An 2118 d'une autre ère.

Njall arpente les rues de Manhattan, la végétation a presque tout envahi. La cité, phare de l'Ancien Monde, ressemble à s'y méprendre à la description faite à la fin du XIXe siècle par Ernest Doudart, des ruines d'Angkor. Tout est désolation, la ville grouille d'insectes, rares créatures ayant pu survivre au terrible choc que la terre a subi il y a déjà 20 ans. Par miracle, il a été épargné, ainsi que Ivar son frère et Xéna sa petite amie.

Tout en marchant, il ramasse les insectes qui l’intéressent, c'est la principale source de protéines disponible depuis que Zoroastre, la météorite géante s'est écrasée sur notre planète. Cette sphère aux dimensions phénoménales a frappé de plein fouet l'Ouganda situé sur la ligne d'équateur, pulvérisant le continent africain. L'effet mécanique ne pouvait être plus dévastateur, il a propagé uniformément un souffle exterminateur sur la totalité du globe. L'onde de choc a déployé un épais nuage de poussière, interdisant à l'astre solaire de diffuser ses rayons bienfaiteurs. L'humanité et l'essentiel de la faune ont presque disparu. Les arbres ont été déracinés, seuls quelques petits rongeurs, les insectes, les mousses, les lichens et quelques herbes sauvages ont résisté à la catastrophe. Njall avait 19 ans à l'époque, il en a plus de 35. Xéna a le même âge et son jeune frère, deux ans de moins. Quand le nuage de poussière a tout recouvert, ils étaient tous trois protégés par le creuset naturel que forme le grand canyon du Colorado. Ce jour-là, leur séance de rafting les a sans doute sauvés. Ils ont pu se réfugier à l’intérieur d'une caverne, à flanc de falaise, et survivre grâce au fleuve fournissant l'eau et les poissons nécessaires. Ils sont restés terrés durant plus de six mois, le temps que le nuage s’estompe lentement et leur permette de respirer.

Sont-ils les seuls humains survivants ? Probablement pas, mais ils n'ont jamais vu l'un de leurs semblables depuis l’avènement.

Leur quotidien est immuable, ils marchent vers l'est, progressant d'à peine quelques centaines de mètres par jour à la recherche de l'un des leurs. Aujourd'hui, Xéna et Ivar sont restés à l'abri dans l'une des rares maisons dont les murs n'ont pas été rasés par le souffle de la collision. Ils ont enfin atteint New York, ou plutôt ce qu'il en reste. Les gratte-ciels, symboles de la puissance de la mégapole, n’existent plus. Ils ont laissé la place à d’innombrables dunes de gravas, d'où émergent des lambeaux de carcasses métalliques calcinés. Étrangement, le socle de la statue de la liberté se dresse toujours au milieu de cet amas de ruines. Quant à la statue, elle est renversée, désarticulée, presque totalement immergée sous les eaux glaciales de la baie d'Hudson. Seul le bas de sa robe demeure à l'air libre, il est relié au reste de la structure par la trame de son armature qui n'a pas été sectionnée. On pourrait croire qu'elle a plongé dans le port pour ne pas voir l'étendue du désastre.

Soudain Njall se déconnecte de ses pensées du moment, ses sens sont en alerte, il pressent un danger imminent. Faisant confiance à son instinct, il s'accroupit entre les murs presque effondrés de ce qui à l'origine devait être une ruelle, puis il se meut très lentement retournant dans la direction d'où il est arrivé. Il doit retrouver ses amis et se mettre en sécurité. Un sifflement attire son attention, il s’aplatit sur le sol. Un rayon dirigé vers lui pulvérise le pan de mur situé derrière lui. Njall se redresse et court aussi vite qu'il le peut pour échapper à la menace. Il a juste le temps d'identifier l'agresseur, il s'agit d'un être fait de métal et de verre.

C'est un robot qui l'a attaqué !