Lecture du chapitre IX
Au sein de l'abondante production épistolaire de la délicieuse Fanny Odezère [douze volumes in-quarto, reliés peau de lapin], que j'ai pris l'habitude de lire le soir, accompagné d'une camomille, une phrase m'a fait hier sursauter. J'ai alors repris une gorgée de mon apaisante infusion pour calmer un début de tachycardie, puis copié-collé ici même l'étrange déclaration. Elle écrit en effet, chapitre IX :
Tel un marin vous lancez au loin vos filets
en espérant trouver la perle
qui vous fera définitivement chavirer.
Alors là, je dis stop.
De quel filet parle-t-on ? De chalut pélagique à panneaux ? De chalut bœuf pélagique ? De chalut bœuf de fond ? De filet trémail ? De filet maillant calé ? Au vu du règlement (UE) 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 modifié, relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune, que penser de la taille d'une perle susceptible de faire chavirer un bateau ? Et ne pensez surtout pas au calibre de l'huître, votre santé mentale est en jeu.
La suite de l'ouvrage est du même tonneau (de rhum, on est dans la marine). Voyez plutôt :
D’ailleurs, je suis certaine qu’une sirène
se languit quelque part
au rythme des clapotis.
J'avoue : la lecture de cette strophe a été initialement quelque peu gâchée par le manque de lumière de ma salle de lecture, qui m'a conduit à déchiffrer fautivement : "une sardine se languit [...] au rythme du clafoutis", fort désagréable évocation, la sardine à l'huile se mariant mal à l'acidité de la cerise, et encore plus si l'on fait passer le tout d'une gorgée de rhum.
Ayant terminé la bouteille (vous n'aviez quand même pas cru à cette histoire de camomille ?), j'ai trouvé ensuite l'image foutrement belle, et j'ai laissé mon esprit divaguer (et dix vagues, c'est beaucoup, mais les avis divergent, surtout pour une sirène), laissant remonter à la surface La Harangue du Matelot Maltais, telle que la rapporte Herman Melville (New York 1819 - New York 1891) dans Moby Dick :
"[...] Si toutes les vagues étaient des femmes, j’aimerais bien m’y noyer et danser avec elles à tout jamais ! Rien de meilleur que ces œillées brûlantes sur les poitrines enflammées, ivres, sensuelles, quand le fuseau des bras levés laisse entrevoir les grappes mûres, gonflées à éclater, qu’ils cachaient."
Enfin, ne nous enflammons pas trop. Comme le rappelait William Shakespeare (vous vous moquez bien de savoir où et quand il est né et mort, avouez), "Qui meurt cette année en est quitte pour l'an prochain".
C'est bien là la cruelle morale du chapitre IX des Secrets Épistolaires de Fanny Odezère (là, je vous sens curieux, mais c'est non ! on ne demande pas son âge à une femme) : Tout ce beau monde finira poisson pané, yeux dans les coins, au service de sa majesté Cap'tain Igloo.
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