Singulier exercice auquel j’ai dû m’atteler pour mon roman « Cadet, souviens-toi ! ».

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Écrire une scène de sexe. Singulier exercice auquel j’ai dû m’atteler pour mon roman « Cadet, souviens-toi ! ». Pas évident, je vous avoue. Après tout, le sexe est un sentiment personnel et coucher ces états d’âme sur papier peut être assez…euh…délicat

Mais, bref. A bas les tabous et libérons la parole ou, dans mon cas, ma plume !

Métaphores, euphémismes, évocations, érotisme délicat ou descriptions crues, écrire une scène de sexe, est-ce embarrassant ? La sexualité revêt une dimension mystérieuse, impénétrable, si je peux dire. Chaque écrivain l’approche pour atteindre une forme de perfection littéraire, sensorielle et psychologique. Mais le gadin n'est jamais loin. Et la question n’est pas seulement de se libérer des tabous, ou d’oublier sa pudeur mais de traduire un sentiment, des sensations ressenties ou imaginées, célestes, crues ou sublimées, uniques mais partageables et compréhensibles par tous.

Quand j’ai élaboré les relations amoureuses de Pierre, je me suis demandé si les scènes de sexe seraient indispensables ?

Et je me suis dit : C’est une scène comme une autre mais comme tout autre scène, elle doit servir l’intrigue, servir le roman, servir les intentions. En décrivant une dimension des personnages, en révélant leurs relations, elle crée ou enrichit le nœud d’intrigue. Et puis j’ose le dire, évoquer, créer un désir et un plaisir chez le lecteur en agissant sur une forme de libido, c’est jouissif ! Mais une scène intime doit faire avancer le récit. Une scène érotique est un moyen d’esquisser un univers : circonstances, pratiques d’un milieu, surprise ou trahison. Elle doit enseigner un type de relations dans un couple. Est-ce une première fois ? une relation brutale ? un fantasme à peine ébauché, un aboutissement évident ? une vengeance sociale ?

Un homme peut être une brute grossière. Ses manœuvres au lit sont le reflet d'un versant de sa personnalité, tout comme la délicatesse d’un homme sensuel peut enchanter son aimé(e) et traduire son sens de la protection, sa galanterie et la finesse de ses attentions. Et vice-versa. Mais attention cette scène doit aussi exciter, et c’est là que toute la virtuosité, la sonorité, la volupté des mots se place. Un peu, pas trop…

Je me suis donc lancé dans l’écriture de scènes érotiques en trouvant le juste équilibre entre excitation et performance littéraire. Exercice grisant, exaltant !

Bon, balançons les vieux clichés : J’aime l’érotisme pas la pornographie. “L’érotisme, c’est la pornographie, sans la pesanteur.” disait José Artur. Une main qui effleure une robe de soirée en soie moirée est une promesse alléchante, un souffle au creux d’une gorge offerte est un gage de sensualité, Des fesses caressées avec timidité ouvrent un champ des possibles… Par contre une description explicite façon "boucher" est rarement troublante. Alors ou est le juste milieu ? Me demanderez-vous. Et bien, celui qui laisse en suspens, pantois le lecteur, qui fascine, qui excite, qui suggère un monde aux limites incertaines ou tout devient sexe, qui va à la limite, un peu au-delà de ce que le lecteur pourrait juger convenable.

Chacun a sa propre ligne rouge en tant qu’auteur, beaucoup moins en tant que lecteur. Et c’est là où le balancier est subtil. Trop ou trop peu, à vous de juger ! Quoiqu’il en soit, la juste dose parait toujours un peu trop raisonnable…

Pour moi écrire sur le sexe, c’est aussi gênant que d’être surpris en train de faire l’amour, mais j’y trouve aussi un plaisir d'exhibitionnisme provocateur. Car il faut bien l'avouer, l’on écrit majoritairement sur l’amour qu’à partir de ses propres exploits, car un fantasme écrit sent le fantasme à plein nez ! "La réputation et la retenue sont un obstacle puissant dans la vie d’écrivain. " m’avait dit une amie, cependant, pour écrire des scènes érotiques, il fallait que je tombe le masque et oublie toute pudeur. Pourquoi ? pour être vrai, tout simplement.

C’est à ce moment que les mots doivent se fondre avec la tonalité des personnages, le vocabulaire est essentiel pour créer une bonne scène érotique. Un marquis ne peut utiliser les expressions d’un tôlier dès qu’il est allongé. On ne placera pas des réflexions philosophiques précieuses sur les premiers émois dans la bouche d’un giton. La réciproque pour les femmes est vraie aussi bien sûr. En évitant les répétitions, les digressions inutiles, en faisant bon usage de métaphores simples et parlantes, de synonymes qui renouvellent les images et les émotions, je fais varier les plaisirs… La sexualité humaine est mystérieuse et infinie. Mais ma propre sexualité fut le point de départ référent. Je me suis remémoré mes expériences, mes audaces… J’ai écrit les mots qui ont fait de ces instants un moment rare. Emotions, sentiments, sensations, détails … la sexualité est aussi mentale. Mais la scène érotique est avant tout une scène d’action, c’est un moment ou le lecteur ne doit plus pouvoir lâcher son livre. Le rythme est haletant ou tout en retenue tendu. Qui prend l’initiative ? Qui s’offre ? Qui prend ? Quelle a été l'occasion, le glissement ? qui parle ? Quelles sont les expressions, les images ? qui demande grâce ? Les cinq sens sont évidemment sollicités et explorés, sublimés, imagés. Les gestes déclencheurs de désir doivent être sentis et (il vaut mieux sans doute) vécus. J'ai joué sur l'attente et la non satisfaction immédiate ; ils sont un moteur du désir, le plaisir n’est qu’une fin, Les effets littéraires n’en sont que plus subtils. Je me suis appliqué à rendre mes personnages désirables, désirables entre eux, mais aussi pour vous lecteur(ice). Car s’il y a un jeu de miroir entre l’auteur, ses personnages et le lecteur… C’est bien dans une scène érotique. J’ai pris soin de travailler les introductions, les mises en situation. Prendre le temps, car ces scènes racontent aussi autre chose, un monde esquissé de volupté, de sensualité, de stupre, d'ambitions, d’audace, de domination et pourquoi pas de vices… Les préliminaires sont pour moi extrêmement érotiques mais aussi littéraires.

Certains lecteurs penseront que j’ai décrit mes désirs, mes tentations ou même ma propre vie sexuelle… C’est sans doute, l’art de copier le réel. Car après tout, comment décrire si bien une pratique sexuelle si on n’en a pas fait soi-même l’expérience ? Mais après tout, le mystère plane car un bon écrivain est un bon illusionniste. C’est bien le travail d’auteur que de faire croire que tout est vrai. De même, que je décris une ville comme si j’y avais vraiment été, une scène de sexe réussie est vraisemblable et visuelle. Comme toutes les scènes, elle est là pour provoquer une émotion, que vous visualisiez les protagonistes, ressentiez les émotions et l’excitation. Par conséquent, une scène de sexe réussie, c’est une scène qui émoustille. De même qu’une scène de bataille doit provoquer la peur, le stress, l’angoisse ou la révolte, la scène érotique appelle au désir, à la sensualité, au plaisir.

Bref, une scène érotique réussie, c’est une scène qui donne chaud au lecteur !

Et j’ai eu le plaisir de recevoir des messages de quelques lecteurs et lectrices me remerciant de leur avoir fait passer un très bon moment ! Avec un certain enthousiasme, ils écrivent que les scènes leur ont fait beaucoup d’effet !

C’est gênant et il faut assumer ce que ma plume provoque chez l’autre.

En conclusion, pour pouvoir écrire une scène érotique réussie, j’ai accepté que certains lecteurs aient cette image de moi.

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