16 février 2359, 11h09 – Paris.

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Tous les mêmes, sont toujours en retard !

J’étais arrivée avec trente minutes d’avance, pourquoi ? Les toubibs ne prennent jamais leur patients en avance. Sans doute le stress.

— Mademoiselle Bernacier ?

Je me levais avec la grâce d’une veuve éplorée accompagnée de la boule au ventre. Après un check-up complet fait avec des machines spéciales, le pneumologue alla s’asseoir à son bureau :

— Vous êtes essoufflée dans la vie de tous les jours ?

— Un peu mais sans plus.

A bien y réfléchir, il était vrai que de temps en temps j’avais comme l’impression qu’un sumo s’asseyait sur ma poitrine – mais pas plus de cinq secondes et c’était rare …

— Mon collègue vous a dit combien ?

— Moins d’un an pourquoi ?

— J’ai bien peur qu’il faille revoir cette estimation à la baisse.

— Combien ?

— Neuf mois ...

— Mais il doit s’agir d’une erreur, je me sent bien ! dis-je comme pour me rassurer.

— Vous êtes l’un des rares cas à être touchés aussi jeune et, désolé, mais vos poumons vont se dégrader progressivement et de plus en plus rapidement. D’habitude les patients atteints d’emphysème pulmonaire ont environ quarante ans.

Une fois assise, le spécialiste m’expliqua que rien n’était joué, il allait me prescrire des bronchodilatateurs. Il me fallait une greffe :

— Excusez-moi, j’ai déjà vaguement entendu parlé de greffes mais en clair, c’est quoi ?

— En simplifié, une greffe c’est le fait d’échanger des organes malades contre des sains, dans votre cas ce sont les poumons.

— Et vous allez les trouver où ?

— C’est là le hic, les gens de votre âge – en bonne santé j’entends – donnent rarement leurs organes, il devança ma question, par je ne sais quelle lubie ils veulent être entier dans leur cercueil. Le spécialiste s’emporta légèrement sur la fin de sa phrase ; et pour ce qui est des imprimantes 3D, elles ne sont plus autorisées depuis les accidents survenus en deux mille deux cent quatre-vingt-quatre, suite à des contrefaçons.

— Donc si je résume bien, vous m’annoncez qu’il me reste moins de neuf mois à vivre mais qu’en plus j’ai très peu de chance de m’en sortir …

— Peu oui, mais vos chances ne sont pas nulles mademoiselle Bernacier ! Réfléchissez, si vous avez un donneur, vous pourrez vivre toute votre vie avec un traitement anti-rejet certes, mais vous vivrez !

— Où est-ce que je signe ? Si infime soit-elle j’avais une chance que je ne comptais pas laisser filer.


L’entretien terminé, je sortais avec une pile de feuilles m’expliquant ce qu’était une greffe, un traitement immunosuppresseur, un rejet, un rejet chronique ainsi que ce que je devais et pouvais faire avant et après la greffe – même si, bien entendu, le docteur Lamard m’avait déjà expliqué tout cela.

Rentrée chez moi, je fis un compte-rendu à J-X qui me conseilla d’appeler mon équipe, ce que je fis. Je n’eus pas le droit de venir travailler cet après-midi. Je passais tout de même avant d’aller à la banque, je n’avais jamais été douée pour les adieux, ce qui me laissait une trentaine de minutes.

Ils eurent tous une réaction différente. Celle de Jack fut de me souhaiter un bon voyage. Il parlait du tour du monde ou d’autre chose ? Amélie fut la plus émotive des trois et me tomba en larmes dans les bras, tant est si bien que ce fut à moi de la réconforter. Luigi, quand à lui, me pris pour une étreinte et me dit avec une pointe de tristesse dans la voix :

— T’as intérêt de donner des nouvelles tu m’entends ?

— C’est promis Luigi, lui sourit-je.


Ce furent certainement mes adieux les plus difficiles. Quand ils prirent fin, je me dirigeai vers l’une des stations du Carol’.

C’est pas comme si j’avais le temps. Lorsque je pris l’ascenseur pour accéder à l’arrêt du car, je ne pu m’empêcher de ressentir de la nostalgie en regardant ma rue et quand je fus installée de verser une larme. Dire que je vais quitter tout ça …

Au bout de sept arrêts, je sortis du transport volant pour reprendre un ascenseur et atterrir dans l’avenue de Arthur De la Couille-de-Bert, un grand créateur de cyborg mort lors d’un courtcircuit. Cette allée était connue pour le business que les hommes d’affaires et autres font grâce aux entreprises qui y sont implantées. Ma banque se trouvait en face de l’arrêt. Je n’aimais pas cette rue, elle était peuplée de requins.

J’y entrais pour voir mon conseiller me faire son éternel sourire de faux-semblant.

— Entrez mademoiselle, entrez !

Je le regardais me présenter une porte, je le voyais venir gros comme un building, son but : me faire changer d’avis. Les banquiers n’aimaient pas faire la conversation des Pates en P.P., ils méprisaient plus que tout les Pays Pauvres. Je m’asseyais face à lui.

— Je ne vais pas vous mentir, vous êtes une très bonne cliente et … cela nous embêterai beaucoup que vous …

— Que je … ?

— Et bien que vous convertissiez autant de Pates.

— Je comprend bien mais j’ai un projet qui va nécessiter une grosse somme de P.P. et je ne pense pas revenir tous les quatre matins faire la conversion.

— Allons, vous n’allez tout de même pas convertir la moitié de votre compte.

— Et pourquoi pas ?

— C’est ridicule !

— Stop ! Je vous ai envoyé un mail hier vous disant ce que j’attendais de vous ! Je ne suis pas venue discuter de mon choix ; donc, maintenant, si vous ne voulez pas, je vais voir votre supérieur ! fis-je en me levant.

— Non non ! Attendez ! Je vais chercher la tablette …

La conversion bancaire signée, je repartis vers le chemin de la maison. En faisant le point de ma journée, je repense à la puce que Monsieur Rippier m’avait injectée, ce médicament fonctionnait drôlement bien. Je me sentais en pleine forme pour une personne qui allait mourir dans huit mois !

Une fois rentrée, je sourit à mon cyborg en sentant la bonne odeur :

— Ça sent rudement bon ! Qu’est-ce que tu m’as préparé ?

— Une soupe, me dit-il avant d’énumérer les fruits et légumes qu’il avait pelé et mixé.

— Et ben, tu t’es pas ennuyé !

Il répondit en secouant la tête puis je lui racontais mon entretien autour du repas que je fus la seule à manger dut au fait que son organisme ne tolérait que l’huile. Le repas finit, j’allais dans ma chambre me déshabiller et me glisser sous le drap.

— J-X … Tu peux t’occuper de la paperasse liée à l’appartement et préparer mes bagages s’il te plaît ? Il répondit positivement tandis que je virais la pile d’oreillers pour n’en garder qu’un avant de murmurer : ensuite tu me laisseras et iras faire une belle mise à jour J-X, tu y as bien droit après toutes ces années de bons et loyaux services.

J’entendis un flot d’insultes anglaises et, sachant qu’il ne pouvait désobéir, je m’endormis dessus.

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