J'vais t'apprendre c'que j'peux. J'te garantis pas qu't'arriveras au bout, mais au moins, t'auras essayé.
Il lui donna une grande claque dans le dos et s'éloigna pour invectiver des jeunes en train de vomir leurs bières sur la chaussée. Molkov n'était pas sûr de le trouver sympathique, mais son aide serait précieuse. A quelques jours du départ, n'importe quel secours était bienvenue, aussi étrange soit-il.
Annotations
Versions