Chapitre 9
La marche pour le campement lui sembla durer une éternité. Océane était finalement soulagée de ne pas avoir son sac de provisions et ses packs d’eau en plus ! Si au début, elle parvint à tenir le rythme imposé par les deux hommes et discuter avec son amie, il en fut tout autrement au bout de dix minutes. Maxime et son père planifiaient déjà la chasse et la pêche, vraisemblablement excités à l’idée de tester de nouvelles techniques ainsi que de nouveaux accessoires.
— On va se régaler ! s’exclama Rafael.
Les trois femmes échangèrent aussitôt un regard mi-moqueur mi-apeuré.
— Je crois que j’ai vu une supérette pas si loin sur le chemin pour venir… murmura Sonia, presque avec espoir.
Sofines se retint de rire et mit son index devant ses lèvres.
— Chh !
Lorsqu’enfin, elles aperçurent les toiles de tente du campement, les deux jeunes femmes soupirèrent de soulagement. Elles trouvèrent même l’énergie d’accélérer le pas.
À peine arrivés, les moqueries fusèrent parmi les hommes.
— Et comme d’habitude, Raf arrive toujours en dernier ! taquina son frère cadet Paulo.
— En même temps, il serait temps de changer de voiture, non ? renchérit Joaquin, l’aîné de la fratrie.
Les retrouvailles du côté féminin furent plus douces, agrémentées de petits potins et de commentaires sur les enfants, leurs études, leurs évolutions respectives de carrière et autres banalités.
Océane avait appréhendé ce moment : elle se sentait comme intruse, un vilain petit canard n’ayant pas sa place au milieu de ces retrouvailles en famille… jusqu’à ce qu’Alexandre, le fils aîné de Paulo et Marie-Louise, vienne à sa rencontre.
— Ça par exemple ! Océane ?
L’intéressée acquiesça, un sourire gêné aux lèvres. Depuis quand était-il si musclé ? Trois années s’étaient écoulées depuis leur dernier camping ensemble et elle devait admettre que cela lui allait bien. Plus de boutons d’acné, son appareil dentaire avait laissé place à un sourire charmeur, il avait une voix plus sûre et plus grave, et quoi… quinze centimètres de plus ? Mais ce qui la troubla fut qu’il se souvenait d’elle…
— Hé, Antho !
Le fils unique de Joaquin et Laurence se détourna de ses oncles.
— On va être tranquille avec les moustiques cette année ! Regarde qui est là !
— Noooon ! Trop bien ! Salut Océane ! lança l’intéressé.
L’humeur joyeuse de la jeune fille retomba.
— Je ne me rappelais pas que tu étais si mignonne sans tous ces boutons de moustiques… conclut Alexandre en lui faisant un clin d’œil avant de se tourner vers ses cousins.
C’était… un compliment ou une moquerie ? se demanda vaguement Océane, déstabilisée, tandis qu’elle dévisageait la bande de garçons. Lors de sa venue trois ans plus tôt, elle avait été couverte de piqûres et avait mal réagi, gonflant et rougissant à chaque marque laissée par les insectes. De retour chez elle, elle avait failli ne pas se reconnaître dans le miroir.
— C’est cool ! T’as vu, mes cousins se souviennent de toi ! claironna Sonia en revenant vers elle après avoir fait le tour de sa famille.
— Ils se souviennent surtout de l’appât à moustiques que j’ai été toute la semaine…
Son amie éclata de rire.
— Oui ! C’était tellement pratique !
Océane se renfrogna.
— Parle pour toi, c’était horrible ! Ça me grattait de partout et je ressemblais à Quasimodo à la fin ! J’espère que ce ne sera pas la même chose cette année…
Le rire de Sonia repartit de plus belle.
— Ça devrait aller ! On est plus loin de l’étang que les années précédentes et ma mère a acheté plein de trucs antimoustiques ! En tout cas, je suis vraiment contente que tu sois là cette année, je vais me sentir moins seule, on va en profiter, ça va être chouette ! Tu verr..
SPLASH !
Océane lui coupa la parole en écrasant un moustique qui venait de se poser sur son bras. Elle lui adressa aussitôt un regard noir.
— Ne t’avise même pas de rire… et demande plutôt à ta mère un de ses fameux produits…
Sonia se mordit fortement les lèvres pour contenir son rire et s’exécuta.
Après s’être tartinée de crème et autres bracelets à la citronnelle, Océane s’attaqua à la mise en place de la tente avec son amie. La famille Jorique avait plus que les moyens de s’offrir ces super tentes qui se déploient toutes seules, mais ils considéraient cela comme tricher. Or, dans cette famille, on ne plaisantait pas avec le camping !
Quand pour la énième fois, l’édifice s’écroula sur les jeunes filles en sueur. Sonia se mit à grogner, elle se débattit tant bien que mal pour sortir des tissus et se mit à vociférer en direction du troupeau masculin entourant le matériel de pêche.
— HEY ! ÇA VOUS DÉRANGERAIT DE VOUS SERVIR DE VOS STUPIDES MUSCLES POUR AUTRE CHOSE QUE FRIMER ?
Sans surprise, son frère haussa les épaules avec dédain.
— Pff… Demandé comme ça, c’est mort ! Débrouillez-vous, vous êtes deux en pl…
— Oh ! Sois pas si mesquin, Max ! Allez, venez, ce sera vite fait ! coupa Alexandre en faisant signe aux autres de venir donner un coup de main.
Maxime soupira avant de suivre ses cousins. En moins de trois minutes, la tente fut solidement montée.
Les deux jeunes femmes les remercièrent vivement et purent enfin installer leurs affaires.
— Faut pas hésiter à demander si vous avez besoin d’aide, les filles, leur dit Alexandre.
Avant de partir, il ne manqua pas l’occasion d’adresser de nouveau un clin d’œil à Océane, cette dernière se contenta de sourire poliment en tentant tant bien que mal d’empêcher le sang de monter à ses joues. Malheureusement pour elle, cela n’échappa pas à son amie qui ne put se retenir de glousser et de lui adresser, à son tour, un clin d’œil appuyé. Pour toute réponse, Océane lui balança son sac de couchage dessus. Sonia jeta un bref regard sur le groupe de garçons qui s’était éloigné avant d’arborer un sourire espiègle.
— Vous feriez un beau couple avec Alexandre…
Océane se sentit rougir pour de bon.
— Arrête tes bêtises et aide-moi à ranger !
— Océane Jorique… ça sonne plutôt bien !
Océane jeta un regard en arrière pour s’assurer qu’aucune oreille indiscrète n’avait entendu cela.
— Tais-toi ! Ou bien… ou bien…
— Ou bien quoi ? nargua la belle brune. Tu n’as aucun moyen de pression sur moi, ici !
— Ou bien, je ne suis plus ta copine ! conclut Océane, bien consciente du niveau déplorable de sa menace.
L’expression de Sonia se figea avant de se tordre exagérément de douleur, elle plaça une main sur son cœur et l’autre sur son front, telle une tragédienne grecque. Alors qu’elle prenait une profonde inspiration avant de pleurer, Océane reprit la parole, plus sérieuse.
— Laisse tomber, d’accord ? Je veux juste passer une semaine tranquille. Pas d’histoire, pas de drama…
Sonia la dévisagea.
— ... et si possible pas de moustiques…
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