Chapitre 2 - Le Vieillard (I)

5 minutes de lecture

  • Quel genre de fou es-tu ?

La voix semblait parvenir de loin, très loin. Brouillée comme les nuages d’un brouillard enlaçant la route un soir d’hiver. Personne ne pouvait comprendre cette métaphore mieux que l’homme au fusil. Il revenait lentement à lui, mais quelque chose, ou quelques’un semblait le maintenir dans le flou. Un mal de crâne, le manque de sensations de tout son corps, non, un souvenir. Celui ci accaparait tout son être comme une femme vous maintenant au lit après une folle nuit d’amour. Et pourtant, toujours au loin, la voix d’un homme lui parvenait :

  • Que viens-tu chercher chez nous hein ? Tu vas voir, tu finiras pas parler, ils parlent tous. Ce putains de château fait parler tous le monde.

Puis, le noir et le flou envahit une nouvelle fois l’esprit de l'homme au fusil…

  • Vrim vram vroum !
  • Le lapin fait un boum !
  • Tu vas me répondre à la fin ?

Impossible d'éviter la question. Troisième fois que la femme demande.

  • Vrim vram vroum !
  • Le fusil fait un boum !

Elle attend et ne lâchera pas le morceau.

  • Vrim vram vroum !
  • Là voiture fait un boum !
  • Réponds moi.

Là femme de l’homme au fusil sent que celui-ci fuit. Mais au coeur du trafic immobilisé, bouchonné et cramé sous le soleil de l’autoroute, il lui est impossible de fuir. Le soleil crame la voiture de service de l'homme au fusil sur place. L'odeur de fournaise se fait sentir dans le monde entier semble-t-il. Bon sang l'été ne finira jamais.

  • Vrim vram vroum !
  • Ri tu vas te taire Oui ?
  • Laisse la donc Bo.

Bo fixa l'homme au fusil d'un air complexe que seul une autre femme peut déchiffrer.

  • Tu m'entends donc alors ? Réponds moi. Pour combien de temps pars tu ?
  • Bo…

Là voix signifie déjà tout.

  • Aller dis moi, à ce stade je suis prête à tout entendre. Cela fait deux jours que l'ont passe ensemble depuis plus de trois mois d’absence, là petite grandit sans toi, car auparavant son père disparaît quatre mois et encore avant plus de six. Un coup à LongHill, un autre à Satramo, puis à la City, et maintenant où ? Aller réponds moi !

Le ton devient insistant.

  • Vrim vram vroum ! S’enquit Ri.

L'homme au fusil, prit au piège, se lance :

  • Trois semaines.
  • Ben voyons.

Là nouvelle ne passe pas. Le mensonge passe encore moins. Le lieutenant ordonne cinq semaines précisément, et encore pour une scène de crime. Plus immonde cette fois d'ailleurs. Une petite, pas plus de six ans, difficile à dire car retrouvée le visage écrasée - ou “effacé” selon les dires du shérif sur place… le bout des doigts brûlé, les orteils aussi. Au moins un os de brisé à chaque vertèbre de la tête aux pieds. Et le même chiffre sur la poitrine. Quatre. Le même que sur le buste des trois autres. Le lieutenant dit que cette fois il est certain que c'est l'oeuvre du Diable. Pour le premier, le service avait ri. Puis après avoir vu le visage déformé du premier, personne n'avait plus jamais ri. A LongHill, le visage semblait avoir été passé au sèche linge.

  • Et pour quoi cette fois ?
  • Les mêmes qu'auparavant Bo.

Le ton calme. Comme toujours.

  • Vrim vram vroum !
  • Je peux te poser une question ?

L'homme au fusil sait laquelle. Le trafic avance lentement. Trop lentement pour la situation.

  • Oui.

Le ton calme. Toujours.

  • Vrim vram vroum !
  • Tu vois quelqu'un ?

Bingo.

  • Voir qui ?
  • Tu sais ce que je veux dire par là.
  • Non.
  • Non tu ne vois personne ?
  • Oui.
  • Tu es incroyable.
  • Vrim vram vroum !
  • Pour quelles raisons ?
  • Tu es impassible, aveugle à ce qu'on ressent ! Même le Dr. Jones le dit ! Tu… tu ne ressens rien vis à vis de ce que tu vois c'est ton problème mais depuis ces enquêtes, même avec nous tu… tu changes du tout au tout ! Tu ressemble à une machine automatique. Tu…

Bo continue son laïus et effectivement, l'homme au fusil ne ressens rien. Il devrait lui demander si elle, elle voit quelqu'un. Si elle, elle à un amant. Mais tout ce qui l'intéresse c'est l'enquête. L'obsession. Et la chaleur oppressante n'arrange rien. Le soleil cogne aussi dur qu'un coup de batte. Le ciel est d'un bleu immaculé, aucun nuage pour perturber l'action de ce disque blanc qui enveloppe le monde de sa brûlante étreinte. Les gouttes de sueur perle le long des visages. Un millier de face trempée, énervée, immobilisée dans ces cages de Faraday faisant office de four. La planète est une fournaise. Et lui, l'homme au fusil reste impassible. Il compte les secondes, les minutes,les années qui le séparent de ce meurtrier. Les siècles qui le séparent de la perfection de ces crimes. Des scènes de boucheries. Mais toujours ce soucis du détail. Toujours. Un indice laissé dans le soucis qu'il soit trouvé. Un jeu de piste flou, certes, mais un jeu de piste. Oui. Aucun doute. Ces indices lui sont destiné à lui, l'homme au fusil. Le chiffre quatre. Pourquoi ? Et puis toutes ces villes. LongHill, Satramo et City. L'homme au fusil essaie de visualiser une énième fois ces scènes.

  • ...fille ! Même pas capable de…

Bruit de fond.

Satramo. 27 octobre. Chiffre quatre. 4.

LongHill. 14 avril. Chiffre quatre. 4, encore.

Et City. 10 août. Chiffre quatre. 4.

444 ? L'homme au fusil y avait déjà pensé. Mais cela ne correspond à rien. Les lieux et les dates se confondent. Le moindre détail est un indice. Le Diable se cache dans le détail. Le Diable.

  • Vrim vram vroum !

Le trafic reprend lentement sa fluidité. Bo baissé peu à peu le volume de ses complaintes. Ri s'éxalte plus encore du haut de son siège enfant. L'homme au fusil revient lentement à lui, comprenant qu'il n'arriverait à rien du siège de son auto.

  • …volonté bon sang ! L'entendit-elle marmonner dans son coin.
  • Écoute, je ferais de mon mieux pour terminer l'enquête rapidement je…
  • T'en fait pas. La mienne est terminée.

L'homme au fusil se questionne sur les femmes. Toujours. Mais il prend néanmoins le moment pour cesser ces réflexions et ralentit en arrivant en ville. La route se resserre, bifurque et le véhicule s’arrête à un feu rouge.

Après un moment :

  • Écoute Bo, je sais que tout n'a pas été simple. Jai toujours essayer de séparer ma famille de ces affaires. Vous êtes ce que j'ai de plus cher. Ri, toi et notre petit polichinelle à venir. Je suis à vous et je n'hésiterai pas à refuser la suite des événements même si cela peut me coûter ma place. Vous êtes ce qui m'est de plus cher Bo. Crois le ou non, c'est sincère.

Même s'il se rend compte de son mensonge, l'homme sait qu'il à besoin de plus de temps pour résoudre cette affaire tournant à l'obsession. Et il sait qu’elle le comprendra, reviendra sur ses pensée et se sacrifiera une nouvelle fois.

Mais tout ne se déroule pas comme prévu.

  • Vrim Vram Vroum !

Au carrefour, l'inattendu se produit, un véhicule entre en collision par là gauche. Choc. Un quart de seconde. Sang.

Le dernier souvenir de l'homme demeure le visage de sa femme, projeter en travers du pare-brise.

Le souvenir souleva le buste de l'homme au fusil tel un choc électrique.

Réveil brutal.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire WhiteWolf ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0