Chapitre 3 - Satramo (V)
- Tu vis ici ?
Après un instant, Henry, qui avait fait mine de ranger la caisse métallique et son contenu, répondit d’un ton ironique et amer, le même qu’un gamin vexé le ferait en temps normal :
- Vous êtes de la police ?
L’homme au fusil compris qu’il devrait faire preuve de tact pour gagner la confiance du gamin :
- J’ai été policier. Il y a longtemps.
Le gamin parut soudainement émerveillé :
- C’est vrai ?
- Oui.
- Vous n’avez pas d’armes pourtant.
- J’ai perdu mes armes dans une tempête là-bas.
- Ce désert est impitoyable hein. Vous aviez quoi comme arme monsieur ?
- Un longrifle, c’est un fusil très grand, justement difficile à manier par sa taille mais assez léger. Il était utilisé par les trappeurs et les chasseurs d’un temps qu’on a tous oubliés à présent. Surtout dans le Nord. C’est une arme qui m’était très cher. Une valeur sentimentale plus qu’autre chose car il m’a fallu un temps fou pour pouvoir en faire mon arme tu vois ?
- C’est-à-dire ?
- Et bien, mon grand-père m’a toujours appris que pour faire un bon chasseur, il faut ne faire qu’un avec ton arme. Quelle qu’elle soit, tu dois te l'approprier. Elle représente ton troisième bras, une extension de toi-même, comme une baguette magique pour un sorcier par exemple.
- Un quoi ?
- Un sorcier. Ou un magicien peu importe.
- Je ne connais pas.
- Ton arme doit t’appartenir plus que tu ne l’appartiens. C’est un équilibre étrange mais tu le comprendras lorsque tu en posséderas une.
- Qu’aviez-vous d’autres ?
- Des couteaux et un pistolet python 330.
- Un quoi ?
- Un pistolet de cow-boy. C’était aussi à mon grand-père. Et j’avais aussi des armes de service mais que je ne possède plus depuis bien longtemps. C’est fini tout ça. Le désert me les a prises.
- Vous les retrouverez vous verrez.
A cet instant, l’homme au fusil sut qu’il avait regagné sa confiance. Une sympathie même. Réciproque.
- Qui est Ri ?
- Quoi ?
- Vous n’avez pas cessez de répéter ce mot durant votre sommeil.
- C’est ma fille.
- Vous avez une fille ?
- Oui.
- Où est-elle ?
- Je la cherche. Elle m’a été volée il y a… Je ne sais même plus vraiment combien de temps. J’ai l’impression de… Au fait, que m’est-il arrivé ?
- Disons que si je vous avait pas trouvé vous seriez mort à l’heure qu’il est. Et même pire.
- Dis-moi.
- Ce qui est arrivé c’est que vous êtes à Satramo voilà tout. Ici, il n’y a plus que la mort. Y a plus que la moitié de la ville, même pas. Le reste est enterré. Y a les tunnels bien sûr, qui regorge de… Je sais pas trop quoi mais mieux vaut pas s’y aventurer.
- Sois plus précis petit, que m’est-il arrivé ?
- Oui monsieur. Je vous ai trouvé sur la place, devant l’église. Vous étiez même sur l’escalier. Pas étonnant, tous les visiteurs, quand y en a, sont attiré par cet endroit. Y avait une silhouette à côté de vous. Tout autour les zombies vous encerclaient.
- Les quoi ?
- Les zombies. Les… des morts-vivants si vous voulez. Peu importe. Ce sont les habitants de cette ville qui sont revenus d’entre les morts. C’est la créature rouge qui les a ramenés c’est sûr… Enfin bref, vous y étiez et je vous ai simplement emmené avec moi en balançant du gaz lacrymogène dans la foule. Ca les a éparpillés et désorienté pendant un temps. On est passé par les tunnels et nous voilà. D’ailleurs, dans les tunnels vous étiez mal en point. Je vous ai trouvé avec ce que vous avez sur le poignet.
L’homme au fusil, qui avait oublié - et comment avait-il pu ? - fut choqué de voir son poignet gauche couvert de bandages soigneusement attaché :
- Vous étiez en plein délire, à parler de tout et de rien.
- Je parlais de quoi ?
- De ciel, euh, oui de ciel rouge et de votre fille. Ensuite je vous ai traîné jusque là et je vous ai vu convulser comme un épileptique.
- Un quoi ?
- Peu importe, et après j’ai suivi les instructions par étape, je vous ai donné d’abord donné les pilules afin de vous calmer et de pouvoir mieux m’occuper du reste. “Toujours aller au plus direct” m’a toujours dit oncle Tom. Et clairement c’était ça le plus direct. Vous saliviez, trembliez, la totale quoi. Du coup après une gélule, vous vous êtes un peu calmé mais honnêtement j’avais jamais vu de type autant affecté par la fièvre. J’ai donc fait descendre la température avec de l’eau fraîche et vous vous êtes définitivement calmé. trois heures plus tard je vous ai redonné une gélule. Normalement c’est six heures mais honnêtement vu votre état j’ai pas voulu prendre de risque. Vous êtes le troisième que je récupère et vu l’heure qu’il était il fallait que je dorme aussi donc vous…
- Tu m’as parlé tout à l’heure de “nuit”. Comment sais-tu quelle heure sommes-nous alors que le ciel reste toujours le même ?
- J’ai ma montre. C’était à Sarmy. C’est dans une autre caisse dans l’autre pièce. J’en ai d’autre aussi si vous en voulez, avec une boussole et de la corde. Pas mal de matériel. Mais honnêtement sans moi monsieur…
- Je te remercie mon petit.
Un soleil invisible sembla illuminer la face du garçon.
- Sans toi, je serai réellement ailleurs à cet instant. je trouverai le moyen de te remercier t’en fait pas.
- C’est normal monsieur, mais vous vous souvenez vraiment de rien ?
- Eh bien… Si. Mais rien de ce que tu me racontes.
- C’est la fièvre. Ca reviendra progressivement. Dans quelques jours si tous se passe bien, vous serez sur pied.
- je n’ai pas quelques jours.
- Je crois malheureusement qu’il faudra attendre monsieur. Je vous filerai des boîtes de ces pilules miracles. Sarmy est un génie. Alors, de quoi vous vous souvenez ?
- D’avoir fait une erreur, une grosse erreur. Avant de venir ici. Mais je suis incapable de m’en rappeler pour le moment. Mais je me souviens du rêve que j’ai fait.
Le silence lui répondit. Comme pour laisser place à la réflexion.
- Qu’y a-t-il monsieur ? réagit alors Henry voyant l’autre pensif.
- Quelque chose ne va pas petit.
Puis, après un instant :
- Ecoutes, je ne sais pas comment et je ne sais pas pourquoi mais s’il y a des réponses, elles se trouvent dans cette église là-bas.
- Mais pourquoi ? Vous êtes fou monsieur ! Cet endroit attire le malheur et…
- Je connais cet endroit. Je me souviens.
- Comment cela ?
- Je me souviens peu à peu. Dans une autre vie, celle d’avant tout cela petit. Je suis déjà venu. Je connais cette ville, cet endroit et cette église. Mais tout est flou.
- C’est la fièvre monsieur.
Soudain, l’homme au fusil décida que tout ceci en était trop pour lui. Trop d’énigmes qu’il ne pouvait encore comprendre :
- Tu vas me donner tout ce que tu as en armes, protections et vivres. Je fais mon paquetage et je repars pour l’église. Ensuite, j’irais en direction du mur. C’est là que ma fille se rend, c’est donc là que je vais. J’aurai probablement de nouveaux éléments qui me permettront de suivre ses traces.
- Tr… Très bien monsieur mais… La fièvre vous… Vous êtes à peine remis sur pied vous…
- Je n’ai en aucun cas le temps de patienter ici à parler, il me faut avancer et vite. Une fois le mur franchit, je ne pourrais peut-être plus les rattraper.
- Oui monsieur.
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