La femme de Loth
« La femme de Loth regarda en arrière et fut changée en statue de sel. »
La femme de Loth n’a pas de nom. Elle est juste la femme de Loth, la mère des filles de Loth.
La femme de Loth est cohorte. Elle est ces femmes en multitude dont les jours ne sont pas des jours. Seulement des gestes répétés à l’infini jusqu’à diluer le temps, abolir l’égrènement des heures, les assujettir au geste suivant.
La femme de Loth ne court plus après son âme. Elle l’a laissé glisser dans la ronde infernale des regards qui frôlent, des corps qui chavirent, des rires repus qui congédient. Alors, machinale, elle farde ses yeux, tourne et se déhanche.
La femme de Loth s’est assise, invisible, apaisée, tandis que la foule poursuit ses jeux orgiaques. Elle respire la chaleur de l’enfant, délicatement esquisse d’une caresse le contour de son corps. Et renoue en secret avec son âme.
La femme de Loth marche. Elle met ses pas dans les pas de Loth qui court vers un ailleurs improbable. Elle va comme une ombre. Loin devant, il l’a oubliée dans sa course éperdue, apeurée.
La femme de Loth s’immobilise tanguant entre ce demain sans contour et cet hier doux comme le souvenir d’un rire d’enfant. Hésitant sans fin entre ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore, la femme de Loth est à jamais le sel du jour présent.
A toutes les « femmes de Loth » qui gardent nos enfances,
qui hantent nos banlieues comme nos villages
et les colorent de toutes les teintes de l’amour.
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