Je vous hais
Seule une vieille lampe pendant au plafond permettait de distinguer quelque chose à l'intérieur de la pièce. À l'odeur, il était évident que personne n'avait vécu ici depuis longtemps. La poussière, présente en quantité impressionnante sur les meubles et le sol témoignait aussi de l'état d'abandon de cet endroit à l'ambiance beaucoup trop dérangeante pour que quiconque s'y sente à l'aise. La feuille de papier aussi était vieille et les pliures montraient que son contenu devait avoir été lu un bon nombre de fois.
Papa, Maman,
Je vous écris ces quelques mots pour vous dire à quel point je hais ce monde. J'ai l'impression que mon existence n'est qu'une vaste blague, que ma raison d'exister est d'être la souffre douleur des autres. L'école est certainement ce que je déteste le plus. Pendant longtemps je me levais quand même chaque matin avec des pensée positives en me disant que tout pouvais être différent, mais plus le temps à passé et plus mon sourire s'est effacé. Les moqueries n'ont jamais cessées, les coups et les humiliations de mes "camarades" non plus. Je ne rentrerais pas plus dans les détails de ce côté là, il y en aurait sûrement assez pour écrire plusieurs romans.
Je sais que je ne suis pas la première au monde à vivre ça et que je ne serais pas la dernière mais comment faire quand même en dehors de l'école, rien ne va ? Je sais ce que vous avez toujours pensés de moi. Vous ne m'avez jamais voulue. Peut être ais-je été conçue lors d'une soirée trop arrosée où vous avez finis complètement bourrés ou bien peut être que l'un de vous deux n'est pas vraiment mon père ou ma mère. Oh ne soyez pas choqués, vous m'avez déjà parlés bien plus crument que cela.
Tout ce que je fais est toujours moins bien que ce que fait George, mon grand frère parfait. Il a des super amis alors que moi je suis toujours seule, ces copines sont toujours jolies et intelligentes alors le seul copain que j'ai eue et que j'ai ramené à la maison, vous le trouviez laid et inintéressant.
Chaque jour est devenu un cauchemar et je ne le supporterais pas d'y rester plus longtemps. Peut être que tout ce que j'ai vécu n'est qu'un long rêve, que je suis en réalité paisiblement endormie dans un monde où je suis heureuse. Dans ce cas, je n'ai plus qu'à me réveiller pas vrai ?
Je ne sais pas quand vous lirez ces phrases ni quand je me déciderais à agir et de quelle manière mais soyez en sûr, ça sera spectaculaire.
Je vous hais,
Suzy
"Je ne peux rien y faire, à chaque fois que je relis cette lettre j'en ai les larmes aux yeux. Ça ne te plait pas ? Pourquoi tu ne dis rien ? Tu ne trouves pas que j'écrivais bien pour une gamine de 13 ans ?"
L'homme qui était avec Suzy dans la pièce lugubre la regardait fixement mais restait muet comme une carpe. Les bosses et les coupures présentes sur son visage le démangeaient terriblement mais il était incapable de se défaire des liens qui entravaient ses poignets et ses chevilles. Comme il avait choisi de garder le silence, Suzy reprit la parole.
" On a un peu de temps devant nous et tu te dis peut être que j'aurais mieux fais de me tuer, hein ? Ça t'aurais certainement évité pleins d'ennuis, notamment ce moment précis. Laisse-moi te raconter ce qui m'est arrivé à peine quelques jours après avoir rédigé ma lettre d'adieux. J'étais dans un état d'esprit où plus rien ne m'affectait. Un soir alors que je rentrais à la maison, j'ai vu un enfant de mon âge se faire agresser dans un recoin sombre d'une ruelle. A aucun moment je n'ai éprouvée de pitié ou de compassion pour lui, j'y ai plutôt vu une belle opportunité de me défouler. En plus, comme je ne m'étais jamais battue et que je n'avais jamais osé répondre quand on m'insultait ou me frappait, je me suis dit que c'était l'occasion de s'y mettre."
Suzy était très calme et parlait comme si elle racontait comment c'était passé ces vacances à un collègue de travail. L'homme toujours immobile et muet, la regardait et l'écoutait.
"Et c'est à ce moment, quand je m'en suis mêlée, que tout à changé pour moi. Je suis arrivée en courant, j'ai pris autant de vitesse que possible et j'ai percuté un des agresseurs si fort qu'il s'est retrouvé projeté sur plusieurs mètres. Après ça, j'étais essoufflée, et je n'ai pas compris pourquoi le deuxième agresseur et la victime s'enfuyaient dans la même direction en criant. Puis, j'ai vu la marre de sang au sol dans laquelle baignait la tête du malheureux que j'avais bousculé."
Elle marqua une pause puis claqua brillamment dans ses mains à quelques centimètres du visage de son compagnon silencieux.
"Paf ! En plein sur la tempe !", reprit-elle avec un air presque amusé. "Pas de chance que sa tête ait croisé le chemin d'une pierre bien pointue mais pour moi, ça a été une révélation, une délivrance ! Cette sensation, prendre la vie de quelqu'un, je trouve ça jouissif ! Pas toi ? Hein ? Monsieur le commissaire ?
Suzy rapprocha son visage de celui du commissaire de police et ajusta ses vêtements comme une épouse vérifiant chaque repli de la tenue de son mari avant de sortir. Puis elle lui murmura à l'oreille:
"Tu ne t'ai pas senti fort, puissant, inarrêtable quand tu as ôté la vie à ce jeune homme dont toute la presse a parlé pendant plusieurs semaines ? Non ? Bon, il faut croire qu'on est pas tous sensibles aux même choses."
Elle se redressa, sorti l'arme à feu qu'elle avait sur elle et qu'elle gardait dans son dos et prononça ses mots comme si elle avait été face à un amant:
"Bon, assez parlé, et si on passait aux choses sérieuses ?
Le commissaire n'eut pas le temps de prononcer le moindre mot. Suzy lui plaqua son arme sur le front. Elle n'attendit d'une seconde pour pouvoir observer les yeux écarquillés de sa victime et sa bouche commençant à s'ouvrir puis elle pressa la détente. La déflagration fut assourdissante mais le bruit ne la gênait pas. Elle avait maintenant l'impression que tout allait au ralenti, les éclats de morceaux d'os, de sang et de cervelle ressemblaient, à ses yeux, à un magnifique feu d'artifice. La vie de Suzy n'était pas facile mais à ce moment précis, elle était heureuse.
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