Chapitre 3 - Satramo ( VII)
- C’est… Ce… C’est eux… murmura le gamin lorsque l’autre desserra son étreinte. Les… Les zombies…!
L’homme au fusil, lentement, très lentement, se redressa afin d’observer avant toute chose. Le haut de sa tête dépassait de la vasque de pierre. Il prenait toutes les précautions du monde pour ne pas se faire voir. Puis après un instant, les voyant là, simplement debout ou assit, sans bouger, il décida de se lever lentement, très lentement, et enfin, de se diriger lentement, encore plus lentement, l’arme à la main, vers les premiers rangs.Un haut le coeur fit presque faire demi tour à l’homme : l’odeur… Elle augmentait en puissance au fur et à mesure de son approche. Le petit Henry l’aurait bien rejoint mais la peur le paralysait. Il avait certes sauver l’homme au fusil de ces monstres mais ne les avait jamais vu d’aussi prêt sans avoir balancé auparavant une bombe qui les aveuglerait ou tout autre artifices. Et leur nombre dépassait largement ce qu’il avait pu voir jusque là. L’homme était trop proche, trop proche. Et lorsqu’il arriva assez près, il observa les premiers morts qu’il avait à ses côtés et la vision d’horreur de ces êtres ni morts, ni vivants le hanterait par la suite, au même titre que le sourire venu du fond des âges les plus primaires de Celui Qui L’Appelait Son Frère : le teint gris, les yeux grands ouverts, gris eux aussi, les lèvres asséchés, des cheveux à moitié disparu des crânes à moitié éclatés dont l’intérieur attirait les mouches, des marques de coups et de blessures purulantes dont certaines avait depuis longtemps laissés place aux asticots. Et cette odeur venu d’un autre monde… elle obligea l’homme au fusil à se couvrir les narines d’un bras. Mais ce qui interloquait aussi l’homme était les vêtements : tous, sans exceptions, étaient intactes. Les morts demeuraient vêtus à la perfection : gilets noirs, chemises blanches pour la plupart, pantalons à pinces et chaussures cirés elles aussi à la perfection, robes pour l majorité des femmes, de longues robes bombés et somptueuses qui aurait rendue jalouse la plus coquette de nos lectrices. Le contraste entre l’apparence des morts et leurs visages était saisissant. Tous semblaient près pour ce qui allait se passer. Et quoi que cela pouvait être, cla se passait au bout de la salle.
L’homme sillonait entre les morts, en prenant soin de ne toucher personne, lentement, très lentement, droit vers l’estrade passant par l’allée principale. Il prenait la peine de jeter des coups d’oeil en arrière et assistait à chaque fois au même spectacle qui lui offrait une nausée digne de ce nom en voyant les visages des morts qu’il dépassait. Impossible d’ignorer une telle foule. Le petit Henry était sorti de sa cachette mais se contentait de regarder l’autre. Mais plus il se rapprochait de l’estrade, plus son attention se focalisait dessus. Il devint vite difficile de passer sans toucher les morts mais l’homme fit preuve d’une dextérité peu remarquée auparavant. Il ne quittait pas l’estrade des yeux : typique d’un lieu comme celui-ci, tout était fait de pierre ancienne, des décorations au mobilier, la place du curé, l’orgue tout au fond et cette folie des grandeurs dont seul les constructeurs avaient en avait eut le secret.
L’homme arriva enfin ; il gravit les marches qui transmettèrent l’écho de ses pas contre la pierre jusqu’à Henry, tout au bout, près des portes à moitié ouvertes, qui n’avait pas bougé d’un poil. L’homme lui fit signe.
Et lorsqu’il se retourna pour voir ce qui attirait tant l’attention de la ville, il comprit. Il comprit absolument tout.
Là, en face de lui, et de tous, délimitée par des rubans de démarcations jaunes, une scène de crime. La scène de crime. Celle qui enclencha le début du cauchemar, des années auparavant pour l’homme au fusil. La première d’une série d’autre. Et en se rapprochant lentement, très lentement, et en sentant la chair de poule qui le gagna, il se souvint. Jusque dans les moindres détails il se souvint. Comme au premier jour, le corps d’une petite fille, dix ans, peut-être moins, gisait au sol, au centre des lignes d’enquête qui avait été installé par Wil, son collègue et ami d’enfance, des années auparavant. Comme si rien n’avait changé, que le temps n’avait pas fait son oeuvre, tout était là, les affaires d’enquêteurs, du médecin légiste et du shérif de la ville de Satramo, et évidemment, ce corps qui n’avait pas changé. Tout revint à la tête de l’homme au fusil : 27 octobre… Satramo… Une petite fille, tabassée à mort, le visage gonflé par les coups, bleu, violet, rouge sang. L’homme au fusil se rapprocha et le choc le fit reculer. La fille. Elle était intacte. Son visage. Intact. Son corps, nu, intact. Alors, l’homme au fusil réagit et prit hors de son sac une longue couverture qu’il enroula autour de la petite qui était bel et bien vivante ! Comment..? Et avant de se relever, il prit aussi soin de prendre avec lui les affaires de l’enquête : un appareil photo, celui de l’enquêteur, les constats du médecin légiste et du shérif avec d’autres petites choses se trouvant dans les mêmes sachets plastifiés et hermétiques. Je ne comprends pas. Non en effet, personne ne le pouvait. Pas encore.
Un des nombreux morts qui avaient jonchés la route de cette fameuse enquête...des années auparavant. Sauf que dans ce cas là, le corps n’était pas sans vie.
Malheureusement, tout commença lorsqu’il se redressa avec la petite fille dans les bras : la terre se mit alors à trembler, les morts se mirent à marmonner, grogner, la même expression de vide dans les yeux et Henry, tout au fond, décida de hurler pour l’amener à traverser la foule :
- Vite ! Dépêche-toi ! Le ciel, dehors !
L’homme ne comprenait pas mais ce qui était sûr c’est qu’il devait faire vite. Alors, sans réfléchir, il fonça droit devant au coeur de la foule qui paraissait encore plus nombreuse vu de l’estrade et à l’instant où il sauta les marches, l’église, son édifice, commença à s’effondrer. Le sol tremblait avec tant de force qu’il lui était difficile de courir droit, il se cognait maintes fois contre les morts qui vibraient eux aussi avec force et salivaient et grognaient encore et encore, jusqu’à ce que les murs commencent à s’effriter et le plafond à peu à peu s’effondrer. Des débris de pierre tombaient sur les bancs, sur les femmes, sur les hommes, les enfants se trouvant là et soudain, lorsque l’homme et Henry se retrouvèrent à l’entrée, les morts se réveillèrent, comme habité par le Mal. Tous, sans exceptions se ruèrent droit vers les portes en hurlant de rage. Des cris venant d’un autre monde, comme tout le reste de ce cauchemar.
- Cours ! hurla à son tour l’homme au fusil.
Et une fois sorti, la stupeur se saisit d’eux : là-haut, dans le ciel la forteresse flottait et détruisait tout sur son passage à l’aide de chaînes immenses qui râclait et frappait le sol et emportait avec elles bâtiments, demeures et véhicules.
- Bordel c’est quoi encore !
- Merde ! Merde !
- Quoi !!
- Le Gardien...
Alors que les morts se ruaient vers eux et que le sol vibrait sous leurs pieds, les trois se précipitèrent vers le bas des marches et se dirigèrent vers la sortie de la ville. Les morts hurlants prirent de la vitesse tandis que les autres peinait à s’échapper et qu’à l’arrière la forteresse surplombant les cieux et avalant la lumière froide du Wasteland, détruisait tout sur son passage, et l’église aussi, dans un fracas incroyable parti en éclat sous les coups des lourdes chaînes de fer qui emportèrent avec elles une tempête de neige et de pierre, tout ceci dans un nuage de destruction indescriptible. Le chaos avalait ce qui restait de Satramo pour ne plus jamais le recracher.
- Ne t’arrêtes pas ! Tu entends NE T'ARRÊTES PAS !
Le petit Henry ne pouvait répondre. Avait-il seulement entendu ?
L’homme au fusil était à bout de souffle.
La petite dans ses bras, toujours inconsciente.
Les morts eux aussi ne s’arrêtaient pas, les plus lents se faisant hâpper les uns après les autres sous les chaînes et le nuage de mort.
La forteresse ne faisait pas attention à ce qui se passait.
Le sprint final se fit sur la colline de neige surplombant Satramo. La douleur dans les jambes, le corps et l’esprits de l’homme au fusil et Henry était indescriptible, inimaginable.
Une fois en haut, ils se laissèrent glisser pour arriver au plus vite en bas. Et dans un fracas final et grandiose, la forteresse écrasa tout ce qui se trouvait derrière et continua sa route, impassible, comme si rien ne s’était passé, tandis que les trois compagnons glissèrent jusqu’en bas du dénivelé, la colline de neige éclatant en fumée.
Ils avaient été les seuls à survire et à en sortir. Les morts, les bâtiments, les rues, rien n’avait échappé au désastre. Satramo n’existait plus, et était à présent rayé de la carte du Wasteland, enseveli sous la neige et le chaos. Et devant, l’édifice immense et imposant qu’était la forteresse du fameux Gardien, reprenait sa route vers l’horizon.
Vers le mur.
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