Bureau, canapés et rondelle de tako
Les caractères s’étalaient sur le mur neuf de l’immeuble, gravés et remplis à l’or. Ôkami sangyô. Les entreprises Ôkami... entreprises de quoi ? Il fallait entrer pour le savoir. Passé un hall d’accueil et deux étages — et une brigade d’une cinquantaine de personnes qui saluaient au passage, alignée comme des bidasses à la parade — se trouvait le bureau du chef. Là, on était accueillis par un daimon monumental précisant de quoi il s’agissait réellement : Ôkami ikka, le « clan Ôkami », dans un lettrage agressif et acéré rappelant les formules de magie noire du bouddhisme ésotérique, une esthétique que les yakuzas affectionnaient tout particulièrement. Je restai un moment à contempler les armoiries affichées au-dessus du bureau de mon mari, entre une calligraphie du mot « voie de la chevalerie » — ninkyôdô — et une statuette d’étalon cabré en jade massif. Sur le mur opposé, il y avait aussi la peinture géante d’un dragon émergeant des nuages et des éclairs, le tout parsemé de paillettes d’or. Il y avait aussi deux jarres de porcelaine d’Imari à taille humaine et une étagère portant ce que j’espérais être des sabres d’ornement. Les kôbun, qui avaient orné la rue de ces énormes fleurs en papier coloré portant la mention iwai — « célébration » — qu’on offrait à l’ouverture des commerces, avaient également suspendu des lanternes de ville au nom du clan. En entrant dans cet endroit, difficile de nier qu’il s’agissait du quartier général d’un nouveau clan yakuza.
Hide se planta à côté de moi, attendant mon commentaire. Une aura de satisfaction tranquille émanait de tout son être.
— Alors ? finit-il par dire. Qu’est-ce que tu en penses ?
Je baissai les yeux sur les deux canapés en cuir noir monumentaux qui s’alignaient devant le bureau, entre une table en marbre de taille surmonté d’un cendrier géant en verre découpé kiriko. Avec le lustre en cristal qui ornait le plafond, on se serait presque cru dans un club à hôtesses, en moins cosy et moins mignon.
— C’est magnifique, répondis-je sans me mouiller.
C’était aussi ostentatoire, viriliste, et d’un goût douteux.
Le regard d’Hide suivit le mien, tombant sur le cuir noir. Je vis le coin de sa large bouche remonter.
— Tu penses à la même chose que moi ?
— Tu penses à quoi ?
Ses longs cils noirs s’abaissèrent. Il fit le tour de son bureau sans répondre. Je le suivis. Il y avait une photo de son boss au mur, que j’ignorai. Mais il y avait un autre cadre sur le bureau, retourné et soigneusement caché derrière le téléphone fixe : j’attendis que Hide ait le dos tourné pour le prendre et le regarder. C’était une photo de moi, prise à Kyôto, en train de sourire.
Il a une photo de moi dans son bureau, constatai-je, émue.
Je savais pourquoi il la retournait. Pour ne pas que ses subordonnés et associés ne la voient. Hide était protecteur... et possessif.
Je relevai les yeux, cherchant les siens. Je croisai son regard une demi-seconde, et Hide se tourna vers Yûji, qui attendait toujours au garde-à-vous.
— Va t’acheter un coca, lui ordonna Hide en lui lançant son portefeuille.
Yûji le rattrapa de justesse.
— Euh... je vous prends quelque chose, patron ?
— Ramène-moi un café au lait et un paquet de clopes. Lola ?
— Je veux bien une limonade ramune, s’il y en a, fis-je en me tournant vers Yûji.
— Tu risques d’avoir chaud sur ce canapé en cuir, fit Hide sans se départir de son expression sévère, je te conseille de prendre un truc plus rafraîchissant, comme une glace au matcha ou du kakigori. N’hésite pas à le faire courir : il est là pour ça.
Tu penses à la même chose que moi ?
— Bon... je prendrai bien de la pastèque, alors, souris-je innocemment. Ça ne te dérange pas, Yûji ?
— Bien sûr que non, o-nêsan.
— C’est pas encore ta grande sœur. D’ailleurs, rien ne dit que je vais accepter ta demande, Yûji. Faudra d’abord que tu fasses tes preuves.
— Oui, patron !
— Allez, file. Je commence déjà à avoir soif.
Il y avait une grande carafe d’eau et des verres propres sur le bureau, mais Hide les ignora. Apparemment, le but était de bizuter ce pauvre Yûji.
— C’est dur, dis donc, la vie d’apprenti yakuza, remarquai-je une fois la porte refermée. C’était comme ça pour toi aussi ?
— Ouais. Mais c’était une autre époque : en arrivant comme heyazumi chez un boss, on était déjà des hommes.
Bien évidemment.
Hide se dirigea vers la porte, qu’il ferma à clé, de l’intérieur. Puis il me fit face et enleva son blazer.
— T’as toujours pas répondu à ma question, fit-il en défaisant sa cravate.
— Laquelle ?
— À quoi tu pensais en regardant ce canapé.
— Je pensais que c’était un beau canapé, bien neuf et bien lisse.
— C’est tout ?
— Oui... et toi ? Tu pensais à quoi ?
Hide avait enlevé sa chemise. Je laissai mes yeux trainer sur ses abdos sculptés, un véritable pack de six. Et je ne parle pas de bîru-bara, ce fameux « ventre à bière » connu des Japonais. Hide avait un corps de dieu grec, proportionnel au temps qu’il passait à la salle.
Il s’avança vers moi sans me quitter des yeux ni sourire, avec ces manières de bad-boy que je lui voyais parfois. Hide avait beau se balader en costard-cravate avec chauffeur et tout le toutim, son passé de jeune voyou ressurgissait dans ses manières, en particulier dans ces moments-là.
Lorsqu’il m’entoura dans ses bras puissants, je m’y coulai sans moufter, collant mon dos — et mes fesses — contre son torse et ses hanches.
— Je pensais te sauter dans ce canapé pour l’inaugurer, murmura-t-il dans mon cou. Mais je crois que je vais plutôt te prendre sur le bureau. Par derrière.
Sa voix basse et rauque envoya un véritable courant électrique dans mes veines.
— Tu vas pas faire ça, geignis-je, avec tous tes hommes juste à côté...
— Pourquoi pas ? Tu as peur que je les appelle ?
Un peu alarmée, je tentai de me retourner. C’était peut-être une tradition yakuza, que de proposer un happy-hour sur la femme du boss...
— Tu ferais pas ça... !
Le rire sombre de Hide résonna dans mon oreille. Il m’empêchait toujours de me retourner.
— Je partage pas. Et c’est fermé à clé. Personne ne viendra nous interrompre.
Je n’en pouvais déjà plus. Hide me poussa doucement sur le bureau, mais sans ménagement. Ma joue se retrouva contre le cuir et le bois précieux, qui exhalait une odeur exotique. Derrière moi, je l’entendis défaire la boucle de sa ceinture. Puis il souleva ma jupe, me caressa longuement les fesses... et baissa mon string.
En sentant ses doigts enduits de gel sur mon sillon fessier, je compris qu’elle était son intention. Il voulait me sodomiser sur son bureau. Avec ses hommes dans la pièce à côté, qui pouvaient frapper à tout moment... à cette seule pensée, mon sphincter se contracta. Je n’étais pas prête du tout.
— Hide, soufflai-je. Non...
— Non « non », ou non « oui » ?
Je ne répondis pas.
— Non... répétai-je sans pouvoir m’empêcher de remuer les hanches.
Je voulais qu’il me touche. Ce qu’il finit par faire, avec ses longs doigts trempés de lubrifiant.
— C’est pas super clair. Tape sur la table si tu veux pas. En attendant, je continue.
Son annulaire effleura mes lèvres. Et mon clitoris, comme par inadvertance. Les doigts accrochés au rebord de son bureau, la joue écrasée contre le cuir du sous-main, je me déhanchai frénétiquement, cherchant ses caresses et le plaisir qui venait avec.
— Continue, le pressai-je.
Hide s’exécuta. Puis ses doigts mouillés de cyprine et de lubrifiant s’aventurèrent plus haut, sur le pourtour de mon anus. Je sentis son pouce masser l’anneau de mon sphincter, en cercle.
— Pas là...
Mais une nouvelle coulée entre mes cuisses démentit mes propos. Hide se servit de son autre main pour me travailler là, tout en continuant ses approches sur mon cul. Il y glissa une phalange, puis deux. Je gémis.
— Doucement...
— Arrête tes minauderies, me tança-t-il gentiment. Je vois bien que t’es prête. T’as l’œillet aussi ouvert qu’une rondelle de tako.
Autant pour la petite comparaison culinaire... Hide venait de comparer mon anus à un anneau de calamar. Il le travailla encore un peu, puis ses doigts furent bientôt remplacés par son gland, aussi dur qu’une pierre, qui vint à son tour effleurer ma fente ouverte. Sans s’y enfoncer toutefois.
— C’est de la torture ! me plaignis-je.
— Cesse de geindre. Tu veux pas que mes hommes débarquent et me voient t’enculer, non ?
Cette « menace » provoqua un autre gémissement de ma part. Pour Hide, ce fut le signal : il saisit mes muscles fessiers de ses deux mains et les écarta largement, positionnant son membre à l’entrée, contre mon anus à peine ouvert. Je sentis à nouveau le lubrifiant couler : il venait d’en remettre une dose.
— Pas encore, le suppliai-je en remuant du popotin. Caresse-moi encore...
— Non. Tout ce dont t’as besoin, c’est d’une bite bien dure dans le cul. Ça va te calmer, tu verras.
— Hide...
Mais il ignora mes protestations.
— J’y vais, eut-il l’amabilité de me prévenir.
Et il s’enfonça dans mon rectum.
Ça faisait longtemps qu’il ne l’avait pas fait. Je ne pus retenir le râle au fond de ma gorge. Hide me plaqua une main sur la bouche.
— Tu peux gueuler tout ton content, murmura-t-il en me besognant, et même me mordre. Je vais faire le plus vite possible.
Le plus fort, aussi. Il n’y allait pas de main morte. Lorsqu’il attrapa ma chevelure et l’enroula autour de sa main libre, je compris que la situation l’excitait, tout comme elle m’excitait, moi. J’avais de nouveau l’impression d’être sa chose. Une poupée blonde toujours consentante. Un bel objet, une possession dont il usait selon son bon plaisir, avec l’assentiment silencieux de tous ses subordonnés et associés. En voyant sortir Yûji, tous devaient avoir compris que leur patron avait décidé d’user de moi séance tenante.
— T’es faite pour ça, gronda-t-il en m’empalant sur sa queue. Pour te faire prendre le cul sans ménagement sur un bout de table. Et me dis pas que t’aimes pas ça !
— Salaud, grinçai-je en lui mordant la main. Tu ne perds rien pour attendre !
Mais il avait raison. J’adorais ça. Ma fente dégoulinait de suc, et mon clitoris était si gonflé qu’il me faisait mal. J’espérai vivement qu’Hide allait me finir.
Des coups violents retentirent à la porte. Yûji était de retour plus tôt que prévu...
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