Bilan d'une existence
Des fois j’y pense. Au dernier passage. Au néant.
Et l’idée de fin me ramène toujours au début.
Aux générations de paysans, aux siècles de misère, qui m’ont permis de voir le jour.
À ce gamin joufflu, aujourd’hui enseveli sous les années
Aux rires, aux disputes, aux cabanes dans les bois.
À ce bonheur qui n’est accessible qu’aux enfants. Celui qu’on ne vit qu’une fois.
À mes 10 ans, à la fin de l’enfance
À ce lugubre pensionnat catholique, à ces semaines interminables sous les tristes arcades des cloitres silencieux
Au collège, au bon Dieu, aux curés, et à leurs fausses promesses .
Aux humiliations, aux injustices,
Aux premiers vrais amis, ceux qui sont restés.
Aux premières amours frustrées, aux premiers désirs comblés, aux premières angoisses de chopper le HIV
À celle avec qui je suis resté et aux magnifiques enfants qu’elle m’a donnés
À celle qui a fini par me jeter et aux magnifiques enfants qui sont restés
À toutes ces années perdues à travailler, au temps que je n’ai pas pris pour exister, aimer et respirer,
Au temps qui m’a rongé, comme il m’a échappé
Au bitume auquel j’ai, jusqu’ici, échappé
À la solidarité, à la sincérité, à la lucidité
À tous ces bouts de vie éparpillés, tous ces espoirs déçus
À tout ça...
Des fois j’y pense
Mais des fois j’y pense plus,
À travers les carreaux, il pleut, ou il fait beau,
Et, au fond, c’est bien comme ça.
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