Parc et fous rires

4 minutes de lecture

Cassandre et moi avions marché en silence jusqu'au parc. Ça faisait bizarre d'être à nouveaux toute les deux.
Là-bas, on avait rejoint les autres élèves de Sainte-Marie des oiseaux. Ils discutaient en petits groupes, en mangeant bonbons et sodas achetés au Carrefour d'en face. Comme tous les vendredis soir, le parc était empli de cris et de hurlements. Les mamans poussaient leur poussette plus loin, nous jetant des regards noirs.
Cassandre s'avança vers un petit groupe. Ne sachant pas où aller, je la suivis.

— Cassandre ! s'exclama Agathe en apercevant mon ancienne amie.

Légèrement gênée, je passai une main dans ma frange rideau et croisai les bras sur mon gros sweat.

— Oh, salut Lise ! rajouta la fille.

— Tu veux des bonbons ? me proposa une autre.

Je la remercia d'un sourire en plongeant la main dans le sachet. Du réglisse. J'adorais la réglisse.
Les filles continuèrent tranquillement leur discussion. Elles parlaient de la soirée de Victor, dans une quinzaine de jour. Je ne faisais pas très attention et pensais au Butterfly boy, le garçon de la bibliothèque. Le fait qu'il ne m'ait pas donné son nom me rendait affreusement curieuse.

— Et toi, Lise, me demanda gentiment Cassandre. Tu vas porter quoi ?

Sa voix me ramena brutalement à la réalité.

— Hum, je ne viens pas.

— Oh, s'exclama une petite brune d'un ton dépité. Je croyais qu'il invitait tout le monde...

Les filles avaient toutes l'air réellement désolées pour moi. Peut-être que cela aurait dû me faire plaisir. Pourtant, leur mine d'empathie ne me mettait qu'encore plus mal à l'aise.

— Victor m'a invité, je repris. Mais je ne viens pas. J'ai beaucoup à faire chez moi et je n'aime pas vraiment les soirées.

C'était vrai. Je devais faire des cookies et regarder un film avec ma mère et Achille, blottis dans mes bras. Et je n'aimais plus les soirées. Au début, j'avais essayé de continuer à me rendre à certaine d'entre elles, mais j'avais vite compris que plus tôt je couperais les ponts, plus tôt je me reconstruirai. Je devais apprendre à m'aimer moi, et seulement moi. Personne ne serait toujours là pour moi. Si les bleus avaient disparu, j'avais quand même l'impression d'être désormais marquée au fer rouge. Victime.

Victime, dépendante de son agresseur.
Je ne voulais pas le revoir. Je voulais avancer, être capable de me rendre à cette soirée.

Tu ne voudrais pas y aller avec nous ? me proposa Agathe.

Elles étaient pleines de bonnes intentions.
Je croyais pouvoir renouer les liens avec Cassandre. Mais il était trop tôt, je n'étais toujours pas prête.

Je lui lançai un regard désolé.

— Il faut que j'y aille. C'était sympa, merci.

Ça l'était vraiment. Je me dirigeai vers la sortie du parc, zigzaguant entre les groupes d'élèves bruyants. Je sentais les regards de Cassandre et ses amies sur moi. Elles devaient me trouver étrange désormais. Encore une fois, j'avais lâchement repoussé l'aide des autres.

Adossée contre un mur, j'entendais encore quelques cris assourdis par la distance. Je ne pouvais pas rentrer chez moi, j'avais envoyé un message à ma mère disant que j'allais au parc. Ça lui avait fait plaisir.
Je resterai là encore peu, comme cela, elle penserait que je m'amusais bien. Ce que j'aurais dû faire.

Je lâchai un soupir en sortant mon téléphone. Je vérifiais mon compte Instagram, regardant les story des autres. J'avais toujours trouvé ce concept assez étrange : c'était comme si tu invitais les autres à t'espionner.
Je ne dis pas que je n'utilisais jamais Instagram. Mais j'étais assez fière d'avoir résisté à la tentation de poster une photo pour que d'autres la voient. Qu'ils se disent que j'avais de la chance de voyager, de manger de si bonnes choses...
Je ne postais une photo que si elle me plaisait réellement et que je me retrouvais dedans. Si j'étais fière d'avoir réussi à capturer un oiseau en plein vol ou si je trouvais ces fleurs magnifiques.

Je sursaute au son de ma sonnerie, et mon téléphone me glisse presque des mains.

Butterfly boy

Que me voulait-il encore ? Je décrochai, ce n'était pas comme si j'avais autre chose à faire.

— Salut Lise ! Ça va ?

Sa voix était chaleureuse et enjouée.

— Très bien et toi, Butterfly ?

— Hum ?

Butterfly boy n'avait pas l'air de comprendre son petit surnom.

— Rien, laisse tomber.

- OK. Je voulais juste te dire... je m'appelle Timothée.

Il avait l'air un peu gêné. Je souris malgré moi.

— Timothée, je répétai doucement. Alors, pourquoi t'es-tu enfin décidé à me donner ton nom ?

Il lâcha un petit rire. Je l'imaginais assis sur son lit, le téléphone à la main, souriant dans le vide.

— Tu vas trouver ça débile...

Je démentais ardemment.

— Quand on s'est vu chez la psychologue, continuât-il timidement, j'avais envie de te parler un peu plus... Mais je me suis dit que tu ne te donnerais surement pas la peine de me rappeler si je ne cultivais pas un peu de mystère.

Je m'efforçai de me contenir un instant. Pendant quelques secondes, aucun de nous ne parla, il attendait ma réaction. Des fous rires silencieux me secouaient le corps. Ne pouvant plus tenir devant cette tentative d'approche ridicule, je m'écroulai de rire.

— Tu vois ! s'écria Timothée d'une voix faussement vexée.

Un vieillard passa devant moi et s'écarta. Je devais avoir l'air d'une folle, écroulée ainsi contre le mur. Mais je n'en avais que faire, ça faisait vraiment du bien de rire autant.

— Pas... Pas du tout, j'essayai d'articuler à travers mes éclats de rire. Mais tu comprends...

Je ne pouvais plus continuer, il fallait que je reprenne mon souffle. Les larmes aux yeux et un grand sourire aux lèvres, je m'efforçais de respirer.

Après cela, la conversation était devenue un petit peu plus sérieuse. J'appris qu'il était au lycée Martin Luther King, pas loin d'ici.
Ca n'avait pas été désagréable de parler avec Timothée. On rigolait, se moquant chacun de l'autre pour rire. Je ne regrettais pas d'avoir décrochée, même s'il pouvait être un peu agaçant.

J'avais attrapé le premier bus et rentrais chez moi.

— Bon, je lui avais dit une fois devant ma maison. Il faut que je te laisse.

— OK. On... On se rappelle demain ?

Annotations

Vous aimez lire Moony B ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0