5. Un verre brisé
Le lendemain, je me réveille encore avec cette odeur de café et de pain chaud. Érick prend soin de le faire chaque matin depuis trois jours, mais à chaque fois cela me plonge dans la nostalgie. Je nous revois le matin de mon anniversaire, tu m’avais fait des crêpes et de la confiture maison. Tu avais ramené le plateau dans le lit et tu t’étais blotti tout contre moi, gloussant comme à ton habitude en m’embrassant et me mordillant le cou. Comme à chaque fois, ce genre de câlins finissaient sous la couette, et les crêpes, je les avais mangées froides tout comme le café.
Je sors de mes souvenirs par un bruit de verre qui éclate au sol et des jurons dans une langue allemande. Je me lève et sors juste en caleçon pour voir ce qui vient de se passer. Érick a fait tomber un verre et s’est entaillé la main avec un morceau. Je retourne dans ma chambre et me rhabille rapidement, enfilant des chaussures pour ne pas marcher sur le verre en cas où. J’arrive dans le salon et je le vois s’enrouler un torchon autour de la main en grimaçant.
— Bah alors, tu as les mains qui bâillent ?
— Ouais, et comme un con, j’ai voulu le rattraper au vol, grogne-t-il agacé.
— Fais-moi voir, j’ai vu une trousse de secours dans la salle de bains.
Je me dirige vers celle-ci pour attraper la petite trousse rouge et revenir dans le salon. Me plaçant face à Érick, je lui attrape la main sans vraiment lui laisser le choix. Je regarde la plaie pas très profonde, mais assez pour saigner beaucoup. Je prends le désinfectant et m’attelle à ma tâche de lui soigner sa blessure, concentré, je finis alors par lui faire un bandage et le tour est joué. En relevant les yeux vers lui, je remarque qu’il me regarde intensément, ses yeux verts me troublent légèrement, mais je ne le laisse pas paraître. Tu avais parfois le même regard quand je prenais soin de toi.
— Faut pas laisser ce genre de blessure pas soignée, y’a plus les urgences, c’est un coup à faire une infection.
— Tu m’as sauvé la vie alors, sourit-il niaisement.
J’explose de rire et me détourne de son regard, lui se met à glousser. Je sors un balai pour ramasser le verre sur le sol, avant qu’on ne s’assoie à table pour prendre notre petit déjeuner. Sauf que je suis encore troublé, son regard est encore dans mon esprit. Pourquoi il m’a regardé comme ça ? Je peux comprendre que le fait qu’on soit les deux seuls survivants, qu’il puisse avoir des pulsions sexuelles, mais ce regard n’était absolument pas mué par ça.
— On retourne en ville aujourd’hui ?
— On pourrait justement aller dans les pharmacies, voir s’il n’y a pas des antibiotiques, tu m’as fait flipper avec ton histoire d’infection, m’avoue-t-il.
J’explose de rire, manquant de m’étouffer avec ma crêpe. Ce matin je ne fais que ça, rire, c’est un peu mon moyen de ne pas me laisser submerger par mes pensées. Une fois le petit déj’ avalé, nous descendons dans les rues à la recherche d’une pharmacie. On tombe sur une devanture fermée par un rideau en fer, je me frotte la tête en soupirant.
— Tu veux qu’on rentre là-dedans comment ?
— Hum…
Il regarde autour de lui avant de se diriger vers un gros SUV abandonné au milieu de la route, il grimpe dedans et le démarre au quart de tour. Il ne fait pas dans la dentelle et fonce dans la devanture, explosant le rideau de fer, ainsi que toutes les vitres, et recule ,ce qui termine de tout arracher. Moi, sur le côté, les bras croisés sur ma poitrine, je regarde la scène en souriant, Érick bondit du véhicule avec un grand sourire de vainqueur.
— Quel brute, balancé-je.
— Quoi ? C’est un cas de force majeure ! Ma vie est en jeu, dit-il d’un ton dramatique.
Je glousse en rentrant dans la pharmacie, suivi du blond, et commence à regarder dans les rayons ce qui pourrait être vraiment utile. Érick va directement dans l’arrière-boutique pour aller chercher des antibiotiques, il a vraiment flippéquand je lui ai parlé d’infection. Je tombe sur des antidouleurs, je prends quelques boîtes que je mets dans mon sac à dos, de la crème anti-inflammatoire et des pastilles pour la gorge. Mon compagnon de route sort de l’arrière-boutique avec son sésame, regardant lui aussi dans les rayons.
— Tu as pris des capotes ? demande-t-il innocemment.
J’étais juste devant quand il a sorti sa vanne, j’attrape une boîte et la lui balance à travers la boutique, ce qui le fait râler.
— Y’a pas ma taille, y’a pas de trois XL, laché-je en grognant.
— Ah merde ! S’il n’y a pas ta taille, il y a encore moins la mienne, glousse-t-il.
— Tu n’en auras pas besoin avec ta poupée gonflable, elle est clean, elle a fait ses tests cette semaine.
Il arrive vers moi et enfonce son poing dans mon épaule en ricanant, regarde le rayon et chope le lubrifiant, avant de me l’agiter sous le nez, un sourire à la con sur la face. Je lâche alors un soupir d’un autre monde. Soit je rentre dans son jeu avec ironie, soit je le rembarre, ou… peut-être que si je lui fais du rentre-dedans il finira par lâcher l’affaire.
— Tu n’en as pas besoin avec ta poupée gonflable, insisté-je. Sauf si tu veux t’enfoncer un truc dans le cul en même temps.
Je lui fais alors le même genre de sourire qu’il a, avec une pointe un peu plus sadique. Il va voire le puceau, je vais le mettre tellement mal à l’aise qu’il ne saura plus où se mettre.
— Non, c’est pour pas que tu aies mal quand je te plaquerai contre le mur, me répond-il un sourire sadique aux lèvres.
— Parce que tu crois que c’est toi qui me plaqueras contre le mur ? C’est plutôt toi qui devras l’utiliser pour ne pas avoir mal à tes petites fesses de vierge effarouchée.
Je m’approche alors de lui en souriant encore plus sadiquement, venant près de lui très près. Je plisse légèrement les yeux, lui et moi faisons la même taille, je le regarde bien droit dans les yeux, me mordillant la lèvre inférieure.
— Ça te dit un plan à trois avec ta poupée gonflable ?
Il devient rouge et inspire profondément, je le vois loucher sur ma bouche. Sa respiration devient saccadée et ses iris se mettent à vibrer, ses yeux verts se plantent dans les miens ; le trouble que j’ai eu ce matin revient. Je n’ai pas penséqu’il réagirait comme ça, je lui fais clairement de l’effet, et lui… m’en fait tout autant. Il n’y a pas de sentiments, il n’y a rien d’émotionnel dans ce qui s’échange silencieusement entre nous, juste un désir physique un peu trop intense.
Cela fait cinq ans que je n’ai pas senti un corps contre le mien, un peu de chaleur contre ma peau, un peu de tendresse. Ton souvenir me vrille l’estomac, mais là… J’en ai besoin, j’ai besoin de ne plus penser à rien. Je me rapproche de lui de plus en plus, et contre toute attente, il me pousse contre l’étagère du rayon pour venir me dévorer les lèvres, commençant une danse fougueuse avec ma langue.
Ses mains se glissent sous mon haut, venant caresser la peau de mon dos et de mon ventre ; il a les mains chaudes et tellement douces, sa main blessée ne fait que m’effleurer du bout des doigts, ce qui accentue encore plus l’effet qu’il me fait. Comment un mec puceau peut-il embrasser aussi bien ? Il y a un problème. Je sens ses lèvres lâcher les miennes pour venir dans mon cou, me mordillant au passage et me laissant sûrement une marque violacée. On se met alors à danser fiévreusement contre cette étagère, emportés par notre désir.
M’aidant à reprendre contenance quelques heures plus tard, il me tient contre lui, respirant profondément jusqu’à ce qu’on se calme. Je finis par m’écarter en remontant mon pantalon, le cœur toujours emballé par l’acte. Je me retourne pour le regarder, il n’est pas dans un meilleur état que moi, ses yeux verts me regardent, encore remplis par le plaisir de son orgasme.
— Tu n’es pas puceau, en fait. Et pas hétéro…
— C’est toi qui en as conclu ça. Mais je suis bi, avoua-t-il.
Il me sourit et se met à glousser avant de se rapprocher de moi, venant me mordiller l’oreille.
— Tu vois, finalement c’est moi qui tu as plaqué contre un mur… enfin, une étagère.
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